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 Il n’est pas Ă©trange qu’aujourd’hui, ce ne soit plus tant la maniĂšre dont on produit des images qu’il nous intĂ©ressait d’interroger, que la maniĂšre dont on les consulte. Le web crĂ©atif des amateurs est-il en train de cĂ©der le pas face au web des industries culturelles ? Chacun Ă  leur mesure, Hadopi comme l’iPad d’Apple, un outil tout entier dĂ©diĂ© Ă  la consultation », n’en sont-ils pas les premiers symboles ? Le contenu gĂ©nĂ©rĂ© par l’utilisateur User generated content, UGC est-il vraiment le trĂ©sor » du web ? Qu’est-ce qui est plus important finalement sur YouTube, les quelques vidĂ©os créées par les amateurs ou cette transformation radicale de la diffusion ? AndrĂ© Gunthert Sur YouTube, le modĂšle dominant n’est pas celui de la crĂ©ation de contenus. Sur Youtube, nos enfants ne produisent pas de vidĂ©os. Ils sĂ©lectionnent des contenus. Leur usage principal c’est le visionnage. Les chercheurs ont tendance Ă  considĂ©rer la production plutĂŽt que l’activitĂ© de consommation. Ils n’observent pas beaucoup non plus l’espace du partage, qui se situe entre les deux et dont le signalement, tel qu’il se pratique sur Facebook ou Twitter, est certainement l’activitĂ© majeure. On construit nos identitĂ©s numĂ©riques par du signalement d’articles, de vidĂ©os, d’images. C’est du flux qu’on transmet. Les deux activitĂ©s les plus importantes ne sont donc pas du ressort de la production. On est restĂ© avec l’idĂ©e que les nouveaux outils numĂ©riques facilitaient la rĂ©alisation d’images – et c’est vrai -, mais ce n’est rien par rapport Ă  la rĂ©volution de la diffusion. Cette dimension de la consultation est essentielle, d’autant qu’elle ne s’effectue plus comme autrefois. La diffĂ©rence avec les mĂ©dias traditionnels est qu’on y est actif ce que l’on trouve personne » ne l’a trouvĂ© pour nous. Longtemps, pour consulter les contenus nous avons eu besoin de les collectionner
 AndrĂ© Gunthert Mes enfants ne ressentent pas le besoin d’accumuler les contenus. Jeune Ă©tudiant, la BibliothĂšque nationale Ă©tait mon deuxiĂšme bureau, j’y allais presque tous les jours. J’achetais trĂšs peu de livres, seulement les ouvrages rĂ©cents. Un jour, je rends visite Ă  un ami Ă  Fribourg, qui avait une trĂšs belle bibliothĂšque. Il Ă©tait loin de tout, il avait besoin d’un outil de rĂ©fĂ©rence. La conservation des contenus, que nous percevons comme un rĂ©flexe naturel est en rĂ©alitĂ© dictĂ© par un contexte, qui peut Ă©voluer. Pour les images, la situation d’abondance est trĂšs nouvelle. La volontĂ© de rassembler tous les livres existe depuis Alexandrie. Il y a eu des pinacothĂšques, mais il n’y a jamais eu de BNF des images. YouTube ou Google Images offrent des ressources auxquelles nous n’avons jamais eu accĂšs. C’est bien une rĂ©volution de la consultation plus que de la production. Cette rĂ©flexion est liĂ©e aux transformations de la pĂ©riode rĂ©cente et notamment au dĂ©placement de l’investissement social du grand public de l’espace institutionnel vers l’espace personnel. Dans les annĂ©es 1960, les modĂšles sociaux ont le vent en poupe les partis et les syndicats sont les modĂšles d’organisation de la sociĂ©tĂ©, alors que la famille, jugĂ©e conservatrice, est dĂ©valorisĂ©e. Aujourd’hui, c’est l’inverse. La famille est au premier rang de l’investissement social. Le succĂšs de Facebook s’explique si l’on prend en compte ce grand dĂ©placement de la confiance ou de la dĂ©fiance selon le point de vue oĂč l’on se place. Tous les Ă©lĂ©ments en perte de vitesse sont marquĂ©s du sceau des institutions, alors que tout ce qui est marquĂ© du sceau du personnel est valorisé  Et toute l’économie du signalement de Facebook est circonscrite Ă  cette dynamique. Ce ne sont pas tant les capacitĂ©s particuliĂšres de Facebook qui font son succĂšs, que ce qu’il valorise le local, la dimension personnelle, le groupe d’amis comme nouveau noyau social. Dans cette dynamique, l’image est bien sĂ»r situĂ©e du cĂŽtĂ© de la culture privĂ©e. L’image est l’une des choses qu’on n’apprend pas Ă  l’école. Elle se situe du cĂŽtĂ© du modĂšle de l’investissement personnel l’explosion de l’image ne s’explique pas seulement parce que c’est une ressource abondante, facile Ă  produire, mais surtout, parce qu’elle est pour chacun de nous quelque chose d’intime et de proche. Elle appartient Ă  notre culture personnelle, celle, sauvage », que nous avons construit nous-mĂȘmes, comme nous construisons ce que nous cherchons sur Google. Le fonctionnement sĂ©mantique de l’image est plus fluide, moins fixĂ© que la transmission du langage ou d’autres formes d’information codĂ©e. Cela tient en partie Ă  la dimension sĂ©miotique particuliĂšre de l’image, mais surtout au facteur culturel. Tout ce qui appartient Ă  la culture sauvage bouge, circule. Les significations vĂ©hiculĂ©es par l’image ont un grand caractĂšre de fluiditĂ©, de plasticitĂ©. L’image est un outil pour jouer, pour produire du sens second, de la dĂ©rivation
 La contrepartie, c’est le risque de la mĂ©comprĂ©hension, la mĂ©sinterprĂ©tation
 La plasticitĂ© de l’image comporte en elle-mĂȘme une ambiguĂŻtĂ© native, qui favorise par exemple la publicitĂ© ou Ă  la propagande
 La question de notre environnement numĂ©rique interroge en profondeur le passage d’un espace personnel, devenu si dense, Ă  un espace public, devenu multiple. Paradoxalement, est-ce que l’abondance de contenus ne signe pas la fin de leur conservation ? AndrĂ© Gunthert On n’a jamais tout conservĂ©. La photo est d’ailleurs un trĂšs bon exemple on a perdu bien plus d’images qu’on n’en a gardĂ©es, et c’est probablement tant mieux. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas appliquer les mĂȘmes critĂšres Ă  la production familiale ou privĂ©e qu’à l’oeuvre d’art. L’image a diffĂ©rentes fonctions et notamment certaines qui sont de consommation rapide et pĂ©rimable. Il faut remettre en contexte nos usages des images. On s’aperçoit alors qu’il y a de nombreux cas oĂč l’image ne sert que de façon trĂšs provisoire
 Il y a plusieurs usages de l’image comme il existe diffĂ©rents types de mĂ©moire moyen, court et long terme. L’usage rĂ©cent de photographier le numĂ©ro de sa place de parking est un exemple d’information qui n’a aucune pertinence Ă  long terme. L’erreur est d’appliquer des raisonnements liĂ©s aux modĂšles de l’archive Ă  des activitĂ©s qui n’ont pas vocation Ă  en gĂ©nĂ©rer. Sur Facebook on poste beaucoup d’images. Mais on en dĂ©truit aussi beaucoup. L’usage de la photo sur Facebook est un usage relationnel. Une fois qu’elle a rempli sa fonction crĂ©er du lien, une fonction qui dure entre 24 et 72h, elle n’a plus lieu d’ĂȘtre. Bien sĂ»r, pour les lettrĂ©s, comme les blogueurs, le reflexe de la conservation et de la collection est dans nos gĂšnes. On a commencĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir avec des bibliothĂšques
 La collection, c’est les LumiĂšres, la naissance du British Museum, c’est-Ă -dire le moment oĂč on transforme les cabinets de curiositĂ© en rĂ©serves de savoir, en corpus organisĂ©s, en outil culturel. Ce sont des collectionneurs qui ont inventĂ© l’histoire, l’archĂ©ologie. Notre rapport au savoir et Ă  la politique se transforme Ă  partir de lĂ . Cette organisation du rĂ©el se perpĂ©tue, mais une autre logique se superpose celle d’une consommation immĂ©diate et trĂšs rapide des contenus. J’ai perdu successivement 5 ou 6 bases bibliographiques composĂ©es avec Zotero, perdant avec dĂ©pit plusieurs milliers de rĂ©fĂ©rences. Mais je me suis rendu compte que je ne les consultais pas. Nous subissons une pression du prĂ©sent, qui mange le passĂ©. Tout se passe comme si l’offre de nouveaux contenus Ă©tait de toute façon plus importante que le reste. Notre comportement par rapport Ă  l’archive se modifie. Parmi mes collections, les DVD que j’ai achetĂ©s depuis 10 ans sont probablement ceux que j’ai le moins reconsultĂ©s. Comme pour la technologie, oĂč le meilleur modĂšle est toujours celui d’aprĂšs-demain, notre attention est en permanence sollicitĂ©e par la promesse, ce qui s’articule mal avec la mobilisation de nos dĂ©sirs passĂ©s. Nos collections prennent la poussiĂšre, s’étiolent et meurent sans mĂȘme qu’on s’en aperçoive. Ajoutons que dans les discussions que nous avons aujourd’hui sur l’archive, la vision qu’on a de la conservation est souvent idĂ©alisĂ©e. Il faudrait aussi rappeler la dimension contraignante de l’archive. La rĂ©alitĂ© de l’archive, c’est le contrĂŽle de son accĂšs. Notre nouvelle situation, celle de l’accĂšs permanent, pose de nombreux problĂšmes, mais ce qu’elle nous ouvre en termes de ressources est sans commune mesure avec l’état antĂ©rieur. Pour l’instant, ce qu’on a gagnĂ© avec internet est plus prĂ©cieux que ce que l’on a perdu. Chez les plus jeunes, je constate que l’idĂ©e de collection est Ă©trange. L’idĂ©e d’acheter des choses pour les garder les surprend. Ils ont du mal Ă  comprendre l’utilitĂ© de l’archive ils vivent sur l’idĂ©e de l’abondance des contenus, de la disponibilitĂ© permanente et perpĂ©tuelle des images, orientĂ©e vers le futur et non pas vers le passĂ©. Il y a des serveurs qui, magiquement, maintiennent disponibles un contenu dĂ©sirable
 Le contenu de demain sera toujours plus dĂ©sirable que le contenu de la veille, et si tu ne trouves pas ce que tu cherches, tu as toujours Ă  ta disposition un contenu de remplacement. Sur Youtube, il y a toujours une rĂ©ponse. La sĂ©rendipitĂ© est comme une pertinence seconde, qui vient se substituer Ă  la rĂ©ponse exacte. Ce que vous dĂ©crivez Ă  une consĂ©quence
 Le monde est restreint Ă  ce qui est disponible. Ce qui ne l’est pas n’existe pas
 AndrĂ© Gunthert Oui, la question est bien celle de la disponibilitĂ©. Pour exister aujourd’hui dans l’espace culturel, il faut exister dans cet Ă©cosystĂšme lĂ . Vous dessinez la problĂ©matique d’une histoire de la consultation d’internet
 AndrĂ© Gunthert La consultation est difficile Ă  dĂ©crire. Alors que la production est souvent interprĂ©tĂ©e Ă  partir d’une observation au cas par cas, sur le modĂšle de l’oeuvre, la consommation est mesurĂ©e globalement, de façon statistique. Je pense que le paysage de la consultation ne pourra apparaĂźtre qu’à partir d’une observation beaucoup plus rapprochĂ©e et plus prĂ©cise. Sur mon blog, j’essaie d’enregistrer des exemples en contexte Comment nos enfants, en faisant des recherches sur Youtube, lui adressent leurs rĂȘves ? Pour eux, c’est dĂ©jĂ  un rĂ©flexe Ă©vident. Il y a lĂ  de nouvelles problĂ©matiques Ă  crĂ©er. On peut regarder le dĂ©veloppement de jeux sociaux. La visualisation en commun de vidĂ©os Ă  succĂšs, dans un contexte amical ou familial, par exemple. Typiquement, c’est la tante qui n’a pas vu ses neveux depuis longtemps, et qui leur propose de regarder ensemble des vidĂ©os sur son ordinateur. A la maniĂšre des jeux de cartes Panini qu’on Ă©changeait dans les cours de rĂ©crĂ©ation, il y a lĂ  un nouveau rituel social, un Ă©quivalent du conte de fĂ©es racontĂ© au coin du feu ou de la priĂšre avant de s’endormir. Les vidĂ©os vidĂ©o gags, hits, publicitĂ©s originales
 servent de monnaie d’échange pour fabriquer du lien social. On Ă©change de petits objets qui ne coĂ»tent pas cher mais, dont la consommation en commun est prĂ©cieuse, sur le modĂšle anthropologique du don contre-don. Bien sĂ»r, comme le soulignait le sociologue Sylvain Maresca, dans un rĂ©cent billet Ă©voquant la non-utilisation d’écran photo connectĂ© par certains membres d’une famille, l’installation d’une nouvelle culture ne se fait pas sans exclusion. La culture est un combat identitaire, qui ne va pas sans perte ni sans douleur. Et la mĂ©moire alors ? AndrĂ© Gunthert Le discours sur la perte des donnĂ©es numĂ©riques est un leurre. Nous avons aujourd’hui un problĂšme de trop-plein, de tri et de sĂ©lection. Ce dont on a besoin c’est d’une bonne gestion de l’oubli. La discussion sur le droit Ă  l’oubli initiĂ©e par la secrĂ©taire d’Etat Ă  l’économie numĂ©rique est mal posĂ©e, mais elle demeure une bonne question face Ă  l’univers numĂ©rique qui par dĂ©faut conserve tout
 Ce qui est vite ingĂ©rable. Gmail propose de conserver par dĂ©faut tous nos mails. Tout y est accumulĂ©, mais le tri s’effectue grĂące Ă  notre mĂ©moire rĂ©elle par ce dont on arrive Ă  ce souvenir. Ce qu’on a oubliĂ©, c’est ce qui n’était pas important. C’est parce qu’on ne l’a pas oubliĂ© qu’on sait comment retrouver un vieux mail d’il y a trois ans ! Nous avons trop de mĂ©moires numĂ©riques. La bonne rĂ©ponse n’est pas la mĂ©moire, mais l’histoire. L’histoire, c’est ce qui reste quand on a fait le tri, ce qu’on a jugĂ© important, ce qui fait sens. L’une des rĂ©ponses que j’ai dĂ©veloppĂ©es sans m’en rendre compte avec ARHV puis Culture Visuelle, c’est de faire l’histoire en cours de route, d’essayer aussi vite que possible d’interprĂ©ter, de fixer une signification, de focaliser sur les Ă©lĂ©ments symptomatiques
 Produire du sens est une rĂ©ponse efficace en termes de gestion de l’information. L’important, ce n’est peut-ĂȘtre pas les collections de photos qu’on amasse, mais l’acte de produire la photo. Comprendre pourquoi prendre une photo est important au moment oĂč on la prend, plutĂŽt que pour sa pseudo-valeur mĂ©morielle. Ce sont les nouvelles questions qui s’ouvrent Ă  partir de l’observation des outils d’aujourd’hui. Propos recueillis par Hubert Guillaud, le 27 janvier 2010. AndrĂ© Gunthert est maĂźtre de confĂ©rences Ă  l’Ecole des hautes Ă©tudes en sciences sociales EHESS, il dirige le Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine Lhivic, premiĂšre Ă©quipe de recherche française consacrĂ©e aux visual studies, qu’il a créé en 2005. Il a fondĂ© en 1996 la premiĂšre revue scientifique francophone consacrĂ©e Ă  l’histoire de la photographie, Etudes photographiques, qu’il a dirigĂ©e jusqu’en 2008. Ses travaux actuels portent sur les nouveaux usages des images numĂ©riques et les formes visuelles de la culture populaire. Il a lancĂ© rĂ©cemment une plateforme de blogs consacrĂ©e Ă  la culture visuelle, sur laquelle il tient son propre carnet de recherche, qu’il faut complĂ©ter par son bloc-note personnel. Image AndrĂ© Gunthert lors d’une rĂ©cente intervention prĂ©sentant Culture Visuelle, par Didier Roubinet. Pour l’étĂ©, InternetActu vous propose de revenir sur les usages d’internet en compagnie de quelques-uns des chercheurs, sociologues, anthropologues, psychologues qui nous aident Ă  comprendre l’internet. L’intimitĂ© au travail Ă©galement disponible en format numĂ©rique est un livre Ă  mi-chemin entre le documentaire et le pamphlet. L’anthropologue Stefana Broadbent, qui travaille au Laboratoire d’anthropologie numĂ©rique du CollĂšge universitaire de Londres, y fait une dĂ©monstration aussi puissante qu’évidente sur l’aliĂ©nation du monde du travail, plus aboutie encore qu’elle ne l’avait fait Ă  TED Global ou Ă  Lift France. Elle montre d’abord l’importance qu’ont acquis en quelques annĂ©es nos communications personnelles. Plus que de nous relier au Village Global », tous les canaux de communication que nous utilisons servent avant tout Ă  communiquer avec une poignĂ©e de gens trĂšs proches se rĂ©sumant le plus souvent au cercle familial. Elle montre ensuite l’aliĂ©nation que reprĂ©sente la sĂ©paration artificielle entre la vie privĂ©e et la vie professionnelle et combien nos pratiques de communication personnelle durant l’activitĂ© professionnelle cherchent Ă  rĂ©tablir l’équilibre affectif duquel nous sommes exclus. Le livre dĂ©fend la thĂšse que plutĂŽt que de chercher Ă  restreindre la communication personnelle sur les lieux de travail, les organisations auraient intĂ©rĂȘt Ă  la faciliter, car elle est fondamentalement bĂ©nĂ©fique au travail et Ă  l’apprentissage. C’est fort de ce propos affirmĂ© avec conviction, que nous avons voulu rencontrer Stefana Broadbent pour continuer Ă  comprendre, avec elle, les mutations de nos Ă©changes. Interview. Dans votre livre vous Ă©voquez les Ă©volutions de nos lieux de travail, mais assez peu les Ă©volutions de la maison, du foyer familial
 Stefana Broadbent J’ai hĂ©sitĂ© Ă  faire un chapitre sur le sujet. Pourtant, oui, notre rapport Ă  l’espace domestique n’a cessĂ© de changer, notamment Ă  mesure que se modifiait notre rapport au travail. On a transformĂ© les espaces de travail en espaces clos, privĂ©s en mĂȘme temps qu’on vidait les maisons des fonctions de travail qu’elles occupaient jusqu’au XIXe siĂšcle. C’est ce mouvement qu’évoque trĂšs bien l’historien Philippe AriĂšs, montrant que quand les bourgeois ont commencĂ© Ă  travailler en dehors de leurs propriĂ©tĂ©s, la maison est devenue un refuge. Le lieu de travail a exclu les communications privĂ©es, et le lieu privĂ© a exclu l’extĂ©rieur. Dans mes recherches, j’ai Ă©tĂ© frappĂ© de constater combien il y avait peu de visites extĂ©rieures dans la maison. Rares sont les personnes, extĂ©rieures au foyer qui y soient invitĂ©. Le nombre de visites extĂ©rieures est globalement trĂšs faible. La privatisation de la maison a conduit Ă  sa fermeture au monde extĂ©rieur. Mais si rares sont les visiteurs physiques qui en franchissent le seuil, les visites virtuelles sont plus nombreuses. La maison est assez permĂ©able aux communications. Quand on observe les usages de Skype ou des messageries instantanĂ©es, on constate qu’il est frĂ©quent que les gens ouvrent une fenĂȘtre vidĂ©o sur un autre espace. Plus que d’avoir une conversation directe et limitĂ©e, les gens utilisent ces systĂšmes de maniĂšre immersive on accĂšde Ă  la piĂšce de l’autre, on peut bouger, voir ce que l’autre fait, parfois mĂȘme diner ensemble et Ă  distance
 Skype d’ailleurs travaille beaucoup Ă  rendre son systĂšme accessible via la tĂ©lĂ©vision, car ils se sont rendu compte que l’usage repose plus sur la communication entre espaces que sur le dialogue en face Ă  face. J’ai eu l’occasion de le dire aux fabricants de webcams, leur expliquant qu’il serait certainement judicieux de proposer des webcams avec des angles plus larges
 Mais ce n’est visiblement pas les produits qu’ils ont lancĂ©s. Ils prĂ©fĂšrent les machines qui suivent les personnes et qui ont un angle assez restreint
 RĂ©sultat, pour l’instant, les gens se baladent avec leurs camĂ©ras pour montrer Ă  leurs interlocuteurs ce qu’ils ont Ă  leur montrer. Image Stefana Broadbent sur la scĂšne de TED Global en 2009. A quoi nous servent les multiples canaux de communications et ils sont d’autant plus nombreux que leur nombre n’a cessĂ© d’augmenter que nous utilisons ? A ĂȘtre reliĂ© au village global ? A ĂȘtre disponible Ă  tous et tout le temps ? Ou Ă  n’ĂȘtre disponible qu’à nos proches ? Stefana Broadbent 80 % de nos Ă©changes rĂ©guliers se font toujours avec les mĂȘmes 4-5 personnes. Bien sĂ»r, dans les 20 % qui restent, il y a beaucoup de variabilité  Les Ă©tudes sur Facebook ont montrĂ© que malgrĂ© nos 120 amis en moyenne, ceux avec lesquels ont Ă©change rĂ©ellement sont peu nombreux. Alors que nous avons tous un grand nombre de personnes disponibles dans les rĂ©pertoires de nos tĂ©lĂ©phones mobiles, dans les listes de contacts de nos messageries instantanĂ©es, dans nos rĂ©pertoires d’e-mails, sur les rĂ©seaux sociaux que ce soit Facebook, Cyworld ou Mixii
, la rĂ©alitĂ© de l’échange rĂ©gulier est que nous communiquons avec peu de personnes et souvent les 4-5 mĂȘmes. DĂšs qu’on demande aux personnes de regarder eux-mĂȘmes la rĂ©alitĂ© de leurs Ă©changes, tout le monde l’admet. Ce que j’ai essayĂ© de montrer, c’est les raisons de cela. Il y a des canaux qui ne peuvent ĂȘtre dĂ©diĂ©s qu’à trĂšs peu de personnes ce sont les canaux synchrones, qui ont tendance Ă  ĂȘtre plutĂŽt vocaux comme le tĂ©lĂ©phone ou Skype. OĂč est lĂ  dans la gestion de la relation. Bien souvent, on Ă©change avec des personnes avec lesquelles l’appel a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© par SMS, par tchat
. La synchronicitĂ© favorise le fait qu’on Ă©change avec peu de personnes. Un utilisateur de Skype appelle en moyenne toujours les 2 mĂȘmes personnes. Demander l’attention immĂ©diate de quelqu’un comme on le fait quand on appelle, est un acte socialement trĂšs chargĂ©. Car donner de l’attention Ă  quelqu’un veut dire lui donner un statut Ă©levĂ© et inversement, la personne qui donne l’attention se met dans une position de statut infĂ©rieur. On hĂ©site donc Ă  demander de l’attention Ă  des personnes que l’on estime de statut supĂ©rieur ou que l’on connait mal son chef, une femme dont on est amoureux, etc.. C’est pour cette raison que la voix est dĂ©diĂ© essentiellement aux intimes ou aux personnes avec qui les problĂšmes de statut ont Ă©tĂ© rĂ©solus. D’autres canaux peuvent ĂȘtre dĂ©diĂ©s Ă  plusieurs personnes. Ce sont souvent des canaux asynchrones qui ont tendance Ă  ĂȘtre Ă©crits plus que vocaux, comme l’e-mail. Avec l’e-mail, il faut distinguer l’e-mail professionnel de l’e-mail privĂ©. Ce dernier est de plus en plus dĂ©diĂ© Ă  des activitĂ©s semi-administratives Ă  la maison rĂ©servation, communication avec des institutions – Ă©coles, associations
. C’est le canal semi-professionnel de la maison. Mais on y trouve aussi des conversations privĂ©es, qui lĂ  aussi, bien souvent, concernent peu de personnes. L’e-mail demeure le canal d’envoi des piĂšces attachĂ©es et notamment des photos privĂ©es, mais aussi des blagues et des Ă©changes de PowerPoint thĂ©matiques qui se regroupent en 4 thĂ©matiques selon Elena Angel, Ă©tudiante au dĂ©partement d’Anthropologie de l’UCL les diaporamas religieux, ceux sur le sens de la vie, ceux sur la nature et enfin les diaporamas politiques souvent nationalistes. Ce renfermement sur soi, sur la cellule familiale, sur les quelques proches avec lesquels on communique frĂ©quemment paraĂźt plutĂŽt inquiĂ©tant
 Stefana Broadbent Avec la crise Ă©conomique et Ă©cologique, la question est de savoir si les noyaux familiaux restreints vont ĂȘtre soutenables. Allons-nous revenir Ă  l’accueil intergĂ©nĂ©rationnel dans les foyers ? J’ai tendance Ă  penser que la crise va nous y forcer, que nous allons ĂȘtre contraints Ă  nous regrouper dans des mĂȘmes espaces physiques. En mĂȘme temps, c’est plutĂŽt le contraire qu’on constate l’atomisation de la cellule familiale ! Stefana Broadbent Les personnes qui ont les communications les plus intenses sont souvent des personnes qui ont des problĂšmes financiers, des gens qui ne peuvent pas sortir de leur pays permis de sĂ©jour limitĂ©s, des familles Ă©clatĂ©es
 Dans les maisons Ă  revenus restreints, j’ai toujours Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir trĂŽner de grands Ă©crans de tĂ©lĂ©, alors que la taille de l’écran a une incidence directe sur son prix. On pourrait penser que dans les familles Ă  petits revenus, la tĂ©lĂ© devrait ĂȘtre petite. Or c’est bien le contraire qu’on constate. Pourquoi ? Mais parce que c’est l’ensemble des activitĂ©s de loisirs qui passent par cet Ă©cran. On voit les films Ă  l’écran plutĂŽt qu’au cinĂ©ma, on joue sur la console plutĂŽt que de s’offrir des vacances au ski
 Plus les revenus sont restreints, moins on a des expĂ©riences de loisirs diffĂ©rentes. C’est la mĂȘme logique qui prĂ©side Ă  ouvrir une fenĂȘtre Skype avec sa famille quand il est trop cher d’aller la voir. Pourquoi ses relations de proximitĂ©s sont-elles aussi intenses ? Pourquoi utilisons-nous tous ces canaux pour les raffermir ?Stefana Broadbent Contrairement Ă  ce qu’on a longtemps cru, l’innovation sociale dans les comportements de communication n’a jamais Ă©tĂ© dans l’extension des contacts, mais d’abord dans la continuitĂ©, l’approfondissement. La chercheuse Mimi Ito parle de conscience permanente permanent awareness. Nous sommes sensibles Ă  l’état de nos proches oĂč sont-ils le fameux OĂč es-tu ? » ? Que font-ils ? Comment se sentent-ils ? 
 Dans les journaux de communication que nous demandons aux utilisateurs de tenir qui recensent et dĂ©crivent toutes leurs communications, on trouvait tout le temps des messages catĂ©gorisĂ© comme des descriptions de l’état. Avec nos proches, nous voulons toujours avoir la sensation claire de leur Ă©tat. Maintenant, l’intensitĂ© des Ă©changes n’est pas aussi forte qu’il y paraĂźt. Hormis des phases particuliĂšres de stress ou de relations intenses relations amoureuses notamment, on parle de 2 SMS par jour et un appel tĂ©lĂ©phonique pendant la journĂ©e en moyenne. Cette intensitĂ© culmine en moyenne Ă  7 Ă©changes par jour via des outils de communication, mĂȘme s’il y a de fortes variations individuelles il n’est pas rare de trouver des gens envoyer jusqu’à 70 messages par jour. Ce qui donne cette impression d’intensitĂ© est que les comportements demeurent trĂšs stables jour aprĂšs jour. InternetActu Mais n’est-ce pas contradictoire de vouloir ĂȘtre tout le temps en communication avec les gens que nous voyons le plus ? Stefana Broadbent Sur ces questions, j’ai discutĂ© avec des psychologues, mais beaucoup ont tendance Ă  parler rapidement de dĂ©pendance
 Les gens ne savent pas vivre seuls, ont besoin de satisfactions immĂ©diates
 » Les thĂ©ories montrent que ce besoin est surtout liĂ© Ă  la sĂ©paration et Ă  l’attachement. Quand les gens doivent gĂ©rer de l’anxiĂ©tĂ©, souvent, ils tendent Ă  s’appuyer sur des proches, Ă  les interpeler pour gĂ©rer le moment de stress. Ce contact permet en fait de faire diminuer le stress, en en parlant. En observant la nature des communications des gens, on se rend compte que beaucoup des petits contacts que nous avons avec nos proches via les outils de communication moderne sont de cette nature. Bien sĂ»r, tous les Ă©changes qu’on a n’ont pas pour but de gĂ©rer uniquement l’anxiĂ©tĂ©, mais beaucoup de nos Ă©changes sont de cette nature, servant Ă  partager un moment pĂ©nible, une contrariĂ©tĂ©, Ă  l’anticiper Je suis bien arrivĂ© ! », Ă  reprendre le contrĂŽle. Cela se voit encore plus quand les gens ne peuvent avoir accĂšs Ă  des moyens de communication, comme quand ils sont empĂȘchĂ©s par les rĂšglements de leur entreprise ou quand ils ont perdu leur tĂ©lĂ©phone
 Bien souvent, l’absence du mobile gĂ©nĂšre une anxiĂ©tĂ© Ă©norme On ne va pas pouvoir ĂȘtre joint ». Dans notre sociĂ©tĂ© sĂ©curitaire, tous les gens justifient l’achat d’un mobile pour les situations d’urgence. Or, elles ne sont pas si frĂ©quentes. On voit bien qu’il y a une association trĂšs forte entre l’outil qui permet de gĂ©rer des situations d’urgence et le stress de son usage. Quand les gens sont dans des situations de restriction fortes, les oppositions Ă  ces restrictions Ă©voquent d’abord et avant tout des questions de sĂ©curitĂ©s ou d’urgence. Quand on restreint l’accĂšs des tĂ©lĂ©phones mobiles Ă  l’école, les parents sont bien souvent les premiers Ă  s’en plaindre. Maintenant, il est vrai qu’on constate dans notre sociĂ©tĂ© un surinvestissement sur la famille. Y-a-t-il pour autant une perte de la CitĂ©, de l’espace social ? On peut en dĂ©battre. La famille semble ĂȘtre devenue le seul point de repĂšre psychique, Ă©conomique, sĂ©curitaire
 La dissolution de la communautĂ© sociale rend l’extĂ©rieur plus dangereux. D’oĂč certainement le fait qu’on souhaite garder le lien, via la palette des outils qui nous sont disponibles, avec la seule chose qui semble sĂ»re la famille. Quel est le rĂŽle des catĂ©gories socioprofessionnelles sur nos communications ? L’étendue du rĂ©seau social est-elle proportionnelle au niveau de revenu ? Quels sont les effets de la variĂ©tĂ©, la diversitĂ© des relations ? Le tĂ©lĂ©phone mobile de mon collĂšgue ne lui sert qu’à communiquer avec sa femme, mais celui de mon patron aussi ! Stefana Broadbent Dans le cadre des communications privĂ©es, on ne constate pas de diffĂ©rences sociales entre le patron et le collĂšgue. En ce qui concerne l’importance et l’intensitĂ© de nos Ă©changes de proximitĂ©s, nous sommes tous dans le mĂȘme bain. J’ai commencĂ© un projet sur les sans-abris de Londres
 Et je constate que dans les centres sociaux oĂč ils dorment, ils cherchent la prise Ă©lectrique pour charger leurs mobiles ; dans les bibliothĂšques oĂč ils passent leurs journĂ©es, ils prennent d’assaut les ordinateurs pour se connecter Ă  Facebook
 Pour beaucoup, ils ressemblent Ă  n’importe quels Ă©tudiants. Mais ce n’est pas tant la catĂ©gorie sociale de l’individu qui compte, que l’activitĂ© qu’il fait. Plus on est dans des activitĂ©s de type cols bleus, plus il y a de contrĂŽles de vos communications privĂ©es. On peut d’ailleurs Ă©valuer une organisation aux rĂšgles de restriction qu’elle impose sur les canaux privĂ©s. Plus il y a de filtrages, d’interdiction et plus la structure est organisĂ©e avec une forte dĂ©composition des tĂąches, une organisation du travail fondĂ© sur le temps passĂ© plutĂŽt que sur la rĂ©ussite du projet. A l’inverse, les organisations qui laissent de la libertĂ© sont fondĂ©es sur l’autonomie du travail et la rĂ©ussite des objectifs. Les cols bleus sont plus contrĂŽlĂ©s que les cols blancs qui ont plus d’autonomie. DerriĂšre cette distinction, Ă  mon sens, il y a vraiment un modĂšle social de domination. La hiĂ©rarchie distingue des gens auxquels on peut se fier et ceux auxquels on ne peut pas se fier. Selon votre niveau hiĂ©rarchique, vous avez ou pas accĂšs Ă  votre mobile personnel, Ă  YouTube, Ă  Facebook
 Votre livre dĂ©montre l’importance des communications intimes au travail. Mais plutĂŽt que de chercher Ă  les rĂ©duire ou les faire disparaĂźtre, vous suggĂ©rez qu’il faut les faciliter pour Ă©viter les tensions et le stress, accroitre l’acceptabilitĂ© du travail
 Qu’il faut apprendre Ă  l’intĂ©grer plutĂŽt qu’à la combattre
 Stefana Broadbent J’ai beaucoup regardĂ© les questions de contrĂŽle, notamment le contrĂŽle aĂ©rien, nuclĂ©aire ou de transport [NDE voir l’étonnant dĂ©montage d’un accident de transport amĂ©ricain que Stefana rĂ©alisa pour Lift France et dont nous vous avions rendu compte par le dĂ©tail]. Bien souvent, dans les incidents qui ont lieu dans ce secteur on recherche le facteur humain en cause. Ce que m’ont montrĂ© 30 ans de recherches dans le domaine, c’est qu’on ne peut pas rĂ©duire le rĂŽle de l’opĂ©rateur Ă  un rĂŽle de monitoring pur. Cela ne marche pas ! On ne peut pas rester inactif et en Ă©tat de veille pendant des heures. D’autant plus quand les gens peuvent avoir entre les mains des outils qui suscitent leur intĂ©rĂȘt
 C’est Ă©vident qu’ils vont avoir tendance Ă  les utiliser, malgrĂ© les interdictions. A la fin, on punit l’employĂ©, mais on ne se pose pas la question de ce qui a rendu le travail inintĂ©ressant. VidĂ©o Stefana Broadbent sur la scĂšne de Lift France 2010 par Thierry Weber. Or, il faut comprendre comment est organisĂ© le travail aujourd’hui. Ces 20 derniĂšres annĂ©es, grĂące aux TIC, on a isolĂ© les travailleurs, on les a instrumentalisĂ©s, divisĂ©s
 Jusqu’à l’introduction des tĂ©lĂ©phones mobiles, on pouvait encore compter sur la prĂ©sence, sur l’attention de l’employĂ©, mais depuis
 Les mobiles font resurgir toutes les failles de l’organisation du travail telle qu’on l’a construite. Bien sĂ»r, la rĂ©action consiste trop souvent Ă  contrĂŽler, punir, restreindre
 Alors que c’est le travail lui-mĂȘme qu’il faut repenser. On ne peut pas avoir un niveau croissant d’éducation, d’autonomisation, d’habileté  et un contexte de travail aussi pauvre socialement et cognitivement ! Que pensez-vous de l’argument de Nicholas Carr selon lequel nous outils modifieraient nos capacitĂ©s cognitives en rĂ©duisant notre capacitĂ© d’attention et de concentration ? Stefana Broadbent PlutĂŽt que de regarder tous nos canaux de communication comme des distractions, je pense qu’il faudrait plutĂŽt regarder comment le contrĂŽle de l’attention est devenu un thĂšme crucial. Qui peut contrĂŽler son attention et qui n’en a pas le droit ? A qui donne-t-on le droit de la contrĂŽler ? Il y a une distinction sociale de l’attention qui me semble prĂ©pondĂ©rante. L’attention est sociale et non pas cognitive. Carr la regarde comme une capacitĂ© personnelle, Ă©conomique – ne parle-t-on pas de dĂ©pense » ? Or il y a un dĂ©saccord social profond de ce sur quoi nous devons ou pouvons porter attention. Le systĂšme scolaire est totalement construit autour du contrĂŽle de l’attention, un contrĂŽle que n’aurait pas reniĂ© Michel Foucault on isole les enfants, on ne les laisse pas parler entre eux, il y a une figure centrale et toute puissante et toutes les sanctions tournent autour de l’attention. Or nos outils permettent aux gens de devenir plus autonomes et notamment dans leur attention. C’est cet hiatus entre autonomie et contrĂŽle qui créé dĂ©bat. Or, le problĂšme n’est pas tant l’attention que l’objet de l’attention. On dit que les gens gaspillent leur attention, mais la question est plutĂŽt de savoir ce sur quoi ils la gaspillent. Si on regarde plutĂŽt ce sur quoi les gens portent de l’attention, on change d’enjeu. Je suis plus sceptique sur le changement de type neurologique ou mental qu’évoque Carr. Ce type de changement est lent. On assiste plutĂŽt, il me semble, Ă  une transformation des relations entre individus et institutions, plutĂŽt qu’à une modification de nos capacitĂ©s cognitives. C’est d’ailleurs ce dont je parle dans ce livre on assiste Ă  une rupture des croyances que l’on peut avoir sur l’attention, la productivitĂ©, le travail. Certes, il est dĂ©solant que quelqu’un prĂ©fĂšre regarder Lady Gaga plutĂŽt que d’écouter un cours. Mais la question est autre. Pourquoi Lady Gaga est-elle plus attirante qu’un cours ? L’appauvrissement, la simplification du discours, le fait de tout traduire en contenus Ă©motionnels, comme on le trouve dans une grande partie de la presse, sont-ils un effet des canaux de communication ou d’une transformation des contenus mĂ©dias ? On traite toujours l’attention comme un phĂ©nomĂšne de type ressource individuel ». Le plus souvent on utilise d’ailleurs une mĂ©taphore Ă©conomique pour la dĂ©signer comme une ressource rare. Je pense qu’il faut la regarder d’un point de vue social. L’attention est d’abord relationnelle. Quand je donne de l’attention Ă  quelqu’un, je lui donne d’abord un statut. Le statut social est liĂ© Ă  l’attention. Quand on donne de l’attention, on place la personne dans un statut de supĂ©rioritĂ©. Quand on reçoit de l’attention, c’est nous qui sommes placĂ©s dans un statut de supĂ©rioritĂ©. Certains canaux demandent plus d’attention que d’autres, comme ceux qui utilisent la voix, les communications synchrones. D’ailleurs, Ă  une Ă©poque oĂč il n’y avait pas d’autres canaux, il y avait une tolĂ©rance bien plus forte Ă  l’interruption. Aujourd’hui, l’appel non planifiĂ© devient une imposition forte. On interrompt donc sa mĂšre ou son Ă©pouse, mais c’est notre patron qui nous interrompt
 Les canaux asynchrones, comme Facebook, sont particuliĂšrement polis ils ne demandent l’attention de personne, car personne n’a l’obligation de rĂ©pondre. Quand ils le font, c’est vraiment un cadeau. Le risque demeure qu’il se banalise, qu’il créé ses contraintes ou qu’on n’y parle Ă  personne. Quand on regarde d’autres canaux, plus Ă©troits, les obligations sont souvent plus fortes, comme sur Cyworld. Mais ce n’est pas vrai de tous. On est moralement obligĂ© de rĂ©pondre aux mails, car les gens attendent une rĂ©ponse. Le stress et la fatigue de l’e-mail s’expliquent ainsi on ne peut se cacher des rĂ©ponses que l’on doit. Si je ne rĂ©ponds pas, je viole la rĂšgle, celle de l’engagement rĂ©ciproque tacite. C’est pourquoi les gens donnent plus facilement leur adresse Facebook que leurs mails. Les nouvelles technologies ont-elles changĂ© la nature de la confiance Ă  l’oeuvre entre les gens ?Stefana Broadbent Dans mon livre, j’évoque le cas de St Paul’s, une des Ă©coles secondaires les plus prestigieuses de Grande-Bretagne, dont les rĂ©sultats sont exceptionnels et qui a dĂ©cidĂ© d’ouvrir l’école aux mĂ©dias sociaux en permettant aux Ă©lĂšves d’y amener et d’y utiliser tous les appareils qu’ils veulent. MĂȘme dans cette Ă©cole, on sait qu’il y aura des abus et des problĂšmes, mais on les utilise pour discuter. On profite qu’on est dans un lieu d’apprentissage pour Ă©laborer une conscience des comportements sociaux Ă  avoir avec ces technologies. L’apprentissage est d’abord collectif et intĂ©riorisĂ©. L’abus le plus frĂ©quent, c’est l’abus de confiance. Quelqu’un prend une photo d’une personne en situation ridicule ou dangereuse et la transmet Ă  tout le monde. Avant d’ĂȘtre un problĂšme technologique, il y a lĂ  un abus de confiance manifeste. Nous cherchons tous Ă  Ă©laborer des comportements et des rĂšgles autour des nouvelles technologies. Dans certaines situations, des normes sociales vont apparaĂźtre, dans d’autres cas, la sociĂ©tĂ© va Ă©laborer des lois pour les imposer. Aujourd’hui, mes Ă©tudiants ne prennent plus de notes. Ils enregistrent tous nos propos quittent Ă  crĂ©er des montages pour les rĂ©exploiter ensuite hors de contexte. Que dois-je faire ? Dois-je changer ma façon d’enseigner ? Dois-je traiter toutes les conversations comme quelque chose d’officiel ? Je crois que la seule façon de voir est de discuter au cas par cas. Tout cela est tellement nouveau, il faut qu’on utilise les cas pour Ă©laborer la norme qui nous permettra de vivre harmonieusement avec ces technologies. Un article rĂ©cent sur le sujet dans le New York Times, montrait lĂ  encore qu’on ne peut pas traiter autrement les cas d’intimidation en ligne que par la pĂ©dagogie. Mais on trouve plutĂŽt des Ă©coles qui confisquent et brouillent les tĂ©lĂ©phones. L’attitude de fermeture est bien souvent le choix du moindre mal, plus qu’un choix militant, hĂ©las. La question reste de savoir si les abus sont si frĂ©quents que cela. Les mĂ©dias les mettent en avant, car ils portent des questions sur le processus d’élaboration des normes sociales. Ce sont des sujets dont on peut discuter. Il me semble surtout qu’ils ressortent parce qu’ils permettent de discuter de la norme, de dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Propos recueillis par Hubert Guillaud le 29 mars 2011. La lecture de la semaine, il ne s’agit pas comme d’habitude de la traduction d’un texte anglo-saxon, mais de ma lecture du dernier livre de Michel Houellebecq, La Carte et le territoire, paru Ă  la fin du mois d’aoĂ»t aux Ă©ditions Flammarion. Je ne vais pas faire une critique littĂ©raire de ce livre, rassurez-vous, d’autres, et ils sont nombreux, s’en sont largement chargĂ©. Mais il est possible – en tout cas c’est ce qui m’a frappĂ© -, d’en faire une lecture sous l’angle des technologies. On sait Michel Houellebecq intĂ©ressĂ© par les questions scientifiques. Il est ingĂ©nieur de formation d’abord ingĂ©nieur agronome, puis il a fait ensuite de l’informatique, Les particules Ă©lĂ©mentaires avaient l’aspect, en bien des passages, d’un manuel de physique, et La possibilitĂ© d’une Ăźle Ă©tait aussi une rĂ©flexion sur les utopies posthumaines dont on sait Ă  quel point elles sont importantes dans les problĂ©matiques numĂ©riques souvenons-nous les rapports entretenus par Google, pour ne citer que Google, avec le transhumanisme et autres thĂ©ories de la SingularitĂ©, qui, pour aller vite, postulent un avenir oĂč les technologies pourraient rĂ©soudre bon nombre des problĂšmes humains, la mort notamment. Avec La Carte et le territoire, le questionnement est moins immĂ©diat. Le livre raconte la vie d’un artiste, Jed Martin, qui va connaĂźtre gloire et fortune avec une oeuvre qui a consistĂ© d’abord Ă  photographier des cartes Michelin, puis Ă  peindre Ă  l’huile des personnes au travail, et enfin, dans le dernier temps de sa vie, Ă  faire des photos Ă©tranges, de la nature et d’objets, comme les cartes mĂšres d’ordinateur qui filmĂ©es, sans aucune indication d’échelle, Ă©voquent d’étranges citadelles futuristes ». Les lieux oĂč Houellebecq Ă©crit vraiment, c’est-Ă -dire oĂč il semble se soucier quelque peu de la langue, sont d’ailleurs les longs passages oĂč il dĂ©crit ces oeuvres, ravivant avec pas mal de talent il faut dire le vieux genre de l’exphrasis WikipĂ©dia. Mais l’essentiel pour nous est d’ailleurs. Il est dans trois moments qui sont moins spectaculaires que l’outing de Jean-Pierre Pernault, mais nettement plus intĂ©ressants et importants pour la progression globale du livre. Et d’abord deux longues conversations dans lesquelles, comme souvent chez Houellebecq, sont abordĂ©es des questions thĂ©oriques. Or dans ces deux conversations, est rĂ©animĂ©e une figure passionnante de l’histoire de l’art et de la pensĂ©e, William Morris. William Morris WikipĂ©dia est un personnage important du 19e siĂšcle britannique. Ecrivain, traducteur des sagas nordiques, Ă©diteur, architecte, entrepreneur, thĂ©oricien de ce que l’on a considĂ©rĂ© comme le design moderne, proche des prĂ©raphaĂ©lites, et trĂšs engagĂ© dans les mouvements socialistes. Je note que si William Morris n’est pas trĂšs connu en France, sa pensĂ©e continue d’irradier en Grande-Bretagne, ce n’est pas un hasard si dans la mobilisation rĂ©cente des artistes britanniques contre les rĂ©ductions du budget de la Culture, c’est une phrase de William Morris qui a Ă©tĂ© choisie pour l’affiche publicisant cette mobilisation Facebook. Revenons Ă  Houellebecq. Et Ă  la premiĂšre conversation, celle qui a lieu entre Jed Martin et son pĂšre, un architecte qui a oubliĂ© ses idĂ©aux de jeunesse pour gagner sa vie dans la construction de stations balnĂ©aires. Voici ce que Jean-Pierre Martin explique Ă  son fils Pour les prĂ©raphaĂ©lites, comme pour William Morris, la distinction entre l’art et l’artisanat, entre la conception et l’exĂ©cution, devait ĂȘtre abolie tout homme, Ă  son Ă©chelle, pouvait ĂȘtre producteur de beautĂ© – que ce soit dans la rĂ©alisation d’un tableau, d’un vĂȘtement, d’un meuble – ; et tout homme avait le droit, dans sa vie quotidienne, d’ĂȘtre entourĂ© de beaux objets. Il alliait cette conviction Ă  un activisme socialiste qui l’a conduit, de plus en plus, Ă  s’engager dans les mouvements d’émancipation du prolĂ©tariat ; il voulait simplement mettre fin au systĂšme de production industrielle. » Jed Martin, le hĂ©ros de Houellebecq ne connaissait pas William Morris avant cette conversation avec son pĂšre. Quelques pages plus tard, il a une autre longue conversation avec Michel Houellebecq, qui, comme vous le savez sans doute, est un des personnages principaux de La Carte et le Territoire. Et cette conversation tourne aussi autour des idĂ©es de William Morris. Voici ce que Michel Houellebecq, le personnage, dit Ă  Jed Martin Chesterton a rendu hommage Ă  William Morris dans Le retour de Don Quichotte. C’est un curieux roman dans lequel il imagine une rĂ©volution basĂ©e sur le retour Ă  l’artisanat et au christianisme mĂ©diĂ©val se rĂ©pandant peu Ă  peu sur les Ăźles Britanniques, supplantant les autres mouvements ouvriers, socialistes et marxistes, et conduisant Ă  l’abandon du systĂšme de production industrielle au profit de communautĂ©s artisanales et agraires. » Cette question de la fin du systĂšme de production industrielle, associĂ© Ă  la figure de William Morris, revient donc dans deux moments clĂ©s du livre. Et on la retrouve dans la toute fin de La Carte et le territoire. Si une bonne partie du livre se dĂ©roule dans les annĂ©es 2010, c’est-Ă -dire dans des annĂ©es Ă  venir, la fin est carrĂ©ment une vision de la France des annĂ©es 2040, 2050. Or, comment Michel Houellebecq, l’auteur, imagine-t-il cette France des annĂ©es 2040 ? Il l’imagine comme une rĂ©alisation des utopies de William Morris, mais dans une version technologique. Il imagine une Ă©trange coexistence du numĂ©rique et de l’artisanat. Si dans le moindre cafĂ© de la Creuse, chaque table [est] Ă©quipĂ©e d’une station d’accueil pour laptop avec Ă©cran 21 pouces, prises de courant aux normes europĂ©ennes et AmĂ©ricaine, dĂ©pliant indiquant les procĂ©dures de connexion au rĂ©seau CreuseSat », le paysage de la France est aussi un paysage presque totalement dĂ©sindustrialisĂ©. Houellebecq imagine une France oĂč l’on aurait vu rĂ©apparaĂźtre la ferronnerie d’art, la dinanderie » et les hortillonnages ». Comment ne pas voir lĂ  une victoire dĂ©calĂ©e dans le temps et dans les outils, des utopies de Morris ? Ca me semble ĂȘtre une ligne forte de La Carte et le territoire. Mais si je vous raconte tout ça, c’est parce que je n’ai cessĂ© de penser pendant toute la lecture de ce livre Ă  une tendance forte des technologies contemporaines. Cette tendance, c’est celle dont j’ai dĂ©jĂ  un peu parlĂ© ici, et dont on reparlera bientĂŽt, une tendance qu’on peut rassembler sous le nom de Fab Lab ». En effet, on assiste depuis quelques annĂ©es, sous l’impulsion notamment des Fab Lab du MIT, Ă  un mouvement qui n’est pas si loin des utopies de Morris. Ce mouvement rassemble des gens qui sont trĂšs forts en informatique, mais qui pensent qu’il y a plus intĂ©ressant que le bidouillage des logiciels, il y a le bidouillage du matĂ©riel. Des gens qui dĂ©veloppent par exemple ce qu’on appelle les imprimantes 3D, qui ne sont rien d’autre que des petites usines capables d’ĂȘtre programmĂ©es pour fabriquer des objets. Aujourd’hui, ces imprimantes 3D sont encore Ă©lĂ©mentaires et il y a beaucoup d’obstacles Ă  leur dĂ©veloppement. NĂ©anmoins, ce qui est derriĂšre est passionnant. C’est l’idĂ©e que nous pourrions Ă  terme nous rĂ©approprier la fabrication des objets qui nous entourent. Je tĂ©lĂ©charge dans mon imprimante 3D le programme de fabrication de pinces Ă  linge, et, Ă  condition que je l’alimente de plastique et de mĂ©tal, elle me fabrique des pinces Ă  linge. Je dis pince Ă  linge », mais ça pourrait ĂȘtre des vĂȘtements, des meubles et une multitude d’autres objets. L’idĂ©e Ă©tant aussi que je peux customiser ces objets, que je peux les adapter Ă  mes besoins, leur donner la forme que je veux, que je peux m’abstraire de la standardisation. Bref que je peux m’épanouir dans la fabrication de beaux objets, oĂč l’on retrouve les idĂ©aux exprimĂ©s par Morris. Et puis, on n’est pas loin non plus des prĂ©occupations politiques de Morris, car ces Fabs Labs se dĂ©veloppent en particulier dans les pays oĂč les produits industriels sont inaccessibles aux populations et oĂč le fait de pouvoir les fabriquer Ă  bas coĂ»ts, avec des matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration, serait une avancĂ©e non nĂ©gligeable. Les plus prosĂ©lytes de ces nouvelles pratiques y voient la fin possible de l’ùre industrielle, l’émergence d’une forme d’artisanat qui ferait la synthĂšse entre autoproduction et technologie. Et l’on retrouve lĂ  la conclusion du livre de Michel Houellebecq, cette France de 2050 dont la vision occupe les derniĂšres pages de La carte et le territoire. Houellebecq ne parle pas explicitement des Fabs Labs dans son roman, ou de quelconques mouvements lui ressemblant. Peut-ĂȘtre n’en connaĂźt-il pas l’existence. Ce qui serait encore plus beau. Mais il s’intĂ©resse aux technologies. Et ce qui est beau, c’est le rĂȘve de l’écrivain qui rejoint une avant-garde technologique. Les deux cherchant chacun de leur cĂŽtĂ© avec leurs outils et leurs substrats thĂ©oriques. Et mĂȘme, sans le savoir peut-ĂȘtre, il rĂ©inscrit ce mouvement dans une histoire longue, une histoire intellectuelle et politique. Si, Ă  l’image de Proust Ă©crivant ce que le tĂ©lĂ©phone Ă©tait en train de changer Ă  son monde, beaucoup de grands Ă©crivains ont pensĂ© et mis en mot les mutations de leur temps, alors oui, Houellebecq est un Ă©crivain qui mĂ©rite d’ĂȘtre lu. Xavier de la Porte Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, rĂ©alise chaque semaine une intĂ©ressante lecture d’un article de l’actualitĂ© dans le cadre de son Ă©mission. Une lecture accessible chaque lundi matin sur Cette lecture Ă©tait liĂ©e Ă  l’émission du 3 octobre 2010 qui Ă©tait consacrĂ©e au philosophe Bernard Stiegler, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation IRI du Centre Georges-Pompidou et auteur de Ce qui fait que la vie vaut la peine d’ĂȘtre vĂ©cue. Avant-derniĂšre partie de notre plongĂ©e dans l’univers des Makers premiĂšre partie, seconde partie, avec un retour sur l’édition de la confĂ©rence Lift 2010 qui donna lieu Ă  un vivifiant exposĂ© de ce que sont les FabLabs aujourd’hui par ceux qui les font ! Que ce passerait-il si demain n’importe qui pouvait fabriquer presque n’importe quoi ? Ou, pour ĂȘtre un peu moins caricatural, si tout un chacun pouvait fabriquer presque tout ce qu’il voulait ? C’est ce que proposent dĂšs Ă  prĂ©sent les FabLabs abrĂ©viation de Fabrication laboratory, laboratoires de fabrication, ces ateliers permettant Ă  tout un chacun de concevoir et construire tout et n’importe quoi. Quels que soient leurs noms TechShops, HackerSpaces, FabLabs
 des centaines d’espaces de ce type ont rĂ©cemment vus le jour de part le monde. Que s’y passe-t-il ? Comment y travaille-t-on ? Quelles nouvelles perspectives ces endroits permettent-ils ? Telle Ă©tait la question que la confĂ©rence Lift Ă  Marseille voulait poser Ă  certains de ceux qui sont Ă  l’origine de ces nouveaux espaces censĂ© repenser l’avenir de la production. RepRap se rĂ©approprier les outils de production Adrian Bowyer, cet ingĂ©nieur et mathĂ©maticien britannique, inventeur de la RepRap, cette imprimante 3D libre capable d’imprimer des objets en volume, a commencĂ© par citer Karl Marx. Pour Marx, le prolĂ©taire dĂ©signe des travailleurs qui sont rĂ©duits Ă  vendre leur force de travail pour vivre parce qu’ils ne possĂšdent pas d’outils de production. La solution pour libĂ©rer le prolĂ©tariat consistait Ă  faire la rĂ©volution pour confisquer les moyens et les outils de production. On a su par la suite qu’il s’agissait d’une mauvaise idĂ©e, s’amuse Bowyer, mais Marx avait cependant raison sur le diagnostic estime-t-il la pauvretĂ© consiste Ă  ne pas avoir accĂšs aux moyens de production. Image Adrian Bowyer sur la scĂšne de Lift France, photographiĂ© par Florent Kervokian. Adrian Bowyer propose une autre solution au problĂšme qui passe par une autre rĂ©volution, celle d’avoir accĂšs plus facilement Ă  des outils de production. C’est l’idĂ©e qui prĂ©side Ă  la RepRap qu’il a conçu une imprimante 3D capable d’imprimer une partie de ses propres piĂšces, Ă  peu prĂšs la moitiĂ© – le reste des piĂšces pouvant facilement s’acheter dans la plupart des grandes villes. Le prix total d’une RepRap se monte Ă  environ 350 euros. La machine est capable de reproduire des objets en plastique, en dĂ©posant des couches de plastiques les unes sur les autres pour produire des objets pour l’instant d’un volume de presque 20 cm cube vidĂ©o. Elle est capable de s’autorĂ©parer en produisant ses propres piĂšces de rechange on parle de machine autorĂ©plicante. Bien sĂ»r, les spĂ©cifications de la machine sont libres et gratuites, permettant Ă  chacun de construire la sienne. Aujourd’hui, elle est utilisĂ©e dans de nombreux pays occidentaux, et commence Ă  pĂ©nĂ©trer des pays comme l’Afrique. Les utilisateurs peuvent partager et diffuser des plans d’objets conçus pour la RepRap via par exemple un site comme Thingiverse. AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© sa machine, Bowyer a tentĂ© de montrer comment la RepRap s’insĂšre dans un fonctionnement global en prĂ©sentant les diffĂ©rentes contraintes que la machine doit relever. Pour lui, il y a diffĂ©rent types de contraintes celle des rĂšgles, de la loi et de la coutume. Au-dessus d’elles, il y a la contrainte Ă©conomique, puis celle de la biologie et celle de la physique, couche fondamentale de l’existence. En ce qui concerne le premier niveau, celui des rĂšgles, du droit, du copyright et des brevets, Bowyer rappelle qu’il est permis d’imprimer n’importe quel type d’objet. S’il existe des contraintes, tout n’est pas interdit, au contraire. Par exemple, si on dĂ©sire rĂ©parer un rĂ©troviseur cassĂ© et qu’on doit lui donner une forme “brevetĂ©e”, on n’enfreint pas la loi. On n’est pas non plus dans l’illĂ©galitĂ© si on reproduit un objet brevetĂ© qu’on ne souhaite pas vendre. Au niveau Ă©conomique, la RepRap, avec son prix moyen de 350 euros, est bien moins chĂšre que la moins onĂ©reuse des imprimantes 3D 12 000 euros pour les premiers modĂšles. Elle est Ă©galement Ă©cologique puisqu’elle ne consomme que 8 grammes de carbone pour produire un objet et en enferme 17 dans les objets imprimĂ©s. Sur le plan biologique, la machine repose sur la notion d’autoreproduction propre au vivant. Quant au plan de la physique, il n’est pas sĂ»r que la centralisation et le grossissement soit un principe d’évolution unique pour les ĂȘtres vivants comme pour les objets. Si c’est aujourd’hui le cas par exemple des voitures, qui sont créées dans des usines de plus en plus imposantes, d’autres mouvements vont dans le sens inverse, favorisant plutĂŽt la dĂ©centralisation et la rĂ©duction. La machine Ă  laver personnelle a ainsi remplacĂ© la blanchisserie centrale. C’est dans cette derniĂšre logique que se situe la RepRap
 avec l’espoir qu’un jour, les gens possĂšderont chez eux de plus en plus d’outils effectuant un travail longtemps rĂ©servĂ© aux industries. FabLabs des fabriques de communautĂ©s Quand il avait cinq ans, Ton Zijlstra blog Ă©tait persuadĂ© que ses grands-parents Ă©taient des gens trĂšs riches ils avaient leur propre jardin potager, ainsi qu’un atelier oĂč son grand-pĂšre pouvait rĂ©parer tout ce qu’il voulait. Et pour le petit Ton, ĂȘtre capable de pouvoir faire les choses par soi-mĂȘme reprĂ©sentait une richesse extraordinaire. Image Ton Zijlstra sur la scĂšne du théùtre de la CriĂ©e Ă  Marseille, photographiĂ© par Florent Kervokian. Adulte, il s’est retrouvĂ© Ă  travailler en solitaire, isolĂ©, alors mĂȘme qu’il occupait un poste de directeur dans une entreprise. Et c’est grĂące Ă  son blog qu’il a pu se rĂ©aliser “j’avais plein de connexions dans le monde entier, un feedback extraordinaire. Et c’est en combinant les deux, la rĂ©silience de mes grands-parents, et le rĂ©seau global” qu’il a commencĂ© Ă  s’interesser aux FabLabs, ces espaces imaginĂ©s il y a presque 10 ans par Neil Gershenfeld, directeur du Laboratoire Bits and atoms du MIT, comme il l’expliquait Ă  TED 2007. Les FabLabs, explique-t-il dans sa prĂ©sentation, sont ces endroits qui contiennent des machines qui permettent de faire n’importe quoi y compris des machines », mouvement dans lequel il est trĂšs impliquĂ© depuis, et qui, pour lui, repose sur ces deux fondements la possibilitĂ© de pouvoir fabriquer, par soi-mĂȘme, et celle de pouvoir en discuter, en insĂ©rant ces fabrications personelles dans une communautĂ©. “Il faut respecter les concepts d’accessibilitĂ© ouverte et d’utilisation pour tous, et donc que ce soit ouvert, qu’on puisse y entrer, y partager expĂ©riences et compĂ©tences. Il s’agit aussi d’y construire une communautĂ©. » Pour lui, un FabLab doit ĂȘtre “libre”, et ĂȘtre dotĂ© de machines imprimantes 3D, dĂ©coupeurs laser ou vynil, RepRaps, etc. et des logiciels, pour concevoir, construire et fabriquer. Mais surtout, il ne faut pas qu’il n’y ait qu’un seul FabLab, mais plusieurs, d’abord et avant tout pour Ă©changer. Le premier FabLab nĂ©erlandais a Ă©tĂ© créé en 2007 Ă  Amsterdam. Depuis, quatre autres ont Ă©tĂ© lancĂ©s au Pays-Bas Utrecht en 2008, La Haye en 2009, Groningen et Arnhem en 2010, et au BĂ©nĂ©lux Ă  Louvain et Gent notamment, dont un FabLab mobile, et 11 autres projets devraient voir le jour dans les 18 mois Ă  venir 7 autres projets seraient en cours d’élaboration en France dont le FabLabSquared, un prototype mobile. Ces projets sont indĂ©pendants, mais connectĂ©s des rĂ©unions rĂ©unissent rĂ©guliĂšrement, non seulement leurs dirigeants, mais Ă©galement leurs utilisateurs, des confĂ©rences annuelles leur permettent de rencontrer les autres FabLabs du monde entier comme la 6e confĂ©rence internationale des FabLabs qui aura lieu en aoĂ»t Ă  Amsterdam, mais ils partagent Ă©galement certaines compĂ©tences et ressources humaines, Ă  l’image de ce spĂ©cialiste pointu de l’impression en 3D, qui passe d’un FabLab Ă  un autre et permet de mutualiser son expertise, et son coĂ»t. A la question de savoir si ces FabLabs pourraient se retrouver en concurrence, Ton Zijlstra rĂ©pond que non, parce que chacun d’entre eux est unique en son genre, bien ancrĂ© dans sa communautĂ©, dans sa ville, avec son propre Ă©cosystĂšme, qu’ils rĂ©pondent aux besoins locaux, et sont suffisamment diffĂ©rents pour ne pas se marcher sur les pieds. On a une infrastructure, qui donne un effet rĂ©seau, et chaque nouveau FabLab augmente la valeur des autres, parce que ça apporte une expertise nouvelle, parce qu’on peut dire que pour telle chose il vaut mieux s’adresser Ă  tel ou tel FabLab. » ConcrĂštement, on y fait quoi ? Difficile de dresser de grandes lignes, et un FabYearBook revient chaque annĂ©e sur les projets les plus marquants. Ton Zijlstra n’en cite pas moins un rideau fait en bĂ©ton, des mobiliers de bureau, bijoux, lampes, jeux, stickers, T-shirts, robots
 créés tant par des particuliers que sous forme de prototypes par des professionnels notamment via un concours de conception permanent, mais Ă©galement un projet de prothĂšses coĂ»tant moins de 40$, Ă  destination des pays Ă©mergents, ou encore le projet Big Bird destinĂ© Ă  aider les villages indiens Ă  rĂ©cupĂ©rer l’eau de la pluie
 Dans sa prĂ©sentation des FabLabs, Ton Zijlstra montre une communautĂ© organisĂ©e, en rĂ©seau, qui utilise tous les moyens de communication d’aujourd’hui mĂȘme un canal vidĂ©o, s’appuyant notamment sur une universitĂ© permanente oĂč les projets se rencontrent les uns les autres, qui explore des modĂšles Ă©conomiques de longue traĂźne en partie locaux et en partie via le rĂ©seau. Et qui a encore pour dĂ©fi de continuer Ă  consolider sa communautĂ©, de rĂ©ussir la construction d’un Ă©cosystĂšme local. FabLabs La puissance du rĂ©seau Haakon Karlsen Jr, est le crĂ©ateur de la FabFoundation et du FabLab NorvĂ©gien installĂ© au-dessus du cercle Artique. Tout Ă  commencĂ© par l’installation d’antennes et de capteurs sur des moutons dont Haakon Ă©tait propriĂ©taire pour repĂ©rer leurs dĂ©placements dans la montagne. C’est pour trouver une solution technique Ă  ce besoin qu’il a dĂ©veloppĂ© le premier FabLab norvĂ©gien. Image Haakon Karlsen Jr, l’organisateur de la FabFoundation, photographiĂ© par Florent Kervokian. Le FabLab a Ă©tĂ© montĂ© en octobre 2002 et a ouvert en juin 2003. Au dĂ©but, il ne consistait qu’en une fraiseuse, une machine Ă  dĂ©couper et quelques ordinateurs installĂ©s dans une grande de ferme. En 2003, Neil Gershenfeld, directeur du Centre Bits et Atomes du MIT et crĂ©ateur du modĂšle des FabLabs a envoyĂ© une machine Ă  dĂ©coupe laser du MIT qui est devenu depuis la machine de base du FabLab. Il en a envoyĂ© de nombreuses autres alors que le projet se transformait en un “village de l’invention” en 2005. Le FabLab norvĂ©gien, malgrĂ© sa situation gĂ©ographique particuliĂšre accompagne quelques 120 projets par an et accueille chaque annĂ©e quelque 6000 personnes et plus de 5 millions de visites sur son site web. Le FabLab au dĂ©but Ă©tait un endroit de prototypage rapide permettant de reproduire tout et n’importe quoi. Mais dĂ©sormais, c’est avant tout un rĂ©seau de personnes souhaitant coopĂ©rer et partager leurs connaissances. Les outils permettent d’atteindre cet objectif, comme le rĂ©seau de vidĂ©oconfĂ©rence qui les relie, explique Haakon Karlsen Jr avant de montrer un reportage de CNN prĂ©sentant le FabLab du cercle arctique. Il est devenu difficile de dĂ©nombrer le nombre de FabLabs existants dans le monde. Et il a fallu du temps Ă  la fondation pour qu’elle organise et structure le rĂ©seau et les missions, entre les laboratoires .org, les services commerciaux .com et Ă©ducatifs .edu. Le FabLab est un endroit pour rĂ©pondre aux besoins des gens quels qu’ils soient explique Haakon Karlsen Jr. en se souvenant d’une femme venue leur commander un moule pour crĂ©er des chocolats, puis un autre
 puis une boĂźte pour les emballer. Puis 100. Puis 1000 puis 10 000. Le FabLab a fini par lui en fabriquer 40 000 ! Jusqu’à devenir trop petit pour cela
 De nombreuses petites entreprises se lancent ainsi, petit Ă  petit, en commençant une production unitaire. Le FabLab du Kenya produit des mĂ©dicaments antipaludĂ©ens, et disposent d’une vingtaine d’employĂ©s. Nous faisons Ă  la fois de la recherche, de l’éducation et de la commercialisation
 Mais c’est lĂ  encore une difficultĂ© on a des problĂšmes pour aider Ă  la crĂ©ation de commerces et d’entreprises notamment. » MalgrĂ© ces succĂšs, il nous reste du chemin Ă  faire pour mieux esquisser le rĂ©seau des FabLab », estime celui qui en est le maĂźtre d’oeuvre. Et de nous inviter au BootCamp annuel qu’il organise au fin fond de la NorvĂšge, pour partager et Ă©changer techniques, projets mais aussi savoir-faire autour de la gestion et de l’organisation des FabLab. On y va ? Hubert Guillaud, Jean-Marc Manach, RĂ©mi Sussan De quoi le mouvement Makers est-il le nom ? Le mouvement makers est en plein essor, comme le montre la multiplication des lieux qui leurs sont dĂ©diĂ©s voir la premiĂšre partie de ce dossier. L’éclosion des TechShops, des foires, des ateliers, qui sont pour beaucoup dans une logique de dĂ©veloppement et d’essaimage du modĂšle y participe pleinement. A certains endroits, Ă  San Francisco, le TechShop est au cƓur de la rĂ©habilitation d’un quartier comme c’est le cas Ă  South Market. Mais surtout, ces lieux s’implantent au coeur d’un Ă©cosystĂšme qui favorise leur dĂ©veloppement Ă©coles, musĂ©es, start-ups et grands acteurs de l’internet qui souhaitent redĂ©ployer leur activitĂ© en centre-ville
 Faire sociĂ©tĂ© des lieux et de leurs enjeux Pour Michael Shiloh, l’enjeu va bien au-delĂ  des lieux. Il consiste Ă  rĂ©introduire l’envie de faire des choses. Il consiste Ă  permettre aux enfants de faire et pas seulement d’apprendre ». Avec ses ateliers itinĂ©rants, Michael Shiloh souhaite montrer Ă  chacun son potentiel de crĂ©ativitĂ©. Il faut redonner confiance aux enfants, leur apprendre Ă  faire des choses
 » On devine derriĂšre ce mouvement makers, un vĂ©ritable enjeu pour un apprentissage diffĂ©rent. On pense bien sĂ»r Ă  nos Ă©coles, Ă  nos enfants, oĂč la culture du faire est trĂšs peu prĂ©sente si ce n’est inexistante. En France, il y a fort heureusement quelques initiatives comme celle des petits dĂ©brouillards qui proposent des ateliers aprĂšs l’école. Mais ce n’est que trop embryonnaire
 Plus encore, on devine derriĂšre ce mouvement une vraie remise en cause de notre systĂšme Ă©ducatif et de nos maniĂšres d’apprendre, comme l’expliquait Kevin Kelly dans un rĂ©cent article ce que nous apporte avant tout la technologie ne repose pas sur des solutions toutes faites, mais au contraire, sur le fait que la technologie nous pousse toujours Ă  apprendre. La leçon de la technologie ne repose pas dans ce qu’elle permet de faire, mais dans le processus. » En donnant tout entier corps au processus, Ă  l’action de faire », les makers rappellent quelque chose d’essentiel Ă  l’apprentissage. Reprendre confiance dans sa capacitĂ© Ă  crĂ©er Les animateurs de workshops rencontrĂ©s ont partagĂ© avec nous un constat fort la plupart des participants manquent de confiance en eux en ce qui concerne leur capacitĂ© Ă  crĂ©er. Pour Michael Shiloh comme pour Mike Petrich du Tinkering Studio, pour Dale Dougherty de Make Magazine comme pour Paulo Blikstein du FabLab de Stanford la rĂ©assurance est une des problĂ©matiques qui doit ĂȘtre anticipĂ©e dĂšs les phases de crĂ©ation et d’animation du lieu de fabrication numĂ©rique. Image visite du Maker Space avec Michael Shiloh. Tout le monde ne s’improvise pas designer ou ingĂ©nieur Ă©lectronique – et ce n’est d’ailleurs pas la vocation de ces lieux. La dĂ©marche pour la plupart des acteurs du rĂ©seau consiste donc Ă  associer plusieurs pratiques, visant toutes Ă  crĂ©er un environnement crĂ©atif rassurant tout en restant ambitieux. Parmi ces bonnes pratiques », trois nous semblent essentielles au sein mĂȘme du lieu de fabrication l’équipe d’animateurs, la dynamique de communautĂ© et l’organisation de l’espace. Dans tous les maker spaces » que nous avons visitĂ©s, l’accueil et l’accompagnement par les animateurs du lieu ont Ă©tĂ© formidables. TrĂšs grande disponibilitĂ©, attention particuliĂšre Ă  nos demandes et partage d’expĂ©riences l’équipe de jeunes chercheurs facilitateurs » du FabLab de Stanford aussi bien que les artistes du Shipyard, les Dream coachs » de Techshop comme les membres de Noisebridge. L’échange et la rencontre font rĂ©ellement partie intĂ©grante de la culture du faire » qui anime ces lieux, mĂȘme si les styles peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rents. Pour le nouvel arrivant comme pour celui qui rĂ©alise ses projets au long cours, la vie en communautĂ© est un des autres aspects forts qui permettent d’encourager la confiance en soi et la crĂ©ativitĂ© individuelle. Parce que chacun a ses champs de spĂ©cialitĂ© Ă©lectronique, dĂ©coupe du bois, couture, ou simplement le dĂ©sir d’apprendre et de participer, le travail en Ă©quipe est naturellement encouragĂ©. A The Crucible Ă©norme espace d’apprentissage manuel Ă  Oakland par exemple, les ateliers de rĂ©parations de vĂ©lo rassemblent les enfants du quartier dans l’atelier chaque samedi, Ă  The Shipyard atelier d’artistes situĂ© lui aussi Ă  Oakland la cour principale voit se monter chaque annĂ©e les projets fous prĂ©sentĂ©s Ă  Burning Man qui mĂȘlent mĂ©tal, feu, Ă©lectronique, sur lesquels travaillent ensemble des groupes de 10 personnes au minimum voire 60 ou 200 selon les projets. Tout le monde est invitĂ© Ă  participer et le credo principal, relayĂ© en permanence est toi aussi tu peux le faire ». Donner confiance passe par l’échange humain donc, mais aussi par la dĂ©monstration de ce qui peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©. Un Ă©vĂ©nement comme Maker Faire par exemple, Ă©norme rassemblement de makers » qui se dĂ©roule fin mai dans la Bay Area et dans bien d’autres villes Ă  travers le monde dĂ©sormais, a pour vocation Ă  la fois d’ĂȘtre une formidable caverne d’Ali Baba de crĂ©ations faites maisons, originales et incroyables prĂ©sentĂ©es par plus de 600 exposants, mais aussi de montrer que derriĂšre chacun de ces projets se cache un amateur passionnĂ©, qui a souvent appris et essayĂ© par lui-mĂȘme pendant son temps libre. Transformer, partager vers une culture Open Source de la fabrication numĂ©rique Les lieux de fabrication numĂ©rique sont le théùtre d’inventions en tout genre, d’expĂ©rimentations et de mise en place de projets souvent extraordinaires ! Parce que le mouvement maker dĂ©fend l’idĂ©e de mettre de l’art dans la science et de la science dans l’art, les projets qui voient le jour sont trĂšs souvent inĂ©dits, particuliĂšrement inventifs et humains. A The Shipyard par exemple, oĂč une vingtaine d’artistes a installĂ© ses ateliers dans des containers Ă  bateau, a Ă©tĂ© crĂ©e une cĂ©lĂšbre art car voiture-Ɠuvre en forme de maison victorienne mouvante prĂ©sentĂ©e plusieurs fois Ă  Burning Man. Alors que lors de notre visite d’American Steel Ă  Oakland un quartier composĂ© de hangars et d’ateliers d’artistes certains Ă©taient occupĂ©s Ă  dĂ©couper un petit avion pour un projet d’envergure ; d’autres ont créé Ă  Noisebridge un robot fauteuil roulant Ă©quipĂ© d’un capteur de mouvement issu de la console Kinect de Microsoft. Ces exemples qui sont avant tout des expĂ©rimentations soulignent aussi ce goĂ»t gĂ©nĂ©ralisĂ© du hacking, du dĂ©tournement d’objets, et la volontĂ© permanente de comprendre comment les choses fonctionnent et peuvent ĂȘtre modifiĂ©es. Image la voiture-oeuvre en forme de maison victorienne
 Ce postulat d’ouverture et d’échange est plus qu’un simple goĂ»t pour le travail collectif, il s’agit d’un vĂ©ritable parti-pris, aussi fort que celui qui anime les dĂ©fenseurs de l’Open Source. Les lieux de fabrication numĂ©rique sont ainsi un terrain d’expĂ©rimentation pour l’Open Source Hardware, c’est-Ă -dire non pas seulement pour la conception de logiciels, mais pour la crĂ©ation d’objets dont la conception et fabrication est ouverte Ă  tous. Au sein de ces lieux, la plupart des objets sont en effet créés collectivement et souvent Ă  partir d’autres objets. La pratique la plus courante consiste Ă  partager sa crĂ©ation avec le reste des membres, en mettant en ligne plans, instructions, liste des matĂ©riaux, recommandations
en bref, tout ce qui permet de reproduire l’objet chez soi, de le rĂ©utiliser, le dĂ©tourner, l’amĂ©liorer. L’ensemble des makers rencontrĂ©s fait le mĂȘme constat le projet a plus de chance de rĂ©ussir s’il est partagĂ© avec les autres parce qu’il s’enrichit et s’amĂ©liore au contact de la communautĂ©. La paternitĂ© de l’objet est aussi d’autant plus reconnue et protĂ©gĂ©e que le ou les crĂ©ateurs prĂ©sentent leur projet et l’exposent aux autres. Publier son projet sur le site amĂ©ricain de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de tutoriaux de fabrication, son fichier 3D sur ou prĂ©senter son projet Ă  Maker Faire font souvent partis du trio lĂ©gitimant. Une tendance forte parmi les projets créés – et d’autant plus que ces lieux sont frĂ©quentĂ©s par nombre d’ingĂ©nieurs logiciels travaillant dans la Baie faire de ces objets ouverts des objets connectĂ©s. Utiliser une roue de vĂ©lo comme support Ă  un kit Ă©lectronique qui permet de crĂ©er des motifs visibles uniquement lorsqu’on roule SpokePOV, vidĂ©o, un porte-clĂ© gadget qui permet d’éteindre n’importe quelle tĂ©lĂ©vision le fameux TV B-Gone imaginĂ© par Mitch Altman, un stylo qui Ă©met des sons si on approche son doigt le Drawdio, vidĂ©o. Les projets qui parviennent Ă  un stade de maturitĂ© suffisant pour ĂȘtre montrĂ©s, prototypĂ©s voire prĂ©produits sont malgrĂ© tout bien sĂ»r assez rares, surtout dĂšs lors que l’on touche Ă  l’électronique. La naissance d’un Ă©cosystĂšme local de manufacturers semble ĂȘtre la prochaine Ă©tape de dĂ©veloppement de ce marchĂ© du DIY, elle est en tout cas de plus en plus demandĂ©e par les makers » de la Baie, pour leur permettre de passer du stade du prototype Ă  la vente de quelques modĂšles
 Du maker space Ă  la start-up Si la vision commune des diffĂ©rents lieux de fabrication numĂ©rique de la Baie est bien d’encourager la crĂ©ativitĂ© et le partage, certains vont encore plus loin, en se voulant plus que de simples lieux d’expĂ©rimentations, mais bien des lieux de prototypage et prĂ©production industrielle. La diffĂ©rence se joue principalement sur les types de machines prĂ©sentes et leur accessibilitĂ©. Dans la grande majoritĂ© des makers spaces, la machine Ă  dĂ©coupe laser, qui permet de dĂ©couper trĂšs prĂ©cisĂ©ment depuis des plans en 3D presque n’importe quelle surface, est la reine. La marque Epilog est clairement leader sur le marchĂ©. Parmi les machines que l’on trouve facilement dans ces lieux imprimantes 3D en gĂ©nĂ©ral des Makerbots, qui permettent de crĂ©er des petits objets en volume le plus souvent en plastique Ă  partir d’un fichier 3D, machine Ă  dĂ©couper le vinyle, machine pour mouler le plastique sous-vide, machine Ă  coudre notamment pour coudre des fils conducteurs d’électricitĂ© ou studio de photographie, sans compter nombre d’oscilloscopes ou de fers Ă  souder. L’ensemble permet de rĂ©aliser un grand nombre de projets. Techshop se dĂ©marque avec une offre extrĂȘmement riche et davantage orientĂ©e vers les amateurs dĂ©sireux de prototyper des projets sur des machines de type professionnel WaterJet, machines Ă  travailler le bois, fraiseuses, tours, 
. Lorsqu’il est bien Ă©quipĂ©, le maker space devient alors une sorte de mini-usine de quartier, entre club de bricolage et micro-usine adaptĂ©e Ă  la production de prototypes et sĂ©ries limitĂ©es. Pour la plupart des makers, ces lieux deviennent peu Ă  peu une rĂ©elle opportunitĂ© de faire de leur passion ou de leur bonne idĂ©e un business, pour un coĂ»t accessible. Au sein d’un lieu comme Techshop par exemple, n’importe qui peut venir esquisser son objet, voire mĂȘme le produire Ă  petite Ă©chelle, comme l’a fait DODOcase le premier mois de son succĂšs. La jeune compagnie San Franciscaine, spĂ©cialisĂ©e dans la confection de coques pour iPad au design inspirĂ© par Moleskine et les reliures traditionnelles, a passĂ© ses premiĂšres semaines au TechShop de Menlo Park pour designer, rĂ©aliser son prototype et produire les premiers exemplaires en petite sĂ©rie. AprĂšs deux mois, les commandes affluaient tant que DODOcase a dĂ» passer au stade de production industrielle afin de rĂ©pondre aux demandes. Un lieu comme le TechShop ne fournit pas d’aide spĂ©cifique pour manufacturer ou vendre son produit – c’est un simple espace avec machines Ă  disposition – mais il ne prend pas non plus de commission en cas de rĂ©ussite du business. Image Makerbots en sĂ©rie. Passer de la production de prototypes a de petites sĂ©ries, du soutien de l’initiative individuelle au soutien de micro-projets qui peuvent devenir grand
 On voit bien que se dessine ici une tout autre ambition pour ces espaces. Une ambition qui n’est plus tant dans la rĂ©invention de la sociĂ©tĂ© fondĂ©e sur le partage, l’ouverture et l’apprentissage, que finalement celle d’une sociĂ©tĂ© marchande toujours plus large, plus Ă©tendue, plus conquĂ©rante. Une sociĂ©tĂ© qui n’est pas sans commencer Ă  poser problĂšme d’ailleurs rĂ©cemment Ars Technica faisait part de l’arrivĂ©e des premiers conflits de propriĂ©tĂ© liĂ©s Ă  des crĂ©ations qui ont vu le jour dans ces espaces. Plus que le grand public, c’est peut-ĂȘtre bien les avocats qui seront les prochains clients des makerspaces. Mathilde Berchon et VĂ©ronique Routin VĂ©ronique Routin est directrice du dĂ©veloppement Ă  la Fing, l’association Ă©ditrice d’InternetActu qui anime notamment le programme FabLabÂČ sur ce sujet. Mathilde Berchon termine une exploration de trois mois autour de San Francisco Ă  la rencontre de la communautĂ© des makers » de la Bay Area. Elle continue de raconter cette aventure dans son blog On les appelle Makers. Et les traductions hĂ©sitent entre artisans et bricoleurs, peut-ĂȘtre parce qu’ils tiennent un peu des deux. Certains ne sont que douĂ©s de leurs mains, d’autres ont Ă©galement une autre vision de la sociĂ©té  Une sociĂ©tĂ© relocalisĂ©e, oĂč les gens se rĂ©approprieraient les outils de productions, oĂč le partage des outils, des plans, des logiciels, du matĂ©riel et des savoir-faire finirait par transformer le monde. “We are all makers” Nous sommes tous des artisans. Le credo de Dale Dougherty, fondateur de Make Magazine et de Maker Faire, le plus grand Ă©vĂ©nement dĂ©diĂ© au mouvement “makers”, est en passe de devenir le nom de rĂ©fĂ©rence d’une communautĂ© extrĂȘmement diverse et dynamique, en pleine expansion. DerriĂšre ce sigle rassembleur, inventĂ© par Make Magazine il y a plus de 10 ans au sein mĂȘme d’O’Reilly Media, gĂ©ant de l’édition orientĂ©e techno fondĂ©e par Tim O’Reilly l’un des gourous de l’internet Ă  l’origine du concept de Web on trouve une idĂ©e clĂ© il faut encourager la crĂ©ativitĂ© individuelle car elle est porteuse de plus de conscience et responsabilitĂ© sociale, comme l’exprimait Dale Dougherty sur la scĂšne de TED. Profitant de la vague du DIY Do it yourself, pour “Fais le toi-mĂȘme !” de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique se multiplie les “maker spaces” ou lieux de fabrication numĂ©rique Hackerspaces, TechShop, mini-espaces dĂ©diĂ©s Ă  la fabrication personnelle au sein d’écoles ou d’entreprises, Ă©vĂ©nements emblĂ©matiques Burning Man, Maker Faire, 
, start-ups et sites internet Ă  succĂšs pour Ă©changer des tutoriaux, pour vendre ses productions, pour Ă©changer des maquettes et des plans en 3D, ateliers en tout genre Arduino, Light painting, sculpture sur bois, 3D printing
, rassemblements informels Dorkbot, MakeSF, BioCurious
, publications Make Magazine qui tire Ă  125 000 exemplaires dont la moitiĂ© sont des abonnements
, travaux acadĂ©miques dĂ©partements dĂ©diĂ©s au Design, Interaction & Technologies Ă  l’universitĂ© d’Etat de San Francisco, Berkeley, le Maker’s club de Stanford ou l’Institute for the Arts l’enthousiasme est gĂ©nĂ©ralisĂ©. Le “faire”, assurent ses promoteurs, permet de se rĂ©approprier le monde grĂące Ă  une meilleure connaissance des processus de fabrication, permet de prendre confiance en soi et en sa capacitĂ© Ă  comprendre et crĂ©er, permet aussi de partager son savoir et bĂ©nĂ©ficier des dĂ©couvertes de la communautĂ©. Trois objectifs qui en font un peu plus qu’un mouvement, presque une philosophie
 Qui sont les makers ? Dale Dougherty compare cette communautĂ© des makers aux amateurs du monde de la musique peu de gens sont considĂ©rĂ©s comme des professionnels de la musique alors que beaucoup de gens en jouent, chez eux ou Ă  l’extĂ©rieur. En gĂ©nĂ©ral on s’intĂ©resse Ă  l’innovation provenant du haut de la pyramide, les makers, eux, sont Ă  la base de cette pyramide. Dale cherche Ă  rendre visible cette innovation par la base. En crĂ©ant Make, il s’est intĂ©ressĂ© Ă  cette communautĂ© de gens qui font des choses et partagent leur crĂ©ation. Le rĂ©seau social de ces artisans amateurs a permis de sortir les gens de leur garage et de les rendre visibles. Dale a Ă©galement dĂ©veloppĂ© les Maker Faires, ces foires aux makers, qui poussent un peu partout aux Etats-Unis DĂ©troit, New York, Kansas City
, mais aussi en Europe Angleterre et Allemagne, AmĂ©rique du Sud et Afrique. Ces foires ont grossi au fil du temps accueillant de 300 Ă  8000, voire 20 000 personnes. Elles rĂ©unissent un monde d’amateurs et de professionnels qui utilisent les mĂȘmes outils et partagent la mĂȘme passion. La place particuliĂšre de San Francisco dans ce monde des makers est peut ĂȘtre Ă  trouver dans le fait que les gens, ici, ont eu le talent d’initier le rĂ©seau. La diversitĂ© culturelle de la ville la majoritĂ© de ses habitants n’est pas originaire de San Francisco, a permis une utilisation encore plus importante qu’ailleurs du rĂ©seau et de son haut niveau de connectivitĂ©. Des chercheurs comme Paul Graham ont beaucoup Ă©tudiĂ© cette dimension culturelle des villes. Dale compare ces amateurs aux nouveaux outsiders, “ceux qui n’entrent dans aucune case”. “La plupart sont des inventeurs ! Ils ne font pas les choses comme les autres. Ils mettent la main Ă  la pĂąte, ils touchent Ă  tout ! Ils sont dans la culture du DIY. Ils ont accĂšs aux outils et en ont suffisamment la maĂźtrise pour “faire des choses”.” Est-ce Ă  dire que ce mouvement ne concernerait qu’une infime partie de gens ou est-il plus profond ? Lors d’une prĂ©sentation publique Ă  l’occasion du Fab6 la confĂ©rence internationale annuelle du rĂ©seau des Fab Labs, Dale Dougherty dĂ©clarait qu’il Ă©tait difficile de quantifier le nombre » de makers en activitĂ© aux Etats-Unis. NĂ©anmoins, lui qui est investi dans ce mouvement depuis des annĂ©es, faisait remarquer que l’internet avait contribuĂ© Ă  structurer ce mouvement, Ă  permettre aux gens de se rencontrer, de faire des projets ensemble. Si le phĂ©nomĂšne n’est peut-ĂȘtre pas appelĂ© Ă  concerner tout le monde, peut-ĂȘtre faut-il, Ă  la suite d’Eric von Hippel, ne pas croire qu’il se limite aux geeks mais qu’il concerne une plus large part de la population qui s’étend Ă  tous les innovateurs du quotidien. Dans l’une de ses enquĂȘtes de lectorat Make Magazine a rĂ©alisĂ© qu’en plus d’avoir des espaces de publications pour partager idĂ©es et plans, 90 % de ses lecteurs souhaitaient avoir accĂšs Ă  des outils et des ateliers des lieux dĂ©diĂ©s pour rĂ©aliser leurs projets. Si tous les bricoleurs possĂšdent un fer Ă  souder ou une perceuse, trĂšs peu disposent d’une imprimante 3D ou d’une fraiseuse Ă  commande numĂ©rique. Et tout cela pour faire quoi ? Si l’en en croit la mĂȘme enquĂȘte, 68 % des rĂ©pondants Ă  l’enquĂȘte de Make Magazine fabriquent des fusĂ©es, 47 % des robots, 11 % un kart et 7 % un Kegerator pour garder la biĂšre au frais. Pour mieux comprendre ce mouvement et sa diversitĂ©, l’équipe du FabLabÂČ est allĂ© visiter les diffĂ©rents makers spaces de San Franciso. Panorama des maker spaces de San Francisco The Tinkering Studio “atelier de bidouillage” Le Tinkering Studio est installĂ© dans l’Exploratorium de San Francisco, un musĂ©e similaire Ă  la CitĂ© des Sciences et de l’Industrie Ă  Paris. Une Ă©quipe de trois Ă©ducateurs accueillent les curieux dans un espace mi-ouvert, visible de tous les visiteurs du musĂ©e mais protĂ©gĂ©s de l’hyperactivitĂ© ambiante. L’espace en question ne fait que 50 mÂČ, mais c’est un espace en Ă©volution permanente, en fonction des activitĂ©s et dĂ©monstrations du moment. Fers Ă  souder, pinces, marteaux sont Ă  la disposition de tous sur de grandes tables. L’animateur Mike Petrich, nous explique que, si au sein du musĂ©e les visiteurs s’attardent en moyenne moins de 10 secondes par machine exposĂ©e, le temps passĂ© au Tinkering Studio oscille entre 30 et 40 minutes ! Le Studio est donc un espace oĂč le prend le temps de se poser et d’apprendre vidĂ©o. L’objectif du Studio est de dĂ©velopper la crĂ©ativitĂ© des gens par la crĂ©ation manuelle retour Ă  la matiĂšre, aux bases de l’électricitĂ©, soudure, sculpture, dĂ©coupe du bois ou du mĂ©tal. Images photo du Thinkering Studia de San Francisco. Le Tinkering Studio en action, vidĂ©o promotionnelle du Learning Studio sur Vimeo. The Tinkering Studio est une illustration assez rĂ©ussie de ce que peut donner un atelier de ce type dans un environnement institutionnel notamment via son fonctionnement Ă©quilibrĂ©, entre espace ouvert et club fermĂ©, entre espace rĂ©servĂ© aux enfants et participation collective, entre courte initiation Ă  la crĂ©ation manuelle et suivi complet de projet. Ajoutez Ă  cela l’intervention d’animateurs de renoms comme Michael Shiloh ou Jess Hobbs un des artistes Ă  l’origine de la Flux Foundation et vous obtenez un lieu assez atypique de la culture “maker”. FabLabSchool prototyper l’éducation de demain Le concept de Fab Lab est trĂšs prisĂ© en Europe. Autour de la Baie, il semble pour le moins Ă©clipsĂ© par la grande diversitĂ© des espaces de fabrication Ă  disposition des diffĂ©rents publics enfants, Ă©tudiants, designers, ingĂ©nieurs, bricoleurs amateurs. L’initiative de prototype de Fab Lab menĂ©e par Paulo Blikstein au sein du dĂ©partement de Sciences MĂ©caniques de Stanford se dĂ©marque donc. AppelĂ© FabLabSchool, l’espace est un lieu de fabrication numĂ©rique expĂ©rimental destinĂ© Ă  essaimer dans n’importe quelle Ă©cole Ă  travers le monde, pour un public d’enfants ĂągĂ©s de 10 Ă  17 ans. Le prototype permet d’explorer in vivo l’impact des Fab Labs dans le secteur de l’éducation et diffĂ©rents formats d’animation et d’interaction avec les enfants. A l’intĂ©rieur de ce Fab Lab, on rĂ©flĂ©chit aux outils et Ă  leur prise en main par les enfants. Les lundis et mardis sont rĂ©servĂ©s aux jeunes venant des Ă©coles alentour. Pendant les vacances scolaires, les enfants viennent par petits groupes pour rĂ©aliser des projets sur un mois. L’animation en direction des enfants se fait autour de problĂšmes de sociĂ©tĂ©, touchant par exemple aux questions Ă©nergĂ©tiques comment limiter la consommation d’eau ou d’électricitĂ© Ă  la maison. Image photos du FabLabSchool Ă  Stanford. L’équipe derriĂšre le projet rĂ©flĂ©chit et expĂ©rimente autour de ce qui fait un bon maker space Ă©ducatif organisation de l’espace et prise en main des machines de grandes tables de travail au centre qui permettent l’échange, couleurs trĂšs vives, machines toutes accessibles mais protĂ©gĂ©es, systĂšme de QR code et Ă©tiquetage qui permettent d’associer vidĂ©os et tutoriaux Ă  chaque machine
, outils mis Ă  disposition la classique machine Ă  dĂ©coupe laser, une imprimante 3D Ă  haute prĂ©cision, scanner 3D, scie Ă©lectronique. Les chercheurs-animateurs n’hĂ©sitent pas Ă  expĂ©rimenter et faire le lien entre les prototypes de support Ă©ducatif dĂ©ployĂ©s dans d’autres dĂ©partements comme le GoGoBoard une carte Arduino simplifiĂ©e pour rĂ©pondre Ă  des prĂ©rogatives Ă©ducatives ou Scratch le langage de programmation pour enfants dĂ©veloppĂ© par le MIT. Fablabschool de Stanford a Ă©tĂ© financĂ© par Schlumberger pour un coĂ»t global de 300 000$ Ă©quipement et formation pour un an avec un coordinateur Ă  temps plein, qui ne comprend donc ni les frais de fonctionnement ni les salaires. Le premier vĂ©ritable FabLabSchool ouvrira ses portes Ă  Moscou en juin normalement. Le FabLab de Stanford est une expĂ©rimentation acadĂ©mique qui soulĂšve un intĂ©rĂȘt local principalement venant des Ă©coles alentours et des Ă©tudiants de Stanford et international. Un lieu trĂšs actif qui est aussi Ă  l’origine du Stanford Makers Club, Ă©vĂ©nement rĂ©gulier et informel de 150 “makers” de tous horizons. Hackerspaces communautĂ© experte et libertĂ© d’action A ces lieux de fabrication numĂ©rique structurĂ©s, acadĂ©miques et institutionnels, viennent rĂ©pondre des espaces volontairement dĂ©sorganisĂ©s oĂč priment l’absence de hiĂ©rarchie et de rĂšgles imposĂ©es. Les Hackerspaces font partie des lieux les plus vivants de la communautĂ© ; pour ne citer que les plus connus de la rĂ©gion Noisebridge Ă  San Francisco, The Hacker Dojo Ă  Mountain View ou le tout nouveau Ace Monster Toys Ă  Oakland. Le Hackerspace mythique de San Francisco a Ă©tĂ© fondĂ© il y a trois ans par un groupe de hackers entendez passionnĂ©s d’informatique fĂ©rus de comprendre et transformer tout ce qui leur passe sous la main menĂ© entre autres par Mitch Altman. Noisebridge est un ancien atelier textile qui offre une large vue sur le quartier populaire de Mission. Avec de grandes baies vitrĂ©es de parts et d’autres, l’espace est lumineux, tout en longueur, mais surtout dĂ©borde d’un fatras inimaginable. Coin-cuisine, bibliothĂšque et espace de projection de films complĂštent les trois piĂšces plus petites consacrĂ©es aux ateliers, Ă  la programmation Turing Room et au bricolage Dirty Shop. L’open space est aussi organisĂ© autour d’un coin Ă©lectronique, d’un espace couture et d’un large bric-Ă -brac de projets en cours et matĂ©riaux donnĂ©s, prĂȘts Ă  ĂȘtre revisitĂ©s. A cet ensemble dĂ©jĂ  trĂšs dense s’ajoutent un petit studio de dĂ©veloppement photo et une micro-piĂšce occupĂ©e par la machine Ă  dĂ©coupe laser. Parmi les machines Ă  disposition quelques Makerbots ces imprimantes 3D, une machine Ă  dĂ©coupe laser et des machines Ă  coudre, des murs de composants Ă©lectroniques, une bibliothĂšque de livres rares
 mais surtout l’entre-aide des membres du lieu, qui peuvent ĂȘtre plus d’une centaine certains soirs. Image Noisebridge. Ici, tout respire la communautĂ© et l’échange. La profusion de crĂ©ativitĂ© et l’atmosphĂšre trĂšs particuliĂšre qui se dĂ©gage du lieu rĂ©vĂšlent des strates d’activitĂ©, de discussions, de projets collectifs. Les murs sont couverts d’affiches et de messages qui font rĂ©fĂ©rences Ă  la culture hacker partagĂ©e par tous “Shut up and hack !” Taisez-vous et bidouillez !. Ce rapide tour du propriĂ©taire souligne bien une double particularitĂ© des hackerspaces expertise et communautĂ©. MĂȘme s’il se prĂ©sente comme ouvert Ă  tous – et c’est le cas -, Noisebridge reste un lieu plutĂŽt rĂ©servĂ© Ă  un public de connaisseurs, qui demeure intimidant pour celui qui n’est pas du sĂ©rail. A cela s’ajoute une vĂ©ritable “dĂ©sorganisation organisĂ©e”, toutes les dĂ©cisions sont prises collectivement et personne ne dĂ©cide pour les autres. L’espace est ouvert nuit et jour, la cotisation pour devenir membre est laissĂ©e Ă  la discrĂ©tion de chacun, ainsi que la participation Ă  l’achat et l’entretien du matĂ©riel. Pour sous-tendre l’ensemble, une seule rĂšgle “Be excellent.” Techshop rendre la fabrication numĂ©rique accessible Ă  tous A l’inverse des Hackerspaces, qui sont une nĂ©buleuse de lieux dĂ©pendants avant tout de l’initiative de petits groupes de passionnĂ©s et sans volontĂ© commerciale, Techshop est en train de se positionner comme l’entreprise de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de lieu de fabrication personnelle. Le premier Techshop a Ă©tĂ© ouvert Ă  Menlo Park, au sud de San Francisco, Ă  l’instigation d’un inventeur enthousiaste, Jim Newton, qui se dĂ©sespĂ©rait de ne pas avoir d’espace de bricolage de grande envergure Ă  sa disposition. Le deuxiĂšme Techshop vient Ă  peine d’ouvrir ses portes, cette fois en plein coeur de San Francisco. Immense building occupĂ© sur deux Ă©tages par des machines professionnelles accessibles de façon illimitĂ©e par tous les membres contre un abonnement mensuel environ 120$ et le suivi de classes d’initiation au fonctionnement et Ă  la sĂ©curitĂ© environ 50$ par classe. Machines Ă  dĂ©coupe laser, fraiseuses, tours, machines Ă  dĂ©couper du bois, machines Ă  coudre professionnelles, imprimante et scanner 3D, dĂ©coupeuse vinyle, oscilloscope, une trentaine d’ordinateurs Ă©quipĂ©s des derniers logiciels de conceptualisation 3D, et mĂȘme un WaterJet Ă©norme machine qui utilise un jet d’eau surpuissant pour dĂ©couper n’importe quel matĂ©riau de plusieurs dizaines de centimĂštres d’épaisseur
 Ici, on trouve tous les outils. Ce qui explique peut-ĂȘtre qu’on trouve aussi tous les profils aussi bien des bricoleurs et inventeurs farfelus que des entrepreneurs venant prototyper leur projet, des artistes que des Ă©tudiants souvent en design et architecture. Image photo d’un TechShop de San Francisco. Premier en son genre, Techshop a eu beaucoup de mal Ă  convaincre des investisseurs du fait de l’originalitĂ© de son concept. Le projet a finalement trouvĂ© le soutien de plusieurs business angels et d’un gĂ©ant de la Valley, qui n’a pas encore rĂ©vĂ©lĂ© son nom. L’entreprise semble aujourd’hui avoir les moyens de ses ambitions, malgrĂ© un coĂ»t d’entrĂ©e extrĂȘmement Ă©levĂ© pour un concept qui doit encore trouver son grand public. Il faut compter plus de 2,5 millions de dollars pour ouvrir un espace comme celui de San Francisco, avec un seuil de rentabilitĂ© atteint en 3 ans avec 600 Ă  700 membres rĂ©guliers. Pour Mark Hatsch, leur directeur, les espaces de fabrication personnelle deviendront Ă  moyen terme un nouveau genre de fitness club, un espace oĂč l’on se rend chaque semaine pour bricoler, crĂ©er et dĂ©velopper ses projets. L’ambition forte affichĂ©e par l’équipe dirigeante qui a 8 projets d’ouvertures de Techshop d’ici Ă  la fin 2012 va dans le sens de l’enthousiasme gĂ©nĂ©ralisĂ© qui accompagne l’ouverture de ces lieux autour de la Baie. Mathilde Berchon et VĂ©ronique Routin VĂ©ronique Routin est directrice du dĂ©veloppement Ă  la Fing, l’association Ă©ditrice d’InternetActu qui anime notamment le programme FabLabÂČ sur ce sujet. Mathilde Berchon termine une exploration de trois mois autour de San Francisco Ă  la rencontre de la communautĂ© des “makers” de la Bay Area. Elle continue de raconter cette aventure dans son blog Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă  Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui s’y sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur l’édition 2010 avec les prĂ©sentations d’Anders Sandberg et François TaddĂ©i. Elaborer de nouveaux systĂšmes d’intelligence collective Anders Sandberg travaille Ă  l’Institut pour le futur de l’humanitĂ© d’Oxford, un lieu “à la limite de la philosophie” ou l’on s’efforce d’ĂȘtre bizarre, affirme-t-il voir notre rĂ©cente interview. La plupart des grands problĂšmes auxquels nous faisons face aujourd’hui n’auraient mĂȘme pas Ă©tĂ© compris il y a quelques annĂ©es, estime Sandberg. Pourquoi ? Parce que rĂ©soudre les problĂšmes contemporains exige de plus en plus d’intelligence comprendre les problĂšmes Ă©cologiques d’aujourd’hui implique de meilleures connaissances en physique par exemple. C’est pourquoi nous avons besoin de plus en plus d’intelligence. Pour cela il existe une grande gamme de mĂ©thodes. Les plus classiques consistent Ă  bien manger, bien dormir ou faire de l’exercice. Il existe aussi des mĂ©thodes Ă©ducatives qui ont pour objectif d’augmenter le quotient intellectuel
, bien qu’on arrive assez vite Ă  un seuil avec ce type d’entrainement. On peut Ă©galement prendre des substances chimiques, mais toutes impliquent une contrepartie, des effets secondaires si certaines permettent de se concentrer plus facilement sur un projet, par exemple, il devient plus difficile de conduire. Il existe Ă©galement des moyens pour amĂ©liorer sa mĂ©moire, mais elles agissent chacune sur diffĂ©rents types de mĂ©moire. On peut aussi envisager de connecter directement les cerveaux et les ordinateurs. Mais en rĂ©alitĂ©, c’est un processus trĂšs difficile Ă  mettre en place, il faut vraiment ĂȘtre trĂšs motivĂ© pour entreprendre ce genre de projet, souligne Anders Sandberg qui a pourtant Ă©tĂ© un ardent dĂ©fenseur du transhumanisme, c’est pourquoi il s’intĂ©resse surtout, aujourd’hui, aux personnes handicapĂ©es, peut-ĂȘtre parce qu’il semble plus acceptable aujourd’hui de connecter le cerveau de personnes handicapĂ©es Ă  des machines
 Enfin, il ya les “gadgets”, les tĂ©lĂ©phones portables par exemple, qui peuvent grandement aider notre façon de penser. L’intĂ©rĂȘt de ces produits est qu’ils sont peu onĂ©reux. Un objet comme le tĂ©lĂ©phone portable est apparu dans le milieu des affaires et son usage s’est aujourd’hui rĂ©pandu jusque dans les pays les plus pauvres de la planĂšte. Enfin, il y a la connexion des cerveaux entre eux, l’intelligence collective. Celle-ci existe depuis longtemps en science, sous la forme de la “critique par les pairs”. Lorsqu’un scientifique publie, il reçoit diverses observations des autres spĂ©cialistes du domaine ce qui permet d’amĂ©liorer sa thĂ©orie originelle. Mais le problĂšme avec l’intelligence collective c’est que la sagesse des foules semble aller de pair avec sa folie. Ainsi, une grande foule qui dĂ©libĂšre est un excellent moyen pour augmenter les “biais” cognitifs, autrement dit les prĂ©jugĂ©s et les prĂ©fĂ©rences de groupe ! Selon les chercheurs travaillant dans ce domaine, les problĂšmes pour lesquels on ne dispose pas de solutions sont par exemple mieux traitĂ©s par des personnes isolĂ©es que par des groupes. En revanche, les problĂšmes qui peuvent se subdiviser en petites tĂąches sont bien mieux rĂ©glĂ©s par les groupes. Toute la question consiste donc Ă  Ă©laborer de nouveaux systĂšmes d’intelligence collective. Pour cela, il existe de multiples mĂ©thodes. Par exemple, dans un jeu Ă  rĂ©alitĂ© alternĂ©e comme The Beast, les joueurs sont divisĂ©s en une multitude d’équipes pour rĂ©soudre les Ă©nigmes posĂ©es par le jeu. La WikipĂ©dia est bien sĂ»r l’exemple le plus cĂ©lĂšbre d’une telle connexion des cerveaux. Les recherches et les simulations d’Anders Sandberg ont permis d’établir quelques faits intĂ©ressants. Tout d’abord, une page peut commencer Ă  un trĂšs bas niveau et monter trĂšs vite en qualitĂ©. En fait, l’intervention de rĂ©dacteurs incompĂ©tents a peu d’incidence sur le systĂšme. Leurs erreurs sont assez vite corrigĂ©es. Une intĂ©ressante recherche Ă  mis face Ă  face deux groupes diffĂ©rents. L’un Ă©tait constituĂ© de “spĂ©cialistes” de gens qui Ă©taient considĂ©rĂ©s comme “trĂšs intelligents”. Le second groupe Ă©tait plus divers, et comprenait des gens de niveaux trĂšs diffĂ©rents. Il s’avĂšre que la qualitĂ© des pages travaillĂ©es par le second groupe s’est avĂ©rĂ©e meilleure que les pages Ă©ditĂ©es par le premier. Comment cela est-il possible ? Et bien dans le second groupe, il y avait peut-ĂȘtre des gens pas trĂšs douĂ©s, mais il en avait aussi de trĂšs hauts niveaux, supĂ©rieurs, en fait aux “intelligents” du premier groupe ! Les blogs constituent un autre moyen de filtrer “l’intelligence collective”, dont la qualitĂ© globale augmente via un processus de filtres entre pairs. Aujourd’hui pourtant, la WikipĂ©dia semble trouver ses limites, et certains se plaignent qu’il devient difficile de lui ajouter grand-chose. Il va falloir trouver des modĂšles capables d’aller plus loin, mais jusqu’ici toutes les tentatives ont Ă©chouĂ©. La plupart des recherches en intelligence collective sont connues et apprĂ©ciĂ©es des spĂ©cialistes de l’internet. Mais ne faut-il pas aller plus loin ? Ne faudrait-il pas essayer de faire sortir les techniques propres Ă  la WikipĂ©dia du monde en ligne pour les appliquer aux mondes rĂ©els, notamment aux institutions ? C’est en tout le projet qu’esquisse Anders Sandberg, reste Ă  en trouver les modalitĂ©s concrĂštes. Adapter le systĂšme Ă©ducatif Ă  demain Pour devenir plus intelligent, il y a une mĂ©thode trĂšs ancienne qui a peut-ĂȘtre besoin d’ĂȘtre rajeunie, l’éducation. Comment adapter le systĂšme Ă©ducatif au XXIe siĂšcle ? Telle est la question que nous adresse François TaddĂ©i chercheur au Centre de recherche interdisciplinaire de l’Inserm. “Je me suis intĂ©ressĂ© Ă  l’éducation quand j’ai eu un enfant et qu’il est allĂ© Ă  l’école. C’est un enfant adorable, mais il pose trop de questions, me disait son professeur avec un ton de reproche”. Cette petite anecdote illustre bien le problĂšme de l’école d’aujourd’hui, estime François TaddĂ©i. Nous vivons dans un flux d’information oĂč il est difficile de savoir laquelle est pertinente. La mĂ©thode socratique a Ă©tĂ© inventĂ©e il y a des milliers d’annĂ©es pour passer de l’information au savoir. Peut-on questionner collectivement les choses pour trouver de nouvelles narrations et scĂ©narios ? Peut-on rendre la mĂ©thode socratique collective ? Chacun de nos enfants est un petit Socrate, mĂȘme si le systĂšme Ă©ducatif leur apprend Ă  poser de moins en moins de questions. Comment les aider Ă  aller de plus en plus vite ? A apprendre Ă  en poser plus de plus en plus ? Image François TaddĂ©i sur la scĂšne de Lift, photographiĂ© par User Studio. Le jeu d’échec est un paradigme du futur. Quand Garry Kasparov a perdu contre Deep Blue, The Economist a publiĂ© un article qui disait que si votre emploi ressemblait aux Ă©checs, il Ă©tait temps d’en changer. Or, moi mĂȘme, j’ai bĂąti ma carriĂšre sur la base de ma capacitĂ© Ă  mĂ©moriser et Ă  calculer », reconnaĂźt François TaddĂ©i. Tous les emplois qui ne concernent que le calcul et la mĂ©morisation sont en danger et ce ne sont pas que des emplois peu qualifiĂ©s. Pourtant, une fois que l’ordinateur l’a battu aux Ă©checs, Kasparov a lancĂ© les Ă©checs perfectionnĂ©s, un concours oĂč les joueurs Ă©taient assistĂ©s de leurs ordinateurs pour jouer. Il est intĂ©ressant d’observer que ceux qui ont gagnĂ© sont ceux qui avaient les meilleures compĂ©tences d’interaction entre l’homme et la machine et non pas ceux qui avaient le meilleur programme ou le meilleur joueur d’échec. Et François TaddĂ©i d’en tirer une leçon Il faut apprendre aux enfants Ă  utiliser la techno de maniĂšre optimale, pour faire le meilleur usage du cerveau et de l’ordinateur ». La technologie est moralement neutre, mais elle peut-ĂȘtre Ă  la fois utilisĂ©e pour dĂ©truire ou construire le monde. Le PoĂšte TS Elliot disait dans Le Roc, l’un de ses cĂ©lĂšbres poĂšmes OĂč est la vie que nous avons perdue en vivant ? OĂč est la sagesse que nous avons perdue dans la connaissance ? OĂč est la connaissance que nous avons perdue dans l’information ? » Il faut rĂ©inventer l’école estime François TaddĂ©i. Nous Ă©duquons nos enfants pour les formater via une boite logique, alors que nous avons besoin d’un enseignement plus crĂ©atif pour les aider Ă  imaginer l’avenir, Ă  se responsabiliser, Ă  faire ce que l’ordinateur ne sait pas faire. Tous les adultes ont Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s par le systĂšme Ă©ducatif passĂ© et nous avons du mal Ă  aller au-delĂ  de cette boite logique qui nous a formatĂ© et trouver de nouvelles possibilitĂ©s. » Le monde dans lequel nous vivons s’accĂ©lĂšre sans cesse plus avant. Lewis Carroll en 1871 avait compris qu’il fallait courir deux fois plus pour rester au mĂȘme endroit et aller encore deux fois plus vite pour aller ailleurs. Pour s’adapter dans un monde qui va plus vite, il faut effectivement courir plus vite et savoir oĂč l’on court. » Biologiste de formation, j’ai Ă©tĂ© formĂ© Ă  comprendre comment courent les bactĂ©ries », rappelle François TaddĂ©i. Nous savons allonger la durĂ©e de vie, lutter contre de nombreux agents pathogĂšnes
 Nous avons triplĂ© l’espĂ©rance de vie en deux siĂšcles. Mais les bactĂ©ries ont appris Ă  apprendre, elles ont accru leur capacitĂ© d’apprentissage, elles savent collaborer, elles savent dĂ©sapprendre, elles savent construire leur propre environnement adaptĂ© Ă  leurs gĂ©nomes et Ă©changent des informations sur la maniĂšre de coopĂ©rer. Le paradigme des bactĂ©ries se met Ă  l’oeuvre dans un monde de plus en plus vaste. Et il nous faut l’appliquer Ă  l’avenir de la science. La science ouverte, tel qu’elle commence Ă  ĂȘtre pratiquĂ©e, montre que les gens apprennent plus vite ainsi et qu’elle peut s’adresser Ă  tous. » En Afrique, l’oiseau miel ne sait pas trouver seul le miel, explique le chercheur. Il chante une jolie chanson qui va plaire aux humains, les attirer pour leur indiquer lĂ  oĂč se situent les abeilles et l’oiseau va profiter du savoir-faire de l’humain pour rĂ©cupĂ©rer un peu de miel. La lĂ©gende africaine dit que si vous ne donnez pas de miel Ă  l’oiseau, la fois suivante, il vous conduira au lion. Si l’oiseau et l’homme surexploitent la ressource, ni l’un ni l’autre n’auront de quoi vivre. En cela, la fable est une belle mĂ©taphore de la coopĂ©ration. Tous les systĂšmes apprennent, rappelle le scientifique. Certains primates ont appris Ă  laver des lĂ©gumes avant de les manger pour qu’il n’y ait pas de sable dedans. Et cette technique s’est d’abord propagĂ©e via les jeunes femelles avant de finir par convaincre les vieux mĂąles dominants, s’amuse François TaddĂ©i en comparant cette appropriation Ă  la façon dont nos sociĂ©tĂ©s s’approprient les technologies. Semmelweis a le premier insistĂ© auprĂšs des mĂ©decins pour qu’ils se lavent les mains en passant d’un malade Ă  l’autre, de la salle d’autopsie Ă  la salle d’accouchement. Pourtant, malgrĂ© ses dĂ©monstrations et son insistance, les docteurs de l’époque ne l’entendaient pas. Souvent, les innovations ne prennent pas, car les gens n’acceptent pas que l’idĂ©e d’un autre ce soit mieux que leur pratique quotidienne. » Kiran Bir Sethi Ă  la confĂ©rence TED a Ă©voquĂ© le virus “i can”, c’est-Ă -dire le fait de pouvoir se dire je peux le faire », un virus qu’elle tente de transmettre Ă  des milliers d’enfants indiens pour leur donner l’envie d’apprendre et d’innover. Il faut Ă©tablir des liens entre les crĂ©ateurs et rĂ©inventer la maniĂšre dont nous crĂ©ons, estime encore François TaddĂ©i. D’oĂč l’idĂ©e d’imaginer des Campus un campus en Ă©volution oĂč il faut rĂ©inventer en continu la façon dont on procĂšde Ă  l’éducation et dont on utilise la techno tout en Ă©tant accessible Ă  tous sur la planĂšte, Ă  l’image des cours du MIT en ligne. Mais au vrai MIT, on a plus que les cours, il y a aussi les interactions avec les enseignants et les Ă©tudiants, souligne le chercheur. Plus que de donner accĂšs Ă  la science, nous avons besoin de zones de crĂ©ativitĂ© », insiste le chercheur, car souvent, on est entourĂ© de gens qui ne le sont pas. Il faut crĂ©er des espaces de crĂ©ation de maniĂšre constructive ». On sait qu’en France on a tendance Ă  critiquer sans faire de propositions constructives pour aller plus loin, ce n’est pourtant pas la dĂ©marche de François TaddĂ©i, au contraire. Il a mis en place le programme explications additionnelles, vidĂ©o par lequel tente de crĂ©er un espace numĂ©rique pour Ă©changer et crĂ©er des idĂ©es entre Ă©tudiants. C’est un espace oĂč ils peuvent trouver des idĂ©es, rĂ©aliser des projets, de maniĂšre ouverte, utilisant l’intelligence collective
 Que peut-on faire de plus beau et de plus utile qu’une tour Eiffel, conclut François TaddĂ©i en nous montrant le symbole d’une Ă©poque, en utilisant des technologiques d’une maniĂšre constructive et collective ? François TaddĂ©i esquisse une piste. Il faut crĂ©er l’avenir, car nous allons y passer le reste de leur vie », rappelle-t-il enthousiaste, avant de s’éclipser rapidement prendre un avion pour l’autre bout du monde, certainement pour en convaincre d’autres personnes de l’urgence Ă  dĂ©velopper une Ă©cole innovante, comme il le disait dĂ©jĂ  l’annĂ©e derniĂšre dans une tribune au Monde. RĂ©mi Sussan et Hubert Guillaud Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă  la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, l’entrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle d’un rĂ©seau de gestion de crises qui, issu d’Afrique, intĂ©resse jusqu’aux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă  Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets d’artistes, de designers, de chercheurs et d’entrepreneurs audacieux ? Participer Ă  14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă  Lift. A l’occasion de l’ouverture du blog invitĂ© d’InternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă  Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă  Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui s’y sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur l’édition 2010 avec les prĂ©sentations de Manuel Lima, Stefana Broadbent et Ivo Gormley
 La complexitĂ© n’est-elle pas devenue une caractĂ©ristique de nos sociĂ©tĂ©s, plutĂŽt qu’un bug ? Comment pourrions-nous regagner le contrĂŽle de nos flots d’information, de notre temps ? Pouvons-nous aborder la complexitĂ© d’une façon plus productive ? Pouvons-nous mieux la comprendre, mieux la maĂźtriser ? Tel Ă©taient les questions adressĂ©es par les organisateurs de la seconde Ă©dition de la confĂ©rence Lift France, Ă  la fois Ă  un designer, Ă  un vidĂ©aste et Ă  une ethnologue. ForcĂ©ment, cela a apportĂ© des rĂ©ponses multiples. Visualiser la complexitĂ© Sommes-nous en train de dĂ©couvrir une nouvelle vision du monde, aussi diffĂ©rente de la vision mĂ©canique newtonienne du rĂ©el, que celle-ci le fut de la vision aristotĂ©licienne qui domina tout au long du Moyen-Age ? Le mot clĂ© de cette supposĂ©e rĂ©volution cognitive, ce serait la complexitĂ© ». Sous cette banniĂšre se regroupe l’ensemble des phĂ©nomĂšnes capables de s’organiser spontanĂ©ment de maniĂšre trĂšs Ă©laborĂ©e, sans intervention d’une intelligence extĂ©rieure. Image Manuel Lima sur la scĂšne du théùtre de la CriĂ©e Ă  Marseille, photographiĂ© par Fabien Girardin. C’est dans le but de mieux comprendre cette rĂ©volution de la complexitĂ© que le designer Manuel Lima a créé le site Visual Complexity. Dans sa prĂ©sentation Ă  Lift le 7 juillet, Manuel Lima a rĂ©sumĂ© l’actuelle transformation de nos connaissances en citant un article de Warren Weaver un scientifique qui dĂ©veloppa dĂšs 1944 la thĂ©orie de l’information en compagnie du cĂ©lĂšbre Claude Shannon sur la complexitĂ© organisĂ©e, oĂč il tente d’analyser l’histoire de la perception de la rĂ©alitĂ© en trois Ă©tapes Les 17e, 18e et 19e siĂšcles, Ă©poque du triomphe de la mĂ©canique newtonienne furent essentiellement consacrĂ©s Ă  l’analyse de la simplicitĂ©. Les sciences et les mathĂ©matiques de l’époque se chargeaient de comprendre les choses prĂ©visibles, constantes, comme les mouvements des objets sous l’influence des forces physiques. Le 20e siĂšcle s’est intĂ©ressĂ© Ă  la complexitĂ© dĂ©sorganisĂ©e le hasard, les statistiques
 Le 21e siĂšcle, lui, se heurte Ă  la complexitĂ© organisĂ©e. Celle justement qui se caractĂ©rise par la constitution des rĂ©seaux. Les thĂ©ories de la complexitĂ© sont nombreuses par exemple, il y a la thĂ©orie du chaos, celle des automates cellulaires » chĂšre Ă  Stephen Wolfram, voire la cybernĂ©tique des annĂ©es 50
 mais aujourd’hui celle qui est peut-ĂȘtre la plus populaire au moins dans les milieux du web, ce qui n’étonnera personne ! est la thĂ©orie des rĂ©seaux, notamment l’idĂ©e des petits mondes » qui montre comment un certain type de connectivitĂ© peut trĂšs facilement permettre une mise en relation globale de tous ces Ă©lĂ©ments la fameuse notion des six degrĂ©s de sĂ©paration ». Selon ses promoteurs, tels que Duncan Watts, Steven Strogatz, ou Albert-Laszlo Barabasi, cette thĂ©orie permettrait de mieux comprendre toute une Ă©chelle de phĂ©nomĂšnes, de la physique fondamentale Ă  Facebook, en passant par le clignotement synchronisĂ© des lucioles ou les rythmes du cerveau
 Et pour cause tous ces ensembles sont en fait constituĂ©s de la mĂȘme maniĂšre, Ă  des Ă©chelles diffĂ©rentes, avec des composants diffĂ©rents. Comme l’a rappelĂ© Lima Le cerveau est un rĂ©seau constituĂ© de neurones reliĂ©s par des axones ; la cellule est un rĂ©seau de molĂ©cules reliĂ©es par des produits chimiques ; les sociĂ©tĂ©s humaines sont constituĂ©es d’individus reliĂ©s par des relations amicales, familiales, professionnelles ; les Ă©cosystĂšmes entiers sont des rĂ©seaux d’espĂšces connectĂ©es par diverses interactions comme la chaine alimentaire. » Il y a quelques annĂ©es, en rĂ©digeant sa thĂšse, Manuel Lima a créé un outil permettant de visualiser comment l’information se rĂ©pand Ă  travers les blogs Blogviz, qui a suscitĂ© l’intĂ©rĂȘt de nombreux chercheurs. C’est cette recherche sur la nature de la blogosphĂšre qui a conduit Lima Ă  s’intĂ©resser plus avant aux structures fondamentales des rĂ©seaux, et Ă  crĂ©er Visual Complexity. Ce site est un vĂ©ritable catalogue illustrĂ© des systĂšmes complexes existant Ă  l’ùre de l’interconnectabilitĂ© infinie », un bestiaire de tous les types de rĂ©seaux existant dans notre univers. On y trouve des centaines de modĂšles. Lima en a mentionnĂ© quelques-uns lors de son intervention. Des analyses de la blogosphĂšre politique amĂ©ricaine, par exemple qui permettent de voir si les intersections entre blogs dĂ©mocrates et rĂ©publicains permettent de se faire une idĂ©e des rĂ©sultats des Ă©lections. Une recherche du mĂȘme type a Ă©tĂ© effectuĂ©e sur les soutiens Ă  SĂ©golĂšne Royal, qui incluaient de surcroit les coordonnĂ©es gĂ©ographiques des diffĂ©rents participants. Un autre type de visualisation, la “blogosphĂšre hyperbolique” de Matthieu Hurst cofondateur du site Blogpulse , concerne l’ensemble des blogs et a permis de visualiser des donnĂ©es surprenantes. On y dĂ©couvre en effet l’existence, au milieu de tous ces sites interconnectĂ©s, de petits ilots isolĂ©s du reste de la sphĂšre. Des blogs de gens trĂšs jeunes, interconnectĂ©s entre eux, mais qui ne font guĂšre de liens vers le reste du monde. Il existe une multitude d’autres exemples, comme les cartographies rĂ©alisĂ©es depuis Flickr par Fabien Girardin ou cette expĂ©rience de Biomapping, qui mesure via GPS le niveau de stress des gens se dĂ©plaçant dans la pĂ©ninsule de Greenwich, Ă  Londres. Il existe mĂȘme des recherches sur le terrorisme, comme Rewiring the spy, qui cartographie la “carriĂšre” de diffĂ©rents terroristes, pas forcĂ©ment des leaders, mais ceux qui restent plusieurs annĂ©es dans le milieu, afin d’analyser la dynamique de ces groupes pour ActuVisu, Caroline Goulard a fait sa lecture de Manuel Lima en pointant Ă©galement les diffĂ©rents exemples Ă©voquĂ©s. L’ensemble de ces diffĂ©rentes configurations de rĂ©seaux, qu’il est dĂ©sormais possible d’observer et de mesurer, implique la crĂ©ation d’un nouveau langage, d’une nouvelle syntaxe visuelle, estime Manuel Lima. C’est tout l’enjeu de Visual Complexity. Tous ces rĂ©seaux qui possĂšdent autant de points communs, sont-ils tous des exemples particuliers d’une mĂȘme structure universelle ? C’est une question que Manuel Lima a posĂ©e en conclusion, en nous montrant face Ă  face deux photos aux sujets fort diffĂ©rents. L’une reprĂ©sentant la structure cĂ©rĂ©brale d’une souris, l’autre Ă©tant une illustration de la forme de l’univers entier. Deux images qui se ressemblent de maniĂšre impressionnante, mais une simple analogie est-elle suffisante pour convaincre qu’une rĂ©volution scientifique est en marche ? On voit se profiler aujourd’hui derriĂšre une telle science du rĂ©seau l’idĂ©e d’un nouveau platonisme, la conviction qu’il existe un Monde des IdĂ©es » donnant forme Ă  l’ensemble des phĂ©nomĂšnes. Une idĂ©e qui ne va pas sans susciter un certain scepticisme lorsqu’à la fin de Lift, le gĂ©ographe Jacques Levy a mis en garde les actuels chercheurs du web contre une formule magique » susceptible d’expliquer Ă  la fois phĂ©nomĂšnes sociaux et physiques, sans doute avait-il en tĂȘte la prĂ©sentation de Manuel Lima. D’un autre cĂŽtĂ©, on ne peut s’empĂȘcher de penser que ces nouveaux modĂšles formels nous rĂ©vĂšlent quelque chose de profond sur la nature de la rĂ©alitĂ©, mais quoi ? Pour le savoir, sans doute faudra-t-il aller encore plus loin, construire plus avant ce nouveau langage, et au-delĂ  d’un vocabulaire visuel, fĂ»t-il fascinant, s’attacher Ă  l’élaboration de sa sĂ©mantique et de sa syntaxe. Comprendre la complexitĂ© des usages Stefana Broadbent est chercheuse au dĂ©partement d’Anthropologie de CollĂšge universitaire de Londres et s’occupe du laboratoire UsageWatch qui consiste, comme son nom l’indique, Ă  observer les usages, notamment technologiques. Cet homme envoie un SMS depuis son lieu de travail », certainement Ă  quelqu’un qui n’est pas loin de lui, car souvent on s’adresse Ă  des amis, Ă  de la famille, explique la chercheuse en nous montrant la photo d’un ouvrier du bĂątiment en train de faire une petite pause avec son mobile, comme on la faisait avant avec une cigarette. C’est une action trĂšs subversive, car cela remet en question la morale et l’éthique au travail, souligne la chercheuse. Nous avons appris que pour ĂȘtre productif, il faut ĂȘtre isolĂ© de notre famille et des gens qu’on aime. On ne doit pas ĂȘtre distrait par des activitĂ©s personnelles au travail. Or, tous les gens qui ont accĂšs Ă  des moyens de communication l’utilisent pour des communications privĂ©es sur leurs lieux de travail. » Cette croyance selon laquelle la productivitĂ© et l’isolement sont importants dans le travail ne remonte pourtant qu’à la rĂ©volution industrielle avec l’invention des lieux de production spĂ©cialisĂ©e, quand nous sommes passĂ©s du moment oĂč les gens Ă©taient payĂ©s pour le produit qu’il fabriquait au temps passĂ© Ă  le fabriquer ». Cette transformation a introduit le problĂšme de l’attention au travail », explique Stefana Broadbent. C’est Ă  partir de lĂ  qu’on a inventĂ© des systĂšmes de contrĂŽle de l’attention des gens, en transformant les environnements de travail, en introduisant des superviseurs, des agents de maĂźtrise chargĂ©s de contrĂŽler le travail des autres. » On a la mĂȘme chose dans le systĂšme Ă©ducatif on apprend aux enfants Ă  se concentrer , ce sur quoi se concentrer, ce qui vaut la peine de se concentrer. Il y a beaucoup de discussions et de confusions sur la question de l’attention, estime la chercheuse. La façon de gĂ©rer la complexitĂ© et l’attention s’appuie sur l’idĂ©e que les gens peuvent la gĂ©rer de façon individuelle, que c’est un processus individuel qui s’appuie sur la volontĂ© de chacun. Or, j’aimerais vous montrer que l’attention est un processus social plus qu’individuel. » Charles Derber en 1979 dans The Poursuit of Attention disait que les relations entre les statuts des uns et des autres Ă©taient liĂ©es Ă  l’attention. Ceux qui ont un statut plus Ă©levĂ© s’attendent Ă  recevoir l’attention des autres et ceux qui ont un statut plus bas doivent porter de l’attention. Mon expĂ©rience d’observation des gens sur leurs lieux de travail montre qu’on contrĂŽle la gestion de l’attention des employĂ©s de bas niveau, alors qu’on fait confiance aux cadres et dirigeants » on ne surveille pas comment ils gĂšrent leur temps. Il y a une rupture sociale considĂ©rable dans la gestion de l’attention, liĂ©e Ă  la confiance. A l’heure actuelle, dans beaucoup de lieux de travail, on contrĂŽle l’accĂšs des employĂ©s aux modes de communication accĂšs internet restreint voir interdit, mobiles Ă©teints, e-mails dĂ©branchĂ©s
 Il y a une grande disparitĂ© dans la supervision et le contrĂŽle. Le contrĂŽle de l’attention des gens est pourtant vouĂ© Ă  l’échec, mĂȘme si beaucoup d’entreprises continuent Ă  le faire. Il est devenu de plus en plus impossible Ă  mesure que les moyens de communication se dĂ©multiplient. » Et Stefana Broadbent de prendre un exemple trĂšs prĂ©cis pour nous convaincre de sa dĂ©monstration, en observant par le dĂ©tail un accident de train, le Chatsworth Metrolink Accident de 2008, qui a eu lieu dans une petite ville du nord de Los Angeles un accident tragique oĂč deux trains sont entrĂ©s en collision Ă  4 heures de l’aprĂšs-midi faisant 25 morts et plus de 100 blessĂ©s. Les deux trains un de voyageur, l’autre de marchandise Ă©taient sur la mĂȘme section d’une voie unique et allaient dans deux sens diffĂ©rents. Le National Transportation Savety Board – NTSB – amĂ©ricain a enquĂȘtĂ© sur les causes de l’accident et a montrĂ© que le conducteur du train de passagers n’avait pas vu un feu de circulation rouge
 Et la raison pour laquelle il ne l’avait pas vu Ă©tait qu’il utilisait son mobile pour envoyer un texto, car l’enquĂȘte a montrĂ© que quelqu’un a reçu un texto de lui, 22 secondes avant la collision. On s’est rendu compte que ce jour-lĂ , pendant son travail, il avait envoyĂ© 62 textos. Metrolink avait pourtant Ă©dictĂ© des rĂšgles de non-utilisation des mobiles en conduisant. Mais si l’on regarde les messages du conducteur, on se rend compte qu’il envoyait des messages pendant qu’il Ă©tait au travail quasiment tous les jours. En regardant son activitĂ© via son tĂ©lĂ©phone mobile, on se rend compte que lorsqu’il travaillait 11 heures dans la journĂ©e, aux heures de pointe du matin et de l’aprĂšs-midi, il envoyait plus de textos pendant qu’il Ă©tait au travail que pendant qu’il Ă©tait au repos. C’est assez habituel dans nos pratiques, quand on les regarde en dĂ©tail, en fait », rappelle la chercheuse. Image Stefena Broadbent sur la scĂšne de Lift, montrant le schĂ©ma des Ă©changes de texto du conducteur de train, photographiĂ©e par User Studio. La sociĂ©tĂ© Metrolink s’est dĂ©fendu en disant qu’elle ne pouvait savoir si le conducteur du train Ă©tait en train de tĂ©lĂ©phoner ou de lire son journal. Personne ne voit ce qu’il fait dans sa cabine. Suite Ă  cet accident, le NTSB a conclu
 qu’il fallait installer des camĂ©ras vidĂ©os dans les cabines des conducteurs ! Dans les jours qui ont suivi l’accident, il y a une loi interdisant Ă  tout employĂ© des chemins de fer d’utiliser des dispositifs mobiles. Une autre loi a interdit l’utilisation du tĂ©lĂ©phone dans les voitures, et dans toute situation de mobilitĂ©. Or, si on regarde les facteurs de risque, on se rend compte qu’il y avait bien d’autres Ă©lĂ©ments qui ne fonctionnaient pas », rappelle Stefana Broadbent jouant au dĂ©tective
 D’abord, cette ligne Ă©tait une voie unique, comme il y en a beaucoup en Californie, ce qui n’est pas nĂ©cessairement sans risque. Ensuite, quand le train est passĂ© au feu rouge, personne n’a pu avertir le conducteur de son erreur. Le systĂšme ne permettait pas non plus d’arrĂȘter le train Ă  distance
 Enfin, la durĂ©e du travail journalier Ă©tait longue et fractionnĂ©e. Les conducteurs sont isolĂ©s dans leurs cabines. L’automatisation du systĂšme fait que leurs tĂąches sont trĂšs rĂ©pĂ©titives et ennuyeuses et l’on sait que la rĂ©pĂ©tition des tĂąches et l’ennui ne favorisent pas l’attention. On s’est Ă©galement rendu compte que l’autre conducteur de train de marchandise a envoyĂ© Ă©galement 42 messages avec son mobile durant cette journĂ©e
 On pourrait trouver bien des exemples analogues, comme lors du crash d’un avion sur l’Hudson oĂč un contrĂŽleur aĂ©rien a Ă©tĂ© accusĂ©, faussement, d’avoir utilisĂ© un tĂ©lĂ©phone mobile pendant son travail. On en connait tous, des exemples de ce type, mĂȘme si, heureusement, souvent, ils sont beaucoup moins dramatiques, reconnaĂźt la chercheuse. L’environnement de travail rĂ©duit le niveau d’implication des gens. L’automatisation implique des travaux de plus en plus dĂ©nuĂ©s de sens avec des fonctions limitĂ©es. On demande Ă  bien des employĂ©s de concentrer leur attention sur des tĂąches sans sens et rĂ©pĂ©titives et on sait qu’on a du mal Ă  concentrer son attention quand on s’ennuie
 Finalement, le tĂ©lĂ©phone mobile sert Ă  rester vigilant et en alerte. Comme nos vĂ©rifications d’e-mails correspondent souvent Ă  une chute d’attention dans notre travail et font partie d’un cycle d’attention qui a pour fonction de la dĂ©tourner pour nous permettre de nous reconcentrer », rappelle Stefana Broadbent. Enfin, on peut se demander si la division arbitraire entre le monde privĂ© et professionnel est une si bonne chose. Chacun sait qu’il est important d’avoir des moments de contacts avec les siens dans la journĂ©e. Ce n’est pas un choix indivuel, mais bien souvent un choix social imposĂ© par nos reprĂ©sentations
 » On peut se demander si la solution de contrĂŽler l’attention des gens est une bonne solution », conclu l’anthropologiste. La multiplication des camĂ©ras de surveillance et des politiques de surveillance augmente plutĂŽt qu’elle ne diminue le problĂšme. Or, les gens trouveront toujours une colonne pour se cacher et faire ce qui est interdit. Le problĂšme n’est pas tant d’utiliser un dispositif Ă©lectronique pour se distraire, mais de concevoir des environnements qui Ă©vitent un ennui massif et qui limitent les distractions. Les mobiles, comme l’internet, ou la nicotine peuvent ĂȘtre un bouc-Ă©missaire facile. mais au final, le vĂ©ritable dĂ©fi est de savoir comment concevoir des environnements de travail plus chargĂ© de sens. » La connexion solution Ă  la complexitĂ© ? Dans son film Us now voir l’article que nous lui consacrions l’annĂ©e derniĂšre, le cinĂ©aste et anthropologue britannique Ivo Gormley cherchait Ă  dĂ©montrer que la collaboration de masse va bouleverser l’organisation des gouvernements ». Aujourd’hui, il continue Ă  tracer cette voie mĂȘlant entraide mutuelle, socialisation et participation Ă  la vie de la communautĂ©. Le philosophe Thomas Hobbes pensait que l’état naturel des ĂȘtres humains Ă©tait de s’entretuer, pour que les uns puissent profiter de ce que les autres ont. A contrario, Kropotkine, connu pour ĂȘtre l’un des thĂ©oriciens de l’anarchie, a beaucoup Ă©tudiĂ© les animaux, des abeilles aux chimpanzĂ©s, et estimait de son cĂŽtĂ© que, s’ils devaient se battre voire tuer pour survivre, ils n’en passaient pas moins beaucoup de temps et d’énergie Ă  s’entre-aider, et que cette forme naturelle » de l’entraide mutuelle Ă©tait trĂšs importante pour leur survie. Image Ivo Gormley sur la scĂšne de Lift, photographiĂ© par Ton Zijlstra. Aujourd’hui, dĂ©plore Ivo Gormley, c’est plutĂŽt Hobbes qui a gagnĂ©. Lorsque les familles Ă©taient nombreuses et que les habitations Ă©taient surpeuplĂ©es, nombreux Ă©taient ceux qui allaient au pub ou au marchĂ©, n’hĂ©sitant pas Ă  parler avec des Ă©trangers. Les supermarchĂ©s ne sont pas aussi sociaux que les marchĂ©s, et les Ă©crans de tĂ©lĂ©vision, les lotissements, les immeubles, ont souvent tendance Ă  isoler les gens, Ă  les anonymiser, Ă  casser les mĂ©canismes d’entraide, d’apprentissage et d’échanges d’antan. A l’opposĂ©, l’encyclopĂ©die WikipĂ©dia, ou encore le Couchsurfing ce site par lequel des gens prĂȘtent leurs canapĂ©s Ă  des voyageurs du monde entier, montre Ă  quel point les gens ont envie de partager, et besoin de s’entraider. L’internet est un formidable vecteur de socialisation, estime Ivo Gormley, pour qui nous avons besoin de nouveaux formats d’entraide mutuelle, et de faire revivre les anciens, nous devons remettre ça dans le courant mainstream » Lorsqu’un systĂšme donne aux gens la possibilitĂ© d’agir de maniĂšre positive, ils le font avec plaisir, s’y connectent sur la base de similitudes importantes, pas seulement pour faire le bien, mais aussi de maniĂšre trĂšs individualiste, parce qu’ils ont besoin d’aide, de trouver des gens dans la mĂȘme situation. Ce n’est que le dĂ©but de ce phĂ©nomĂšne fabuleux la possibilitĂ© de se connecter – et il faut crĂ©er encore plus de possibilitĂ©s de se connecter. Ce qui s’est passĂ© au 20e siĂšcle est une anomalie
 On en revient Ă  ce mouvement oĂč l’on s’intĂ©resse aux autres, oĂč l’on retravaille en collaboration.” Le nouveau film d’Ivo Gormley, Playmakers montre comment certains se rĂ©approprient le jeu pour crĂ©er du lien social. Ainsi de ces jeunes blancs de la classe moyenne partis jouer Ă  chat dans la rue, la nuit, et qui, confrontĂ©s Ă  des jeunes Pakistanais qui ne comprenaient pas ce qu’ils faisaient et qui hĂ©sitaient Ă  aller se plaindre Ă  la police, les ont finalement invitĂ©s Ă  venir jouer avec eux, pour finir bras dessus bras dessous aprĂšs une partie nocturne endiablĂ©e. Playmakers from thinkpublic on Vimeo. Ivo Gormley explique Ă©galement avoir travaillĂ© dans le service qui s’occupe des patients atteints d’un cancer pour casser les hiĂ©rarchies constituĂ©es, permettre aux malades de prendre des responsabilitĂ©s, et amĂ©liorer les relations du personnel soignant et des patients. Evoquant l’individualisme et la compĂ©tition qui rĂšgne gĂ©nĂ©ralement dans les salles de gym, ce qu’il qualifie de mauvaise gym », et l’isolement croissant des personnes ĂągĂ©es, il a aussi participĂ© Ă  la mise en place du projet Good Gym, via l’agence d’innovation sociale britannique Think Public pour laquelle il est anthropologue, qui incite ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas perdre de temps Ă  aller en salle de gym Ă  aller courir pour apporter par exemple un journal Ă  des personnes ĂągĂ©es, trop contentes de pouvoir ainsi voir du monde. Dans les deux cas, le bĂ©nĂ©fice est non seulement social, mais Ă©galement physiologique avoir des contacts rĂ©guliers avec des jeunes a un impact direct sur l’espĂ©rance de vie des plus ĂągĂ©s, leurs capacitĂ©s cognitives et leur santĂ© vasculaire. Pour Ivo Gormley, si le 20e siĂšcle semble avoir donnĂ© raison Ă  Thomas Hobbes, les nouvelles formes de sociabilitĂ© et d’entraide mutuelle que l’on voit poindre, notamment via le Net, nous renvoient plutĂŽt Ă  Kropotkine. Et nous aurions probablement beaucoup Ă  gagner Ă  tenter de reconcevoir nos relations, et nos actions, afin de remettre l’entraide mutuelle au coeur des processus. RĂ©mi Sussan, Hubert Guillaud, Jean-Marc Manach Embracing Complexity at Lift France 10envoyĂ© par videosfing. – VidĂ©os des derniĂšres dĂ©couvertes scientifiques. Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă  la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, l’entrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle d’un rĂ©seau de gestion de crises qui, issu d’Afrique, intĂ©resse jusqu’aux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă  Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets d’artistes, de designers, de chercheurs et d’entrepreneurs audacieux ? Participer Ă  14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă  Lift. A l’occasion de l’ouverture du blog invitĂ© d’InternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă  Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă  Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui s’y sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Retour sur l’édition 2009 avec Gunter Pauli
 “Aujourd’hui, on donne des prix environnementaux aux hommes d’affaires qui annoncent qu’ils vont polluer un peu moins. Mais il ne faut pas polluer un peu moins il faut arrĂȘter de polluer.” C’est sur cette base, qui pourrait paraĂźtre totalement provocatrice, que Gunter Pauli a plantĂ© le dĂ©cor de son impressionnante intervention voir la vidĂ©o. Gunter Pauli est un industriel belge qui, dans les annĂ©es 90, a lancĂ© une sociĂ©tĂ© fabricant des produits biologiques pour la lessive et la vaisselle, Ecover. Il a conçu son usine pour qu’elle soit complĂštement biodĂ©gradable tous les matĂ©riaux pouvant ĂȘtre dĂ©montĂ©s et rĂ©utilisĂ©s. Il innova mĂȘme par exemple en payant ses employĂ©s jusqu’à 50 centimes d’euros par kilomĂštres parcourus pour qu’ils viennent en vĂ©lo Ă  l’usine, jusqu’à ce que la justice belge le condamne pour cette initiative qui sortait des cadres du droit du travail
 Il a dirigĂ© Ecover jusqu’à ce qu’il dĂ©couvre que les produits qu’il utilisait l’huile de palme notamment Ă©taient responsables de la dĂ©forestation et de la disparition des Orang-Outan en IndonĂ©sie. Il vendit alors son entreprise pour se consacrer Ă  la recherche de solutions alternatives Ă  nos modes de dĂ©veloppement. Pour ĂȘtre un vrai pionnier de l’écologie, il lui fallait trouver des matiĂšres premiĂšres qui rĂ©gĂ©nĂšrent la forĂȘt tropicale, pas l’inverse. Pour l’exposition universelle de Hanovre en 2000, il contribua Ă  rĂ©aliser un pavillon le Guadua Pavilion de Manizales construit uniquement en bambou, afin de montrer que le bambou – le matĂ©riel de la pauvretĂ©, celui avec lequel plus d’un milliard de personnes dans le monde construisent leur maison -, pouvait ĂȘtre un matĂ©riel durable et de qualitĂ©. Un vĂ©ritable acier vĂ©gĂ©tal. Cette rĂ©alisation a changĂ© le regard que les pauvres portaient sur ce matĂ©riau. “Il faut changer fondamentalement nos façons de penser. Nous devons crĂ©er des chemins pour que nos enfants imaginent un futur diffĂ©rent afin qu’ils ne rĂ©pĂštent pas nos erreurs”, explique Gunter Pauli. Image Gunter Pauli par Ivo NĂ€pflin pour la LiftConference. C’est par des rĂ©alisations comme celle-ci que Gunter Pauli a mis au point sa thĂ©orie et mĂ©thodologie de la “pollution zĂ©ro” qui a donnĂ© le nom de son Institut de recherche Zero emission research institute. Pour Pauli, faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la dynamique de la croissance mise au point par Adam Smith, on a trop exploitĂ© les facteurs de la division du travail et de l’accumulation du capital au dĂ©triment des matiĂšres premiĂšres, gaspillĂ©es sous forme de dĂ©chets. Le dĂ©veloppement durable c’est la capacitĂ© de rĂ©pondre aux besoins de tous avec ce dont nous disposons. Chaque systĂšme naturel, dont il s’inspire totalement, fonctionne avec ce qui est disponible. Or depuis des annĂ©es, notre Ă©conomie, comme notre systĂšme financier, a fonctionnĂ© avec ce qui n’existe pas. » Un systĂšme qui n’a cessĂ© de produire du chĂŽmage, de la pollution, des dĂ©chets et de la pauvreté  dĂ©nonce l’entrepreneur Ă©cologiste. Aujourd’hui, l’économie amĂ©ricaine gaspille chaque annĂ©e 1 000 000 000 000 de dollars pour gĂ©rer ses dĂ©chets ! “C’est une folie !”, clame Gunter Pauli. “On ne met pas l’argent au bon endroit !” S’inspirer des systĂšmes naturels Il faut en revenir Ă  la satisfaction des besoins fondamentaux l’eau, la nourriture, le logement, la santĂ©, l’énergie, l’emploi, l’éthique et stimuler l’entrepreneuriat dans ce sens. La science hĂ©las n’est pas liĂ©e Ă  la satisfaction de ces besoins fondamentaux. “Les systĂšmes naturels sont mon inspiration”. Nous nous devons de ne gĂ©nĂ©rer aucune pollution, aucun dĂ©chet, aucun chĂŽmage
 explique-t-il le plus calmement du monde. De quoi avons-nous besoin pour arriver Ă  une sociĂ©tĂ© durable ? D’abord, y croire. Avoir une pensĂ©e positive. Se dire que c’est possible. Il faut s’engager dans un apprentissage crĂ©atif pour comprendre comment fonctionnent les systĂšmes naturels et nous en servir pour que les transformations s’accomplissent. On a besoin d’une innovation massive et de nouveaux modĂšles commerciaux pour y parvenir. Mais dans les Ă©coles de commerce, le modĂšle Ă©conomique qu’on apprend consiste Ă  investir plus et Ă©conomiser un peu. Ce n’est pas le modĂšle des systĂšmes naturels ! » L’évolution nous apprend le contraire il faut investir moins pour gĂ©nĂ©rer plus de crĂ©ation et de capital social pour que chacun contribue Ă  l’écosystĂšme. Nous ne pouvons pas accepter les dommages collatĂ©raux que nous faisons peser sur la nature et sur l’humanitĂ©. Pour dĂ©passer les gĂ©nĂ©ralitĂ©s, Gunter Pauli se dĂ©cide Ă  vouloir ĂȘtre concret et Ă  montrer, par quelques exemples forts, comment, sur son exemple, on peut transformer les choses. Le systĂšme naturel cherche toujours Ă  faire plus avec le moins d’énergie possible. Comment les systĂšmes naturels gĂ©nĂšrent-ils de l’électricitĂ© tous les jours ? Ce n’est pas grĂące au soleil comme on le croit souvent. Mais par la gravitĂ© et la biochimie. Les systĂšmes naturels n’utilisent ni piles, ni mĂ©taux comment peut-on rĂ©soudre le problĂšme de la connectivitĂ©, si ce n’est en regardant comment la vie elle-mĂȘme gĂ©nĂšre de l’électricitĂ© ? Et de montrer un prototype de film Ă©lectrocardiogramme thin film electrocardiogram, un Ă©lectrocardiogramme qui marche sans batterie, comme un patch, qui permet, en utilisant la connectivitĂ© naturelle du corps, de fonctionner pendant 24 heures, sans piles, sans fil. Oubliez les technologies qui ont besoin de trop d’énergie pour fonctionner comme le Bluetooth ! » Faisons tout sans piles. Les prothĂšses auditives, les tĂ©lĂ©phones mobiles peuvent fonctionner par la conductivitĂ© naturelle que nos corps produisent. Comment le dispositif nanomĂ©trique inventĂ© par le professeur Jorge Reynolds qui permet de rĂ©cupĂ©rer l’électricitĂ© produite par notre corps et qui nous permet d’envisager bientĂŽt des Pacemakers ne nĂ©cessitant ni chirurgie, ni anesthĂ©sie, ni piles pour fonctionner
 Le Fraunhofer Institut est en train de produire le premier tĂ©lĂ©phone mobile qui fonctionne en convertissant la pression gĂ©nĂ©rĂ©e par la voix en Ă©lectricitĂ© ! On peut crĂ©er de l’électricitĂ© avec le corps 60 volts/heure ou par la pression de la voix et cela permet d’envisager de faire fonctionner un tĂ©lĂ©phone mobile pendant plus de 200 heures ! Plus vous parlez, plus votre tĂ©lĂ©phone est chargĂ© ! Mais on peut aller plus loin encore !, rapporte Gunter Pauli. Peut-on faire du mĂ©tal sans fonderie ni exploitations miniĂšres, c’est-Ă -dire sans la chaine industrielle que nous avons conçu jusqu’à prĂ©sent et qui n’est absolument pas durable. Pourrait-on exploiter du mĂ©tal juste en rĂ©cupĂ©rant le mĂ©tal existant ? A quoi servirait une place de marchĂ© de compensation des Ă©missions de carbone comme l’imagine le protocole de Kyoto, si on peut rĂ©duire de 99 % nos Ă©missions de carbone ? Autre exemple. Comment les systĂšmes naturels produisent-ils des polymĂšres ?, nous demande l’entrepreneur
 Ils sont fabriquĂ©s Ă  partir des acides animĂ©s d’insectes par exemple depuis des millions d’annĂ©es, nous explique-t-il. Si nous Ă©tions capables de fabriquer des polymĂšres comme le font les insectes plutĂŽt que d’utiliser la pĂ©trochimie, nous arriverions Ă  rĂ©volutionner profondĂ©ment la production. Gunter Pauli dĂ©fend ardemment le biomimĂ©tisme, c’est-Ă -dire des technologies inspirĂ©es par le vivant. Aujourd’hui, on est capable d’utiliser la soie pour faire des rĂ©parations nerveuses ou osseuses. L’araignĂ©e est capable de produire 9 types de soies diffĂ©rentes, avec des qualitĂ©s de rĂ©sistance diffĂ©rentes selon l’eau qu’elle y incorpore. Le zoologue Fritz Vollrath et ses Ă©quipes d’Oxford Biomaterial ont produit la premiĂšre usine produisant du fil comme l’araignĂ©e en utilisant des acides aminĂ©s et la pression. On utilise 100 000 tonnes d’acier pour fabriquer des rasoirs jetables », s’enflamme Gunter Pauli, alors que la capacitĂ© de la soie pourrait nous permettre de nous raser sans jamais pĂ©nĂ©trer la peau. On pourrait remplacer l’acier et le titane de nos lames de rasoir par de la soie, ne nĂ©cessitant ni pĂ©trole, ni Ă©nergie, ni dĂ©chets. Un hectare de murier permet de produire 2 tonnes de soie. La Chine ancienne a travaillĂ© Ă  rĂ©gĂ©nĂ©rer des sols arides en y plantant des mĂ»riers dont la soie a Ă©tĂ© le sous-produit. Pour fabriquer des rasoirs avec de la soie, il faudrait planter des mĂ»riers sur 250 000 hectares de sols arides qu’on pourrait reconquĂ©rir par ce moyen et qui permettraient de gĂ©nĂ©rer plus de 12 500 emplois », explique-t-il chiffres Ă  l’appui. Au final, l’observation et l’imitation des systĂšmes naturels pourraient nous permettre de gĂ©nĂ©rer des polymĂšres naturels, conquĂ©rir des terres arides et crĂ©er des emplois ! » Autre exemple encore. Remplacer la chimie par la physique
 Les systĂšmes naturels ne jouent pas avec les molĂ©cules non biodĂ©gradables. Or, si on se dĂ©barrasse de toutes les bactĂ©ries avec de la chimie, nous risquons surtout de finir par nous dĂ©barrasser de toute l’humanitĂ© ! Comment les systĂšmes naturels contrĂŽlent-ils les bactĂ©ries, sans utiliser le chlore et les produits chimiques ?
 On pourrait imaginer utiliser le vortex, ce tourbillon vertical qu’on observe lorsqu’on vide une baignoire par exemple. Realice, dĂ©veloppĂ© par H2O Vortex, un systĂšme qui créé de la glace en enlevant l’air l’eau glace plus facilement sans air, utilise ainsi la pression que gĂ©nĂšre un vortex. Sans air, pas de bactĂ©rie, pas de corrosion
 TrĂšs rapidement trop, Gunter Pauli a Ă©voquĂ© la climatisation naturelle du zĂšbre ou des termitiĂšres en citant une Ă©cole en SuĂšde oĂč l’air circule sur le modĂšle des termitiĂšres pour faire de la rĂ©gulation thermique naturelle, qui savent refroidir ou rĂ©chauffer en dĂ©pensant le moins d’énergie possible, en nous incitant Ă  nous en inspirer. Autre exemple encore nous avons pris l’habitude d’incinĂ©rer les dĂ©chets organiques, alors que dans les systĂšmes naturels, ils deviennent des aliments. Dans le cafĂ© par exemple, on trouve seulement 0,2 % des graines de cafĂ© dans un petit noir qu’on prend sur un zinc de bistro. 25 millions de fermes produisent du cafĂ© dans 70 pays dans le monde. L’initiative Chido’s Blend au Zimbabwe consiste justement Ă  utiliser les dĂ©chets du cafĂ© pour crĂ©er de la nourriture pour animaux ou de l’électricitĂ©, plutĂŽt que de les dĂ©truire. Autre exemple encore Ă©voquĂ© trop rapidement, celui de “Las gaviotas en el Vichada”. Ici, le projet Ă©tait de reconquĂ©rir des territoires qui ont subi la dĂ©forestation en rĂ©gĂ©nĂ©rant une forĂȘt primaire. Ce programme lancĂ© depuis 25 ans est le plus important programme de reboisement dans le monde. Il a permis de montrer qu’on pouvait rĂ©gĂ©nĂ©rer la biodiversitĂ©. Sur cet espace, nous sommes passĂ©s de 11 Ă  250 espĂšces. La forĂȘt gĂ©nĂšre une production naturelle d’eau offerte gratuitement Ă  la population locale et pour partie embouteillĂ©e pour ĂȘtre revendue ailleurs et gĂ©nĂ©rer des revenus pour cette communauté  Ce territoire a Ă©tĂ© achetĂ© pour quelques dollars et gĂ©nĂšre aujourd’hui des revenus pour toute une population, souligne Gunter Pauli pour montrer combien le modĂšle Ă©conomique est sensĂ©. Impressionnante intervention en tout cas, qui nous fera nous prĂ©cipiter, pour ceux qui ne l’ont pas dĂ©jĂ  lu, sur les livres de Gunter Pauli comme Croissance sans limites pour aller plus en dĂ©tail et plus en profondeur dans sa stimulante vision. Lift France 09 Gunter Pauli Changing the Planet from Lift Conference on Vimeo. Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă  la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, l’entrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle d’un rĂ©seau de gestion de crises qui, issu d’Afrique, intĂ©resse jusqu’aux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă  Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets d’artistes, de designers, de chercheurs et d’entrepreneurs audacieux ? Participer Ă  14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă  Lift. A l’occasion de l’ouverture du blog invitĂ© d’InternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă  Lift France 2011. Pour prĂ©parer la 3e Ă©dition française de la confĂ©rence Lift qui aura lieu du 6 au 8 juillet Ă  Marseille, nous vous proposons de redĂ©couvrir quelques-unes des plus stimulantes prĂ©sentations qui s’y sont tenues ces derniĂšres annĂ©es et que nous avons couvertes. Pour commencer, retour sur l’édition 2011 qui se tenait Ă  GenĂšve en fĂ©vrier avec Kevin Slavin
 Kevin Slavin est le cofondateur d’Area/Code devenu il y a peu Zynga, un studio de conception de jeux. Et c’est pour ce travail qu’il est surtout connu voir ses interventions en 2009 Ă  Picnic dont nous vous avions rendu compte ici et lĂ , mais c’est Ă  une tout autre exploration – oh combien passionnante, bien que particuliĂšrement alambiquĂ©e – Ă  laquelle il nous a conviĂ©e Ă  la confĂ©rence Lift qui se tenait rĂ©cemment Ă  GenĂšve. Image Kevin Slavin sur la scĂšne de Lift11, photographiĂ© par Ivo NĂ€pflin. Sa prĂ©sentation s’appuyait sur une prĂ©cĂ©dente prĂ©sentation faite il y a 4 ans qui portait sur le bas Manhattan, le quartier financier de New York, et qui s’interrogeait pour comprendre comment les villes pouvaient apprendre Ă  Ă©couter le pouls de la ville. Il y expliquait que les villes devaient construire des radars, comme on construisait des amplificateurs acoustiques pour dĂ©tecter l’approche des avions. Mais ce qui conduit Ă  construire des radars, conduit aussi Ă  construire des avions furtifs pour y Ă©chapper, pour voler sans laisser de traces. L’histoire de l’avion furtif pourtant s’est mal terminĂ©e puisqu’en 1999, l’un de ses avions a rĂ©ussi Ă  ĂȘtre touchĂ© par un missile WikipĂ©dia. Or, c’était lĂ  quelque chose qui n’aurait jamais dĂ» se passer. Ce qui est intĂ©ressant, explique Kevin Slavin, c’est de regarder comment les avions furtifs disparaissent des radars. Le principe pour tromper les radars consiste Ă  faire passer les avions pour des oiseaux. Faire disparaĂźtre les gros objets et les rendre plus petits qu’ils ne sont. C’est la façon de faire disparaĂźtre les choses Ă  notre Ă©poque ». C’est notre façon de construire des boites noires. C’est un peu la mĂȘme chose sur les marchĂ©s financiers, estime Kevin Slavin, qui arrive enfin Ă  son propos. Si l’on veut dĂ©placer une grosse quantitĂ© d’argent, il faut faire de maniĂšre Ă  ce que cela ne se voie pas. Les banques disposent ainsi d’algorithmes pour rendre invisibles certaines transactions, faire passer de gros Ă©changes massifs pour de petits Ă©changes insignifiants, en les dĂ©coupant en petits paquets pour que le marchĂ© remarque moins les transactions en cours. Mais comme dans le monde militaire, les parades se dĂ©veloppent. Il existe d’autres algorithmes qui surveillent les petites transactions pour les analyser, prĂ©voir les Ă©volutions du marchĂ© et comprendre ce qu’ils masquent. 70 % des Ă©changes Ă  Wall Street passent par des algorithmes qui tentent soit de les rendre invisibles soit de les repĂ©rer
 Nanex est ainsi une de ces sociĂ©tĂ©s qui extraient des algorithmes des comportements d’investissements. Dans le monde financier, la vitesse est une arme. Si vous faites des Ă©changes financiers Ă  haute frĂ©quence ou que vous essayez de voir comment ceux-ci se comportent, il vous faut de bons algorithmes, de bons processeurs et surtout un trĂšs bon rĂ©seau. Et pour gagner quelques millisecondes, il faut ĂȘtre proche de l’internet. Or, tout le monde pense que l’internet est un rĂ©seau Ă©galement et Ă©quitablement distribuĂ©. Mais ce n’est pas si vrai. A New York, Ă  proximitĂ© du Carrier Hotel, il y a un endroit oĂč arrivent les principaux tuyaux de l’internet mondial et qui permet d’obtenir des temps de latence quasiment nuls, explique encore Kevin Slavin. Et cet endroit est justement trĂšs proche de Wall Street. Ces quelques millisecondes valent des millions de dollars et les immeubles des environs se remplissent de serveurs plutĂŽt que de gens. Les bĂątiments et les villes sont structurellement façonnĂ©s par les algorithmes. Dans ce quartier de New York, on vide les bureaux et les appartements pour y mettre des tonnes de serveurs, parce que cette localisation peut donner un avantage stratĂ©gique en Ă©tant au plus prĂšs d’un des coeurs de l’internet. La ville de New York est en train d’ĂȘtre optimisĂ©e pour fonctionner comme une puce Ă©lectronique. » Et tout ce que nous pourrions faire en tant qu’ĂȘtre humain dans ces mĂȘmes locaux, vaut bien moins que ce que ces machines font et gagnent. Si on commence Ă  tirer sur le fil rouge des algorithmes, on se rend compte qu’ils dĂ©terminent de plus en plus de choses dans nos vies. Pas seulement les Ă©changes commerciaux ou le niveau de remboursement de nos pensions de retraite
 Ils dĂ©terminent Ă©galement la valeur de l’immobilier, ce qu’on regarde Ă  la tĂ©lĂ©, le prix des produits, ce que nous mangeons, comment nous circulons, ce qui va nous arriver, la maniĂšre dont sont conçues les chansons, ce que nous allons voir au cinĂ©ma, ce que nous lisons, le titre des livres que nous lisons, ce que nous pensons de ce que nous lisons
 » Tant et si bien que dresser l’Atlas des algorithmes contemporains, de tous les domaines oĂč ils ont une influence, est dĂ©jĂ  devenu quasiment impossible. Les inconvĂ©nients des effets de ces algorithmes sont bien sĂ»r nombreux. D’abord, il y a l’opacitĂ©. C’est-Ă -dire que nous ne savons pas ce qu’ils font. Observez ces nouveaux types d’ascenseurs sensĂ©s ĂȘtre mieux capables de distribuer les personnes dans les Ă©tages. On indique son Ă©tage, et l’algorithme vous propose de prendre tel ou tel ascenseur en fonction des multiples demandes qu’il reçoit au mĂȘme moment et de la situation des ascenseurs. Mais dans l’ascenseur vous n’avez plus de boutons pour demander un autre Ă©tage. Il n’y a que le bouton stop. L’effet des algorithmes est bien plus concret quand on est enfermĂ© dans une boĂźte », s’amuse Kevin Slavin. Regardez les trajets des robots aspirateurs. On constate qu’ils ne fonctionnent pas tous de la mĂȘme maniĂšre en observant comment ils se dĂ©placent. Certains, comme le Roomba, ont un algorithme alĂ©atoire, qui les fait se comporter d’une maniĂšre trĂšs angoissante, car leurs mouvements n’ont rien Ă  voir avec le fonctionnement d’un humain, d’autres fonctionnent avec des algorithmes qui ont l’air plus rationnels, qui balaient la piĂšce dans un sens puis un autre. » Autre inconvĂ©nient l’impĂ©nĂ©trabilitĂ©, c’est-Ă -dire le fait que les algorithmes ne soient pas lisibles et ne correspondent pas Ă  la maniĂšre dont les humains rĂ©flĂ©chissent. Et Kevin Slavin de prendre l’exemple d’un programme d’algorithme gĂ©nĂ©tique qui va trouver seul comment dĂ©placer des formes triangulaires et rondes dotĂ©es de caractĂ©ristiques physiques et motrices, comme sait le faire un ordinateur par essai-erreur vidĂ©o. Dans un premier temps, l’ordinateur ne sait mĂȘme pas que les roues doivent aller sur le sol. Il apprend de chaque essai et gĂ©nĂšre une nouvelle rĂ©ponse en utilisant ce qui a rĂ©ussi. En une heure, il a appris Ă  gĂ©nĂ©rer une voiture efficace, mais il ne sait toujours pas ce que sont des roues. Pour Slavin, c’est un bon exemple pour montrer comment l’ordinateur rĂ©flĂ©chit et combien ce mode est diffĂ©rent de la façon dont les humains eux rĂ©flĂ©chissent. CoreWar WikipĂ©dia est un jeu imaginĂ© par des programmateurs d’algorithmes, qui consiste Ă  les faire se battre. C’est un jeu absurdement abstrait, mais qui ne l’est pas plus que votre retraite oĂč vos investissements vus par les algorithmes financiers ». Enfin, il y a un dernier inconvĂ©nient que Slavin reconnait ne pas encore savoir nommer. Pour tenter de l’expliquer, il remonte Ă  Frances Galton, le cousin de Darwin WikipĂ©dia, qui voulait savoir comment trouver des structures dans l’agencement des Ă©lĂ©ments. C’est sa rĂ©flexion qui est Ă  l’origine du dĂ©veloppement de l’algorithmie – mais aussi de l’eugĂ©nisme. Aujourd’hui, le volume de donnĂ©es produites est si immense qu’on peut produire des algorithmes sur tout et n’importe quoi. Orley Ashenfelter, professeur d’économie Ă  Princeton, sait par exemple dĂ©terminer si le vin que va produire un vignoble sera bon, juste en analysant les raisins et en y appliquant un algorithme en fonction de la mĂ©tĂ©o et du sol. Une approche qui n’a rien Ă  voir avec celle de Robert Parker WikipĂ©dia, le grand gourou mondial du vin, puisque lui, c’est avec son palais qu’il dĂ©termine les qualitĂ©s d’un vin. Les donnĂ©es produites par les algorithmes gĂ©nĂšrent des donnĂ©es que l’on ne peut apprĂ©hender. DĂ©sormais, les mathĂ©matiques disent qu’ils peuvent influencer le goĂ»t et la prĂ©fĂ©rence des gens. 60 % des films louĂ©s sur Netflix sont des films qui ont Ă©tĂ© mis en avant pour vous par l’algorithme de Netflix en se basant sur ce que d’autres et vous-mĂȘmes avez dĂ©jĂ  apprĂ©ciĂ© ». Pire, une sociĂ©tĂ© comme Epagogix permet d’évaluer un film avant mĂȘme qu’il soit fait on introduit un scĂ©nario dans l’ordinateur et celui-ci peut vous dire le profit qu’il devrait gĂ©nĂ©rer
 DĂ©sormais, des algorithmes dĂ©terminent quels films vont ĂȘtre tournĂ©s. D’autres disent s’ils ont Ă©tĂ© bons
 Que se passe-t-il quand le crash qu’a connu la bourse va se dĂ©rouler dans l’industrie du cinĂ©ma ou sur le marchĂ© du vin ? Que signifient, Ă  long terme, cette production et cette consommation façonnĂ©es par les algorithmes ? OĂč tous les films se ressemblent. OĂč tous les vins ont le mĂȘme goĂ»t ? Jusqu’oĂč cela va fonctionner et jusqu’oĂč cela va nous conduire ? Que produit cette monoculture, cette culture moyenne, oĂč tout est lissĂ© par les algorithmes ?
 » On savait pourtant que les emprunts immobiliers des gens ne pourraient pas ĂȘtre remboursĂ©s. Mais on a largement ignorĂ© les faits et les donnĂ©es – pourtant produits par les marchĂ©s. On a autorisĂ© des gens Ă  emprunter au-dessus de ce qu’ils pouvaient rembourser, conclut Kevin Slavin. La leçon que l’on peut tirer de ce qu’il s’est passĂ© Ă  Wall Street vient peut-ĂȘtre de ceux qui ont dĂ©cidĂ© de quitter le marchĂ© des Ă©changes, Ă©coeurĂ©s. Peut-on faire la bourse ailleurs, autrement ? Peut-on crĂ©er des systĂšmes alternatifs des Dark Pools, c’est-Ă -dire des marchĂ©s oĂč d’immenses liquiditĂ©s se dĂ©placeraient en-dehors du royaume des algorithmes ? Quel serait le dark pool de l’art, de la musique, de l’immobilier ? Peut-on sortir du champ – du chant – des algorithmes ? Ou est-il dĂ©jĂ  trop tard ? Lift11 6-8 juillet, Marseille OĂč peut-on Ă  la fois Ă©changer avec le M. Innovation » du Royaume-Uni Geoff Mulgan, l’entrepreneuse en sĂ©rie du covoiturage Robin Chase, le directeur R&D du plus grand rĂ©seau de patients du monde, PatientsLikeMe Paul Wicks, la chercheuse de rĂ©fĂ©rence sur les villes globales Saskia Sassen, la designeuse des Slow cities » Anna Meroni et celle d’un rĂ©seau de gestion de crises qui, issu d’Afrique, intĂ©resse jusqu’aux Japonais Juliana Rotich ? A Lift France, cet Ă©tĂ© Ă  Marseille. OĂč peut-on dĂ©couvrir 22 installations incroyables qui mettent en scĂšne des projets d’artistes, de designers, de chercheurs et d’entrepreneurs audacieux ? Participer Ă  14 ateliers crĂ©atifs pour redessiner la ville, inventer la consommation collaborative de demain ou rĂ©flĂ©chir au futur de la monnaie ? Toujours Ă  Lift. A l’occasion de l’ouverture du blog invitĂ© d’InternetActu et de Place de la Toile sur la plateforme du profitez de 25 % de remise pour aller Ă  Lift France 2011. Pour les 500 millions d’utilisateurs de Facebook il semble n’y avoir qu’une maniĂšre d’accĂ©der Ă  Facebook celle de se connecter sur le rĂ©seau social pour consulter son mur d’activitĂ© le NewsFeed ». Pourtant, via Facebook Connect, on a dĂ©jĂ  vu qu’il y en avait une autre, distante, permettant d’interagir avec les services de Facebook depuis d’autres sites. Il y en a encore une autre, rĂ©servĂ©e aux services informatiques des sites qui utilisent Facebook. Cet autre accĂšs passe par les API, les interfaces de programmation, c’est-Ă -dire des jeux de donnĂ©es ouverts qui permettent aux dĂ©veloppeurs d’utiliser les services proposĂ©s par Facebook et qui sont l’une des clefs du fonctionnement du web Car derriĂšre tous les systĂšmes fermĂ©s que d’aucun dĂ©noncent Ă  grands cris, il y a avant tout des systĂšmes informatiques qui discutent entre eux, il y a des systĂšmes ouverts » souvent gratuits plus que payants, sauf si on dĂ©passe un certain niveau ou volume d’utilisation des donnĂ©es accessibles. Ouverts » Ă  tout le moins aux systĂšmes techniques, plutĂŽt qu’aux seuls utilisateurs. Si le web semble se refermer, par la mise en place d’écosystĂšmes propres comme le constatait Chris Anderson dans Le web est mort, vive l’internet, il faut nĂ©anmoins reconnaĂźtre que ces Ă©cosystĂšmes savent discuter entre eux. Mieux, pour atteindre la masse critique d’utilisateurs, il est bien souvent impossible que cette discussion n’ait pas lieu. C’est bien en tout cas dans les interfaces de programmation que se concoctent le web d’aujourd’hui et le web de demain dans les nĂ©gociations permettant d’accĂ©der aux services des uns et des autres, dans les mashups de services oĂč la bonne alchimie crĂ©era le bon service. De nombreuses start-ups naissent de ces croisements et des matrices permettent d’ailleurs d’imaginer leurs croisements. Les interfaces de programmations ne sont pas des technologies cachĂ©es la plupart des sites qui en proposent documentent ouvertement les conditions d’accĂšs, prĂ©cisent clairement les conditions d’utilisation. Mais ce sont des technologies relationnelles discrĂštes, des rĂ©pertoires de donnĂ©es qui Ă©changent des droits d’accĂšs, des utilisations, que le public ne voit pas. Ce sont elles qui permettent le plus souvent le dĂ©veloppement d’applications web ou logicielles, c’est-Ă -dire de micrologiciels que les Ă©changes de donnĂ©es rendent fonctionnels. Qu’est-ce qu’une interface de programmation ? Il existe deux façons de donner accĂšs Ă  des donnĂ©es sur le web, explique Charles Nepote responsable du programme DonnĂ©es publiques de la Fing. Tout d’abord un accĂšs direct Ă  un fichier contenant les donnĂ©es. C’est souvent la mĂ©thode la plus simple, car les outils de gestion proposent gĂ©nĂ©ralement une fonction d’export des donnĂ©es sous forme de fichier. Elle est cependant moins bien adaptĂ©e lorsque les donnĂ©es changent souvent et qu’il y en a beaucoup cela oblige les rĂ©utilisateurs Ă  recharger frĂ©quemment l’ensemble du fichier et peut ĂȘtre consommateur en ressources systĂšme et rĂ©seau. C’est pourquoi se dĂ©veloppent frĂ©quemment un mode d’accĂšs direct aux donnĂ©es uniquement nĂ©cessaires Ă  travers une interface de programmation API. Pour Karl Dubost, chargĂ© des relations avec les dĂ©veloppeurs chez Opera, l’API n’est rien d’autre qu’ un protocole de communication pour accĂ©der Ă  un service ». De la mĂȘme façon qu’avec un logiciel de base de donnĂ©es, on a un vocabulaire pour accĂ©der aux donnĂ©es et faire une requĂȘte, l’API permet de construire des interrogations via une interface normalisĂ©e ». Les fonctionnalitĂ©s proposĂ©es par les API Ă©voluent selon les services et au cours du temps. Par exemple, Facebook propose plusieurs API celle pour s’authentifier, celle pour explorer et exploiter le graphe social des utilisateurs, etc. Une API va permettre Ă  un programme de demander Ă  l’application qui fournit les donnĂ©es, uniquement celles dont elle a besoin ou auxquelles il souhaite ou peu accĂ©der. Les grands acteurs du numĂ©rique en gĂ©nĂ©ral et du web particulier, comme Google, Amazon, Facebook, Twitter, 
 ont Ă©tabli leur succĂšs grĂące Ă  leurs APIs. Une API est donc un protocole d’accĂšs Ă  un systĂšme d’information pour un autre systĂšme d’information, afin qu’ils Ă©changent des donnĂ©es entre eux. Ce Ă  quoi ils ont accĂšs et les conditions de cet accĂšs sont clairement dĂ©crits et documentĂ©s par l’interface, selon les jeux de donnĂ©es qui peuvent s’échanger. Via des API, on peut construire un systĂšme de rĂ©servation de billets de trains ou d’avion en utilisant les API proposĂ©es par les transporteurs, utiliser des banques d’images comme celles des agences de presse ou utiliser des services spĂ©cifiques faire correspondre cette banque d’image Ă  un service de reconnaissance d’image lui-mĂȘme accessible via une API. Image La croissance du nombre d’API disponibles et de leur utilisation par Programmable Web. Les API sont des interfaces d’accĂšs aux donnĂ©es numĂ©riques, comme l’explique Christian FaurĂ©. C’est une porte d’entrĂ©e qui permet de contrĂŽler l’exposition et l’utilisation des donnĂ©es numĂ©riques produites par un service. C’est un service logistique qui s’adresse aux autres services et aux dĂ©veloppeurs pour faciliter l’échange d’informations. Chaque API Ă  ses particularitĂ©s ses clefs d’accĂšs, le nombre de requĂȘtes maximales par clefs d’accĂšs, les donnĂ©es accessibles et celles qui ne le sont pas, les fonctions de manipulation des donnĂ©es celles qui sont proposĂ©es en lecture seule comme celles qui pourront ĂȘtre Ă©crites par un service tiers permettant par exemple Ă  un service d’écrire Ă  votre place sur votre mur Facebook quand vous l’utilisez et si vous l’avez autorisĂ©. Elles permettent donc Ă  des services de communiquer entre eux, de croiser leurs donnĂ©es, d’utiliser les donnĂ©es des uns et des autres, de maniĂšre plus ou moins transparente pour l’utilisateur. API de quoi l’utilisateur est-il maĂźtre ? Plus ou moins transparente. Dans Facebook par exemple, quand vous installez une application, celle-ci vous demande en langage plus ou moins clair si vous souhaitez que les donnĂ©es que cette application va mĂ©moriser Ă©changent avec Facebook. Elle se rĂ©sume souvent par une page d’autorisation qui n’est pas sans poser problĂšme, comme s’en plaint Danny Sullivan, puisque la plupart du temps, nous n’avons pas d’autres choix que d’accepter ou refuser la communication, quand bien mĂȘme bien des donnĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es sembleraient inutiles Ă  son fonctionnement. Nous n’avons aucune capacitĂ© d’ajustement des donnĂ©es rĂ©cupĂ©rĂ©es. Les applications demandent souvent bien plus d’information qu’elles n’en ont besoin et l’utilisateur n’a rarement d’autre choix que d’approuver ce vol ou de ne pas utiliser l’application en question. Image exemple d’une demande d’autorisation d’une application dans Facebook listant tout ce Ă  quoi elle demande accĂšs sans que nous puissions moduler quoi que ce soit. Bien souvent, les rĂšgles qui rĂ©gissent les interfaces de programmation ne sont pas les mĂȘmes que celles que connaissent les utilisateurs passant par le service principal. Sur par exemple, il est difficile de trouver un tweet particulier ou de remonter loin dans le temps
 Le moteur de Twitter ne semble pas avoir une longue mĂ©moire de nos Tweets. Mais ce n’est pas le cas des API utilisĂ©es par des services tiers, comme le moteur de recherche SnapBird. Sur Facebook, les choses qu’on apprĂ©cie like disparaissent peu Ă  peu de nos murs et de nos mĂ©moires, mais ce n’est pas le cas des interfaces de programmation de Facebook qui elles savent trĂšs bien que vous avez apprĂ©cier tel groupe ou telle marque il y a plusieurs mois de cela, et l’utiliser pour vous proposer des recommandations ou des publicitĂ©s adaptĂ©es Ă  votre profil. Il y a une dissymĂ©trie pour l’usager entre ce Ă  quoi accĂšdent les services qui se branchent sur les API et ce Ă  quoi accĂšde l’usager, limitĂ© Ă  la seule pratique du site web dudit service. Tant et si bien que les API sont bien plus utilisĂ©es que les sites web les API de Twitter reçoivent bien plus de visites que le site web de Twitter, explique Dion Hinchcliffe. L’écosystĂšme de Twitter c’est dĂ©sormais plus de 10 000 applications tierces qui utilisent les API de Twitter, et si Twitter fait 20 millions de visiteurs uniques, 40 millions de personnes y accĂšdent via des applications estime TechCrunch. Autre difficultĂ©, pour les programmeurs et les sites web qui utilisent ces interfaces ils dĂ©pendent complĂštement de leurs Ă©volutions. RĂ©cemment, Google annonçait faire le mĂ©nage dans ses API, expliquant que certaines allaient tout simplement ĂȘtre abandonnĂ©es, comme l’API permettant d’utiliser le service Google Translate. DerriĂšre cette dĂ©cision, ce sont des dizaines de services qui doivent repenser leur offre pour trouver une solution alternative ou fermer Ă  leur tour. L’internet des API, le web des applications Les interfaces de programmations et les applications, qui sont leur corollaire, nous font entrer dans un nouveau web ou plutĂŽt une nouvelle Ă©tape de l’informatique. Avec d’un cĂŽtĂ© l’internet des API et de l’autre le web des applications. D’un cĂŽtĂ©, les Ă©changes d’information entre services qui structurent le rĂ©seau, mais demeurent inaccessibles au commun des mortels, de l’autre le web des applications, c’est-Ă -dire de nanoprogrammes qui utilisent les donnĂ©es de ces API pour rendre l’information plus accessible aux gens. C’est en ce sens qu’il faut regarder l’arriver d’applications dans le navigateur comme le propose dĂ©jĂ  Google Chrome ou Mozilla. Si les applications s’expliquaient dans l’univers du mobile et du tactile pour rĂ©pondre aux spĂ©cificitĂ©s d’utilisabilitĂ© de ces interfaces, l’arrivĂ©e d’applications dans le navigateur promet d’autres apports et notamment de rĂ©soudre les problĂšmes d’incompatibilitĂ© des plateformes, supports et langages. Il permet surtout de simplifier les installations plutĂŽt que de devoir lancer un programme, prĂ©ciser oĂč il doit s’installer, configurer son accĂšs, il suffit dĂ©sormais d’activer une application pour qu’elle soit disponible, que ce soit sur votre ordinateur pour les applications de bureau, sur votre mobile ou dans votre navigateur. Pour Oren Michels, PDG de Mashery, une solution de gestion d’interfaces de programmation, les API semblent ĂȘtre des choses trĂšs techniques, trĂšs geeks, alors que ce n’est rien d’autre qu’un canal de distribution. Realtibits, une start-up qui propose une solution pour crĂ©er des Forums, a ainsi lancĂ© son API avant de lancer son site web, rapporte le ReadWriteWeb. Pour Sam Rami d’Apigee, les API sont la chaĂźne d’approvisionnement du XXIe siĂšcle tant et si bien que des services mesurent leurs performances en permanence. Les API ne sont pas spectaculaires. Elles consistent en de simples entrepĂŽts de donnĂ©es communicants, dont la disponibilitĂ© doit ĂȘtre sans faille, au risque sinon de briser toute une chaĂźne d’accessibilitĂ©, car elles ne sont pas seulement utilisĂ©es sur le site qui les propose mais sur une infinitĂ© de sites qui les utilisent. Facebook a lancĂ© sa premiĂšre API en 2006, avant de crĂ©er en 2007, une plateforme dĂ©diĂ©e aux dĂ©veloppeurs. Dans les premiers temps, celle-ci s’est surtout concentrĂ©e Ă  fournir le matĂ©riel pour construire des applications Ă  l’intĂ©rieur de Facebook. DĂ©sormais, la vitrine pour les dĂ©veloppeurs de Facebook, explique Daniel Luxembourg de Programmable Web, fait uniquement la promotion de mesures techniques permettant d’utiliser Facebook au-delĂ  de Facebook et ce, notamment depuis le lancement en avril 2010 du nouveau graphe Facebook et de l’Open Graph Protocol. Autant d’évolution qui ont permis Ă  Facebook de devenir le troisiĂšme service le plus populaire en terme d’utilisation sous forme de mashup voir le classement, rapporte Programmable Web. Image les API les plus utilisĂ©es par type sur ces 14 derniers jours, via Programmable web. Comme l’explique Dion Hinchcliffe dans un rĂ©cent billet l’intĂ©gration est devenue la vertu Ă  cultiver. Il est de moins en moins frĂ©quent de voir de nouvelles applications Web apparaitre sans une bonne API qui lui corresponde, car les start-ups ont appris depuis longtemps que si elles ont quelque chose de bien Ă  offrir, l’essentiel de son utilisation viendra des API et non pas de l’expĂ©rience utilisateur. » DĂ©sormais, les sites ne sont qu’une modalitĂ© d’accĂšs. L’essentiel de celui-ci se fait d’une maniĂšre distante. Quand vous commencer Ă  utiliser des API, vous rĂ©alisez que ce que vous considĂ©riez jusqu’à prĂ©sent comme le web les sites web n’est qu’une maniĂšre de voir l’information contenue dans le web », explique Christian Heilmann dans une trĂšs claire prĂ©sentation des enjeux du web de donnĂ©es. Le succĂšs de Facebook ne tient pas tant au succĂšs d’audience du site de plus en plus il est liĂ© au succĂšs de ses API, Ă  la façon dont d’autres sites exploitent Facebook Connect ou intĂšgrent le Graphe de Facebook dans d’autres services. C’est en cela que Facebook, et la plupart des services majeurs du web deviennent chaque jour un peu plus incontournables leur Ă©cosystĂšme ne cessant de s’étendre. Au cours de ces derniĂšres annĂ©es, nous avons vu les API des entreprises devenir plus simples, plus web, plus faciles d’intĂ©gration tout en rĂ©duisant les coĂ»ts d’accĂšs », explique encore Dion Hinchcliffe. Tant et si bien que leur succĂšs ouvre de nouvelles perspectives d’intĂ©grations des solutions complexes utilisĂ©es en entreprise, estime le consultant. Le succĂšs des API des services web devrait inspirer les services professionnels, invitĂ©s Ă  dĂ©livrer dĂ©sormais leurs donnĂ©es et faciliter leurs intĂ©grations par d’autres sociĂ©tĂ©s via des interfaces de programmation. Il n’y a pas de web sans API Les API sont la clef du web social et du web des donnĂ©es. C’est par elles que transitent les donnĂ©es. C’est par leur croisement que se construisent de nouveaux services et de nouvelles connaissances. Si les donnĂ©es sont les entrepĂŽts d’information, nul n’y accĂšde sans clef, et cette clef, ce sont les API. Mais c’est lĂ  un web dans lequel l’utilisateur n’a qu’une place congrue. Les enjeux sont ailleurs, comme le montrait la rĂ©cente bataille entre Facebook et Google permettant de croiser les contacts des utilisateurs DorĂ©navant, les services Web ne pourront utiliser l’interface de programmation API qui gĂšre les contacts de Gmail que s’ils autorisent en contrepartie l’exportation des mĂȘmes informations de contacts de maniĂšre simple ». De nombreux services utilisent l’API de Gmail pour faciliter l’inscription de nouveaux utilisateurs lorsque l’utilisateur rentre son adresse, le service peut trĂšs facilement accĂ©der Ă  son carnet de contact, et donc lui signaler quels sont ses correspondants qui sont dĂ©jĂ  inscrits sur le service, ou lui proposer de leur envoyer une invitation. Facebook, notamment, utilise cette API pour proposer aux nouveaux inscrits de retrouver et d’ajouter comme amis » les correspondants Gmail. Or Facebook se refuse Ă  proposer la mĂȘme option aux services tiers. Un nouvel inscrit sur Gmail ne peut pas rentrer son identifiant Facebook pour ajouter automatiquement Ă  son carnet d’adresses ses amis » du rĂ©seau social. » La guerre des stratĂ©gies autour des API Ă  savoir la façon dont elles sont proposĂ©es, ouvertes, payantes Ă  partir d’un certain seuil d’utilisation, gratuites, rĂ©ciproques
 est en train de façonner l’internet et tout ce qui en dĂ©pend. Pour la plupart des sociĂ©tĂ©s de l’internet, ĂȘtre accessible via une ou plusieurs API est essentiel pour le dĂ©veloppement de son service. Mais pour certains acteurs, la surutilisation de leurs ressources pose question. Les stratĂ©gies s’affinent Ă  mesure et peuvent ĂȘtre trĂšs diffĂ©rente d’un service l’autre. Certains acteurs ne vont proposer que des API payantes. D’autres vont proposer des API trĂšs ouvertes pour ĂȘtre exploitĂ©es par le plus grand nombre. D’autres au contraire, semblent vouloir de plus en plus distinguer qui peut accĂ©der ou non Ă  ses API
 DĂ©sormais, la plupart des grands services web proposent leurs API. InitiĂ©s dĂšs 2000 par l’API d’eBay puis par celle d’Amazon, elles se sont depuis multipliĂ©es d’abord par celles des grands acteurs du web permettant l’explosion des Mashups, puis par le dĂ©veloppement des API des sites sociaux depuis 2006, comme l’explique trĂšs bien ClĂ©ment Vouillon. DĂ©sormais, non seulement tous les sites sociaux proposent une API – comme Linked-in -, mais le phĂ©nomĂšne touche dĂ©sormais des services plus petits, des start-ups moins connues, qui misent sur le dĂ©veloppement d’interfaces de programmation pour assurer leur dĂ©veloppement. L’asymĂ©trie des Ă©changes de donnĂ©es Si via ces API, la circulation des donnĂ©es semble s’ouvrir, les dĂ©veloppeurs sont les otages consentants du moindre changement dans les conditions d’utilisations, comme l’explique ClĂ©ment Vouillon. Mais surtout, dans cet univers, l’utilisateur et ses donnĂ©es semblent ĂȘtre le plus petit dĂ©nominateur commun. On a l’impression que s’oppose un monde d’API plutĂŽt ouvertes, oĂč les systĂšmes discutent entre eux, Ă  un monde d’applications relativement fermĂ©es qui jouent des donnĂ©es des utilisateurs sans que ceux-ci en comprennent la portĂ©e. Certes, ils en bĂ©nĂ©ficient aussi. Mais peut-on vraiment bĂ©nĂ©ficier de choses qu’on ne maĂźtrise pas, qu’on ne comprend pas ? En fait, ce n’est pas tant le fait qu’on ne maĂźtrise pas ou qu’on ne comprend pas les API qui posent problĂšme. C’est plutĂŽt le fait qu’elles utilisent nos donnĂ©es sans que nous nous en rendions vraiment compte. Et surtout qu’elles utilisent nos donnĂ©es de maniĂšre asymĂ©trique c’est-Ă -dire qu’elles n’utilisent pas nĂ©cessairement les mĂȘmes que celles auxquelles nous pensons leur donner accĂšs. Autoriser un service Ă  utiliser nos donnĂ©es sur Facebook, peut l’autoriser Ă  aller chercher dans tout notre historique, faisant apparaĂźtre des choses de nous que nous-mĂȘmes avions oubliĂ©es. Le problĂšme des API ne repose pas tant dans la circulation des donnĂ©es que dans leur asymĂ©trie. Comme le disait Kevin Kelly rĂ©cemment “Nous ne voulons pas moins de donnĂ©es, nous voulons une plus grande symĂ©trie, tirer plus davantage que ce que l’autre partie sait de nous”. Et force est de constater que ce n’est pas ce que proposent les API. Hubert Guillaud Le dossier “Comprendre Facebook” 1Ăšre partie Le rĂŽle social du bavardage 2e partie Facebook technologie relationnelle 3e partie L’internet des API, le web des applications La lecture de la semaine n’est pas une lecture, mais plutĂŽt une thĂ©orie, dont je ne sais pas si elle est lĂ©gĂšrement dĂ©lirante ou trĂšs banale. Mais je vous la livre mercredi aux alentours de 18h, j’ai compris Facebook, je veux dire que j’ai vraiment compris ce que c’était que Facebook. Pourquoi mercredi aux alentours de 18h ? Parce qu’à ce moment-lĂ , Mark Zuckerberg, le fondateur et prĂ©sident de Facebook Ă©tait Ă  la tribune de l’e-G8, et, comme plusieurs centaines de personnes, j’étais dans la salle. Zuckerberg Ă©tait lĂ  fidĂšle Ă  l’image qu’on se fait de lui l’air d’un jeune amĂ©ricain de 27 ans, en jean, t-shirt et basket, transpirant sous les spots et sirotant un soda. Il parlait comme on s’attendait Ă  ce qu’il parle Ă  la fois humble et sĂ»r de lui, consensuel et Ă©nervant. Mais, un passage de son intervention a commencĂ© Ă  me mettre la puce Ă  l’oreille. Zuckerberg s’est lancĂ© dans un dĂ©veloppement sur ce qui faisait selon lui les deux composantes de l’ADN de Facebook. Ces deux composantes Ă©tant pour lui la technologie et le social. D’ailleurs a-t-il expliquĂ©, j’ai créé Facebook Ă  Harvard oĂč j’étudiais alors non seulement les sciences computationnelles, l’informatique, mais aussi la psychologie. Facebook c’est cela, c’est de la technologie et une apprĂ©hension du social ». Image Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, lors de l’eG8 Forum, photographiĂ© par Arash Derambarsh. IntĂ©ressant me dis-je alors, je ne savais pas que Zuckerberg avait Ă©tudiĂ© la psychologie. Quelques minutes plus tard, les questions sont ouvertes Ă  la salle, et lĂ , il se produit un phĂ©nomĂšne surprenant. Sur la demi-douzaine de questions qui lui sont posĂ©es, deux abordent la question des affects ; pas ses affects Ă  lui, mais ceux qui sont mobilisĂ©s dans la sociabilitĂ© Ă  l’Ɠuvre dans Facebook. A ces deux questions Zuckerberg ne sait pas quoi rĂ©pondre et mĂȘme, il ne les comprend pas, il dit ne pas les comprendre. Les Ă©crans donnent Ă  voir en gros plan son visage incrĂ©dule, mal Ă  l’aise, lui qui jusque-lĂ  semblait dĂ©rouler sans encombre un discours parfaitement rodĂ©. Mon voisin me montre alors un texto qu’il reçoit Ă  l’instant mĂȘme, texto dans lequel un correspondant Ă©voque le syndrome d’Asperger pour expliquer la rĂ©action de Zuckerberg. Que Zuckerberg soit atteint de cette maladie associĂ©e Ă  l’autisme est Ă  l’évidence impossible, d’ailleurs, je ne crois pas qu’il s’agissait d’une hypothĂšse sĂ©rieuse. En revanche, il y a dans l’appel Ă  la psychopathologie quelque chose d’assez juste. Et c’est lĂ  d’oĂč ma thĂ©orie tire sa source. Je suis convaincu que quand nous sommes dans Facebook, nous sommes dans l’esprit de Mark Zuckerberg. Je suis convaincu que Mark Zuckerberg a créé Facebook parce qu’il avait besoin de Facebook, et que Facebook est une manifestation technologique de la PsychĂ©e de Zuckerberg. Au moment de la sortie de The Social Network, le film de David Fincher retraçant la naissance de Facebook, l’écrivaine britannique Zadie Smith a Ă©crit dans la New York Review of Books un excellent article sur le film, et, au-delĂ , sur Facebook. Elle concluait son article en expliquant que Facebook, c’était la vision du monde d’un Ă©tudiant de Harvard, mais c’était aussi celle de Zuckerberg. Elle rappelait que Facebook Ă©tait bleu parce que Zuckerberg Ă©tait daltonien et que pendant longtemps, le site avait portĂ© la mention a production by Mark Zuckerberg ». Mais on peut aller au-delĂ  ? Cette maniĂšre qu’a Facebook de rationaliser les relations sociales Ă©nonciation du statut amoureux, possibilitĂ© de sĂ©lectionner les relations, division des amitiĂ©s en groupe semble ressortir Ă  la crĂ©ation d’un espace oĂč les angoisses sont Ă  la fois exprimĂ©es et subsumĂ©es. C’est pourquoi je pense que l’on a tort quand on envisage Facebook comme un outil et quand on tente de l’analyser avec le seul prisme de la sociologie. Bien sĂ»r, c’est devenu un outil, car d’autres dĂ©veloppeurs sont venus ajouter leur savoir-faire au travail de Zuckerberg, et puis les usagers s’en sont emparĂ©s d’une maniĂšre qui n’avait sans doute pas Ă©tĂ© imaginĂ©e par Zuckerberg cf. son rĂŽle politique dans les rĂ©voltes arabes. Bien sĂ»r Facebook est nĂ© dans un contexte sociologique particulier, celui de Harvard, et a empruntĂ© des formes identifiĂ©es sociologiquement celles de la sociabilitĂ© des universitĂ©s amĂ©ricaines d’élite. Certes Facebook est une entreprise dont les dĂ©veloppements sont Ă  comprendre en termes Ă©conomiques. Mais le vrai mystĂšre de Facebook n’est pas lĂ . Le vrai mystĂšre de Facebook est le mĂȘme que celui qui touche tout chef d’Ɠuvre artistique. La question c’est pourquoi 600 millions de personnes se sentent Ă  l’aise dans l’esprit de Mark Zuckerberg ? Pourquoi 600 millions jouissent manifestement d’ĂȘtre dans l’esprit de Mark Zuckerberg ? Cette question, qui peut paraĂźtre Ă©trange, est la mĂȘme que celle qui pose toute grande Ɠuvre d’art. Pourquoi des millions de gens de par le monde ont-ils lu et continue de lire La Recherche du Temps Perdu, alors que s’y dĂ©ploie dans ses moindres mĂ©andres l’esprit de Proust ? Pourquoi des millions de gens ont-ils Ă©coutĂ© et continuent d’écouter Mozart alors que s’y Ă©panouit la folie de Mozart ? Cette triangulation miraculeuse entre un gĂ©nie nĂ©vrotique, une forme d’expression parfaitement maĂźtrisĂ©e et un public, l’art nous y a habituĂ©s. La technologie un peu moins, et c’est pourquoi Facebook nous trouble autant, c’est pourquoi on ne sait pas trĂšs bien comment le prendre. Mais c’est peut-ĂȘtre cela Facebook. Un gĂ©nie nĂ©vrotique qu’est Mark Zuckerberg, la maĂźtrise d’une forme d’expression qu’est l’informatique et la rencontre avec ce qu’est un public dans le monde sans frontiĂšres qu’est l’Internet. Facebook est bien autre chose qu’un outil ou un phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ© Facebook, c’est le premier chef d’Ɠuvre de l’art numĂ©rique. Xavier de la Porte Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, rĂ©alise chaque semaine une intĂ©ressante lecture d’un article de l’actualitĂ© dans le cadre de son Ă©mission. Cette lecture Ă©tait liĂ©e Ă  l’émission du 29 mai 2011 consacrĂ©e justement Ă  l’eG8. La caractĂ©ristique principale du web social, dont Facebook est l’emblĂšme, est de lier les activitĂ©s des gens sur internet. Facebook n’est pas un trombinoscope ou un annuaire comme on l’entend souvent, car s’il n’était que cela, il ne permettrait pas d’action, autre que la prĂ©sentation de profils. Les profils ne sont qu’une porte d’entrĂ©e c’est l’activitĂ© communicationnelle qui fait mĂ©dia. En ce sens, il est bien un mĂ©dia social », mĂȘme si nous avons tous du mal Ă  dĂ©finir ce que c’est, comme le rapportait trĂšs justement Nicolas Vanbremeersch. Qu’est-ce qu’un mĂ©dia social ? Pour comprendre ce qu’est un mĂ©dia social, il faut en revenir Ă  ce qu’est un mĂ©dia, un support de diffusion massive de l’information ». Le mĂ©dia social, par essence, est donc toujour un support de diffusion massive de l’information qui emprunte exactement toutes les formes et supports existants texte, image, vidĂ©o, audio
, mais la diffĂ©rence vient peut-ĂȘtre de la nature de l’intermĂ©diaire, comme l’exprime trĂšs bien FrĂ©dĂ©ric Cavazza alors que dans les mĂ©dias traditionnels il y a un Ă©metteur qui diffuse un message unique Ă  destination de cibles, dans les mĂ©dias sociaux chacun est Ă  la fois diffuseur et cible. Les mĂ©dias sociaux sont des mĂ©dias pour l’interaction sociale », explique la version anglaise de la dĂ©finition de WikipĂ©dia C’est l’usage de technologies web ou mobile pour transformer les communications en dialogue interactif ». Les propriĂ©tĂ©s qui distinguent un mĂ©dia d’un mĂ©dia social reposent sur la portĂ©e si les deux peuvent atteindre des publics massifs, les mĂ©dias industriels utilisent un cadre centralisĂ©, alors que les mĂ©dias sociaux sont par nature mĂȘme plus dĂ©centralisĂ©s, moins hiĂ©rarchisĂ©s
, l’accessibilitĂ© les mĂ©dias sociaux sont accessibles Ă  un coĂ»t faible ou nul ils rĂ©duisent les coĂ»ts de transaction, comme l’explique Clay Shirky dans Here Comes Everybody, la facilitĂ© d’utilisation ils ne nĂ©cessitent pas nĂ©cessairement de compĂ©tences pour ĂȘtre utilisĂ©s, l’immĂ©diatetĂ© et la permanence les mĂ©dias sociaux peuvent ĂȘtre modifiĂ©s en permanence. Image issue du bĂȘtisier des captures d’écrans de Facebook, ZĂ©ros Sociaux. Encore plus qu’avec les mĂ©dias traditionnels, avec les mĂ©dias sociaux, Le mĂ©dium est le message », comme disait Marshall McLuhan dans Pour comprendre les mĂ©dias. Le mĂ©dia ne reprĂ©sente plus seulement tous les prolongements technologiques » de l’homme, comme le prophĂ©tisait le chercheur, mais Ă©galement tous les prolongements sociaux » de l’homme. danah boyd et Nicole Ellison ont essayĂ© de dĂ©finir en 2007 les sites de rĂ©seaux sociaux Nous dĂ©finissons les sites de rĂ©seaux sociaux comme des services basĂ©s sur le web qui permettent aux individus de 1 construire un profil public ou semi-public sans systĂšme dĂ©limitĂ©, 2 articuler une liste d’autres utilisateurs avec lesquels ils partagent une connexion et 3 voir et traverser leurs listes de connexions et celles faites par les autres par le biais du systĂšme. La nature et la nomenclature de ces connexions pouvant varier d’un site Ă  l’autre. Nous utilisons le terme de site de rĂ©seaux sociaux » social network site pour dĂ©crire ce phĂ©nomĂšne, le terme site de rĂ©seautage social social networking sites apparait Ă©galement dans le discours public et les deux termes sont souvent utilisĂ©s de maniĂšre interchangeable. Nous avons dĂ©cidĂ© de ne pas utiliser le terme rĂ©seautage pour deux raisons l’emphase et la portĂ©e. RĂ©seautage » met l’accent sur l’initiation des relations, souvent entre Ă©trangers. Alors que le rĂ©seautage est disponible sur un grand nombre de sites, elle n’est pas la pratique principale de nombre d’entre eux, alors que c’est ce qui les diffĂ©rencie des communications mĂ©diatisĂ©es par l’ordinateur computer-mediated communication. » La prĂ©cision est d’importance. Une fonction sociale ne fait pas mĂ©dia social. Dans sa messagerie instantanĂ©e, le fait d’avoir accĂšs Ă  toute une liste d’ami ne transforme pas pour autant un tchat en mĂ©dia social. La construction d’un environnement communautaire dans les commentaires de blogs via Gravatar ou mĂȘme BuddyPress par exemple, qui permet d’ajouter une couche sociale aux blogs sous WordPress et notamment aux commentaires, mais qui fait plus fonction de forum que de mĂ©dia social ne fait pas nĂ©cessairement mĂ©dia social. La nature des connexions rendues possibles ou impossibles par le mĂ©dia social est d’importance pour le dĂ©finir. Nous sommes entrĂ©s dans l’ùre des plateformes sociales Quand on observe Facebook, emblĂšme des mĂ©dias sociaux, on constate que la diffĂ©rence essentielle entre un mĂ©dia et un mĂ©dia social est que le second nous propose une autre forme de lecture que le mĂ©dia alors que sur le mĂ©dia notre lecture personnelle est guidĂ©e par l’éditorialisation proposĂ©e par le mĂ©dia, avec le mĂ©dia social, notre lecture est orientĂ©e par nos relations, nos parcours, notre historique. Facebook est un site oĂč chacun est invitĂ© Ă  partager de l’information et Ă  faire-part de ses prĂ©fĂ©rences avec son rĂ©seau d’ami. Et ce sont les relations au sein de ce rĂ©seau qui vous permettent d’accĂ©der aux informations que les autres diffusent. Plus que les profils en eux-mĂȘmes, c’est l’activitĂ© qu’accomplissent vos correspondants via Facebook qui est intĂ©ressante. Les images et textes qu’ils y Ă©changent, les recommandations qu’ils adressent via le bouton like », les services qu’ils utilisent et auxquels, en les partageant, ils permettent d’accĂ©der
 Les mĂ©dias sociaux sont des supports de diffusion massifs de l’information des mĂ©dias orientĂ©e par les relations sociales. C’est bien le fait que la connexion entre amis transforme ce Ă  quoi on accĂšde qui fait mĂ©dia social. D’une certaine maniĂšre, les mĂ©dias sociaux n’existent pas en tant que tel. Sans utilisateurs, Facebook serait une page vide. Il n’y a Ă©change d’information que s’il y a Ă©changes entre les utilisateurs. Et surtout, nul n’en a la mĂȘme vision. Contrairement au web traditionnel, par lequel nous accĂ©dons tous plus ou moins Ă  la mĂȘme page, avec les rĂ©seaux sociaux, nul n’accĂšde Ă  la mĂȘme chose, car le contenu de ce Ă  quoi on accĂšde dĂ©pend entiĂšrement des relations que l’on a Ă©tablies avec d’autres membres dudit rĂ©seau et avec le reste du monde nos prĂ©fĂ©rences » qui signalent ce que l’on apprĂ©cie, qui nous relient Ă  ce qui ne tient pas des personnes objets, marques, produits, organisations
. C’est ce que danah boyd appelle l’homophilie qui renforce le sentiment de sa propre communautĂ©, l’attachement Ă  ses propres relations. Image issue du bĂȘtisier des captures d’écrans de Facebook, ZĂ©ros Sociaux. Comme le dit FrĂ©dĂ©ric Cavazza, il y a bien des mĂ©caniques communautaires et sociales diffĂ©rentes selon les types de mĂ©dias sociaux et les relations qu’ils proposent, pour autant elles s’avĂšrent souvent dĂ©cevantes. Elles dressent le plus souvent des typologies d’outils plutĂŽt que de distinguer des caractĂ©ristiques spĂ©cifiques. Il faut faire la diffĂ©rence entre des mĂ©dias qui utilisent des fonctions sociales des communications mĂ©diatisĂ©es par l’ordinateur » comme diraient danah boyd et Nicole Ellison et des mĂ©dias sociaux en passe de devenir de vĂ©ritables plateformes sociales, c’est-Ă -dire un Ă©cosystĂšme oĂč l’identifiant proposĂ© par la plateforme, les prĂ©fĂ©rences et le rĂ©seau de relation qui lui est associĂ© sont transportables » dans une multitude d’environnements diffĂ©rents. Ce que Facebook appelle le Graphe Social. Facebook Login regarder son activitĂ© par ses contacts Et la vraie puissance de Facebook est incontestablement ici. Dans son potentiel Ă  pouvoir retrouver vos amis sur les autres sites que vous utilisez. Ce n’est pas seulement voire Facebook Login ou Facebook Connect comme il s’appelait encore il y a peu, prĂ©cise Christian Gallardo, responsable du dĂ©veloppement business de Facebook – ou d’autres types d’identifiants [1] – comme un identifiant universel, mais comme une clef d’entrĂ©e sur le web via ses relations et ses prĂ©fĂ©rences. En se connectant via Facebook, l’identification est la fonction que vous voyez, celle que vous pensez activer, alors qu’en fait, vous activez bien plus. Pire, l’identification est la fonction la moins importante qu’on utilise en passant par Facebook Login. Le plus important est l’importation de votre rĂ©seau relationnel et vos prĂ©fĂ©rences partout oĂč vous allez. AccĂ©der Ă  Rue89 et accĂ©der Ă  ce que vos amis ont apprĂ©ciĂ© sur Rue89 c’est lĂ  deux propositions de navigation dans les contenus radicalement diffĂ©rentes. Facebook est un connecteur, qui plus qu’embarquer votre identitĂ©, vous permet d’embarquer avec vous vos relations sociales et vos prĂ©fĂ©rences, et ce, sur de plus en plus de sites, comme le montre la vitrine des intĂ©grations de Facebook dans d’autres sites web ou l’explique Julien Codorniou, responsable des partenariats de Facebook pour la France et le Benelux. Par exemple, vous pouvez utiliser Spotify pour Ă©couter de la musique. Et vous pouvez utiliser Spotify via Facebook pour Ă©couter de la musique. Ce sont alors deux services totalement diffĂ©rents. Dans l’un, vous utilisez le service en tant que tel pour chercher, organiser et Ă©couter votre musique. Dans l’autre, vos connaissances deviennent une nouvelle porte d’entrĂ©e sur le service vous n’accĂ©dez plus seulement Ă  votre musique, mais Ă  celle de vos amis, Ă  la maniĂšre dont ils l’organisent et la partagent. Vous n’avez pas accĂšs seulement Ă  la musique que vos amis dĂ©clarent partager de temps en temps, vous pouvez vous brancher sur ce qu’ils apprĂ©cient, sur ce qu’ils Ă©coutent, et cela sans mĂȘme qu’ils en soient forcĂ©ment conscients mĂȘme s’il faut activer la fonction de partage de sa musique en partie ou en intĂ©gralitĂ©. Je ne suis pas sĂ»r que Christophe Abric, l’illustre fondateur de la blogothĂšque, ou Philippe Astor qui tient l’excellent Digital Jukebox soient pleinement conscients que j’ai accĂšs aux listes de lectures publiques qu’ils partagent et c’est pourtant un vrai plaisir que d’accĂ©der Ă  leur expertise et Ă  leur Ă©clectisme. De la mĂȘme façon, on peut accĂ©der Ă  une foule d’autres services comme DisMoiOĂč ou Ă  Trip Advisor et naviguer entre les recommandations des utilisateurs. Mais les cartes changent de dimensions quand on a accĂšs aux recommandations de nos amis. Les notations des restaurants et des commerces qui peuplent le territoire qui nous entoure prennent une autre couleur en se peuplant des recommandations de nos relations. Ce restaurant recommandĂ© par 40 ou un milliers d’internautes n’a pas la mĂȘme image quand c’est une connaissance qui vous le recommande. Autre exemple emblĂ©matique de l’utilisation que l’on peut faire de Facebook, le site Etsy, une communautĂ© d’achat et de vente de produits faits mains, propose de trouver dans son catalogue les cadeaux qui iraient le mieux Ă  vos amis. Comment ? Le site propose une application qui se branche sur Facebook et qui regarde dans les profils de vos amis, ce qu’ils ont apprĂ©ciĂ© un mĂ©dia, un objet, une sĂ©rie tĂ©lĂ©, des personnages ou des groupes
 via le bouton Like. Le site utilise alors ces informations pour chercher des produits correspondants dans son catalogue ainsi, si vous avez apprĂ©ciĂ© Radiohead ou Barack Obama, Etsy va regarder dans son catalogue pour vous proposer des tee-shirts, des badges, des dessins ou des boucles d’oreilles correspondantes – Etsy n’est plus le seul magasin en ligne Ă  proposer cette connexion, tous s’y sont mis et non des moindres. Depuis juillet 2010, Amazon a lancĂ© en bĂȘta une premiĂšre version de son magasin connectĂ© Ă  Facebook, permettant de voir les produits culturels populaires de vos relations pour acquĂ©rir les mĂȘmes et vous suggĂ©rant de leur offrir des cadeaux mieux adaptĂ©s Ă  leurs goĂ»ts. De nos goĂ»ts au profil marketing de nos goĂ»ts Bien sĂ»r, pour l’instant, le rĂ©sultat est loin d’ĂȘtre idĂ©al, car, Facebook Ă  tendance Ă  nous servir Ă  tout et Ă  rien. On est dĂ©sormais capable d’apprĂ©cier tout et n’importe quoi, sur l’instant, sans que cela signifie clairement que vous l’apprĂ©ciez vraiment. Qu’importe ! Facebook extrait tout de son contexte. C’est sa fonction principale. Si vous apprĂ©ciez les mĂ©lodies des Beatles et que vous les recommandez ne serait-ce qu’une fois, cela pourra vous ĂȘtre reprochĂ© Ă  vie, par des services tiers qui vont utiliser cette information pour en dĂ©duire, automatiquement, que vous ĂȘtes fan des Beatles. C’est certainement encore la limite du like de Facebook. Si je regarde la musique qu’apprĂ©cie Philippe Astor sur Facebook, elle est limitĂ©e pour l’instant Ă  37 artistes, autant dire une broutille par rapport aux milliers de morceaux qu’il a classĂ©s et sĂ©lectionnĂ©s dans Spotify. Facebook propose donc deux types de graphes le graphe des recommandations les likes et le graphe social celui des relations. L’un et l’autre sont intrinsĂšquement liĂ©s, mais ils sont bien diffĂ©rents par nature. Plus que les relations, c’est dĂ©sormais plutĂŽt sur le graphe des recommandations que Facebook travaille. Les Like » peuvent devenir de la publicitĂ© c’est-Ă -dire que Facebook est capable de faire appel aux recommandations de vos amis pour distribuer de la publicitĂ© ciblĂ©e, comme l’explique Business Insider on parle de publicitĂ© endossĂ©e socialement » dont les rapports sont bien sĂ»r meilleurs que la publicitĂ© traditionnelle. Nos amis deviennent le panneau d’affichage de cette publicitĂ©, c’est-Ă -dire que leurs recommandations peuvent ĂȘtre utilisĂ©es par les marques pour le signaler Ă  notre attention. C’est l’un des biais du systĂšme du graphe de recommandation penser que toutes les actions que nous y faisons nous reprĂ©sentent, dressent notre graphe non pas social, mais comportemental, la carte de nos goĂ»ts et de nos dĂ©sirs, notre profil marketing complet. Cela gĂ©nĂšre beaucoup d’erreurs bien sĂ»r le systĂšme est forcĂ©ment imparfait, car pas plus qu’il n’est pas capable de faire de distinguo entre nos relations il n’y a toujours qu’un seul niveau de relation dans Facebook l’amitiĂ©, alors que le systĂšme pourrait proposer plusieurs niveaux relationnels pas nĂ©cessairement symĂ©triques, il n’est pas non plus capable de faire le distinguo entre ce qu’on apprĂ©cie il n’y a qu’une fonction d’apprĂ©ciation, le Like », elle aussi sans nuances. Cela Ă©voluera certainement. Le problĂšme c’est que pour un systĂšme sociotechnique de ce type, ce qu’on dĂ©clare apprĂ©cier ne se pĂ©rime pas dans le temps, ne s’apprĂ©cie pas en contexte
 Facebook a du mal Ă  passer du graphe de recommandation au graphe de l’intĂ©rĂȘt. AprĂšs le graphe social, le graphe d’intĂ©rĂȘt ? En juillet 2010, Chris Dixon – cofondateur de Hunch, un moteur de recommandation social personnalisĂ© – expliquait que nous allions passer de l’époque du graphe pour les gouverner tous » Ă  des graphes sociaux plus spĂ©cifiques, construits autour de concepts comme le goĂ»t comme s’y essaye Hunch, la localisation Foursquare, la confiance
 Des concepts qui pourraient devenir le fondement de ce qu’on n’appelle non plus le graphe social le rĂ©seau des gens avec lesquels vous ĂȘtes en relation, mais le graphe d’intĂ©rĂȘt le rĂ©seau des gens qui partagent des centres d’intĂ©rĂȘt avec vous, mais que vous ne connaissez pas nĂ©cessairement, explique Om Malik. Car le graphe social et le graphe de recommandation de Facebook ont des limites, on l’a vu. S’ils sont une base pour construire des mĂ©dias sociaux, ils ont Ă©galement ses dĂ©fauts la rĂ©ciprocitĂ© de l’amitiĂ©, la limite du like pour mesurer les objets que l’on partage et la limite des relations que le systĂšme sociotechnique instaure
 Vos meilleurs amis peuvent avoir des goĂ»ts musicaux diamĂ©tralement opposĂ©s aux vĂŽtres. La musique, les films, les livres, les prĂ©fĂ©rences quelles qu’elles soient
 sont autant de domaines oĂč les gens ont des goĂ»ts qui ne sont pas nĂ©cessairement influencĂ©s par leurs amis ou pas par une large part de ces amis. Il n’est pas surprenant si les services de musique les plus rĂ©ussis sont plutĂŽt organisĂ©s autour du graphe de vos goĂ»ts musicaux qu’autour du graphe social musical de vos amis », explique Nathaniel Whittemore sur le blog d’Assetmap. L’enjeu pour de nombreuses start-ups dĂ©sormais n’est plus de s’intĂ©resser au graphe social qu’il est possible de rĂ©cupĂ©rer de nombreux services via les interfaces de programmation qu’ils proposent – on en parlera dans la 3e partie de ce dossier, qu’au graphe d’intĂ©rĂȘt pour construire des systĂšmes de recommandations toujours plus efficaces. Nonobstant, les plateformes sociales sont devenues des systĂšmes techniques par lesquels nous parcourons le web. Le graphe social a conquis le jeu Farmville en est un trĂšs bon exemple, l’e-commerce, l’information
 Nous observons dĂ©jĂ  le web non plus de la maniĂšre dont il est Ă©ditorialisĂ© via les flux RSS des sites d’origines, mais par le prisme du filtre de nos relations sociales via Twitter ou Facebook
. Nos relations sont transformĂ©es par les plateformes sociales il devient important de suivre certains propulseurs plutĂŽt que d’autres. Nos relations en ligne sont technologisĂ©es par le rĂŽle que jouent ces plateformes dans notre approche des services existants qui les intĂšgrent. L’emprise des technologies relationnelles Comme le rĂ©pĂ©taient les reprĂ©sentants de Facebook eux-mĂȘmes au rĂ©cent Facebook Developer Garage leur vrai » produit n’est pas le site, mais l’Open Graph nouveau nom du Graph Social, c’est-Ă -dire l’infrastructure mise en place. L’association Ars Industrialis a raison de parler de technologies relationnelles pour dĂ©signer l’ensemble des technologies qui non seulement mettent en relation, mais Ă©galement qui engramment les relations ». Par engrammer, il faut entendre Ă  la fois incorporĂ© et ce qui laisse une trace, Ă  l’image de l’engramme, la trace biologique de la mĂ©moire dans le cerveau. A ce titre, ces technologies sont un moment, contemporain, du processus de grammatisation qui consiste Ă  discrĂ©tiser les flux temporels, c’est-Ă -dire Ă  spatialiser le temps. AprĂšs la grammatisation de la parole dans l’écriture, puis du geste dans la machine-outil, les technologies relationnelles grammatisent Ă  prĂ©sent les relations psychosociales. » Image issue du bĂȘtisier des captures d’écrans de Facebook ZĂ©ros Sociaux. L’enjeu de la grammatisation des relations, pour faire plus simple, c’est nos gestes et nos comportements qui sont distinguĂ©s par les outils technologiques que nous utilisons. Et c’est tout Ă  fait ce qu’accomplit Facebook en dressant la liste de nos relations que ce soit avec des personnes nos amis ou avec d’autres types d’entitĂ©s des informations, des images, des vidĂ©os, des jeux, des produits, des marchandises, des institutions, des organisations
. La grammaire de Facebook dĂ©crit les rĂšgles qui rĂ©gissent le fonctionnement non plus d’une langue, mais de notre relation Ă  la technologie. Les identifiants sociaux, comme Facebook Login, encapsulent la grammaire de l’internet de demain. Ils recĂšlent les rĂšgles et les Ă©lĂ©ments constitutifs des pratiques relationnelles en ligne, des outils de recommandation et de mises en relation. C’est en cela qu’il faut entendre que Facebook nous façonne, qu’il conditionne les rapports humains et les reprĂ©sentations. En cela, il est pleinement une technologie relationnelle, qui a un impact sur la nature de la relation, un impact d’autant plus important que l’usage du graphe social s’étend. La capitalisation de certaines connexions devient primordiale pour accĂ©der pleinement Ă  certains services. Il faut non seulement identifier les experts adĂ©quats, mais Ă©galement ĂȘtre leur ami. Sur Dis moi oĂč il faut que je sois ami avec quelqu’un qui va souvent au restaurant, sur Spotify avec quelqu’un qui a des gouts musicaux qui me sont proches et qui exploitent pleinement le service, etc. Dit autrement, l’important sur Facebook, n’est pas ce que chacun y fait, mais les actions que nous partageons avec d’autres. Par le biais de Facebook, les services que nous utilisons sur internet deviennent tous sociaux et communautaires. Cette transformation n’agit pas sur Facebook seulement, mais sur l’internet tout entier. L’idĂ©e ici n’est pas de regretter les relations prĂ©numĂ©riques. Mais de comprendre que la grammaire qu’introduisent les plateformes relationnelles va avoir un impact direct et total sur notre relation Ă  la technologie et sur notre maniĂšre de construire des relations sur le numĂ©rique. Nous sommes passĂ©s du logiciel social le blog, aux plateformes relationnelles et on observe bien que c’est la mĂȘme transformation qui se prolonge observer le monde par le regard des gens qui ont les mĂȘmes sources d’intĂ©rĂȘts, certainement parce que c’est un plus puissant stimulant pour son propre intĂ©rĂȘt. Etre sur Facebook n’a donc pas grand-chose Ă  voir avec une pulsion voyeuriste-exhibitionniste nous plongeant dans l’émotionnalisme le plus simple. C’est aujourd’hui devenu le moyen d’activer son rĂ©seau relationnel pour l’exploiter sur l’internet tout entier. Hubert Guillaud Sur le sujet, signalons la sortie du denier numĂ©ro de la revue HermĂšs consacrĂ©e Ă  Ces rĂ©seaux numĂ©riques dits sociaux ». _______________ [1] Facebook Login est bien ici un exemple parmi d’autres. Je ne dis pas qu’il est notre seul avenir, d’autres identifiants globaux sont en concurrence. Gmail en a le potentiel, puisque votre identifiant personnel permet Ă©galement d’accĂ©der Ă  toutes les adresses mails avec lesquelles vous avez communiquĂ©. Twitter Ă©galement. Le service de messagerie instantanĂ©e pourrait Ă©galement jouer ce rĂŽle. Linked-in s’y essaie. Et Diaspora essaie d’imaginer une plateforme relationnelle libre. On le sait depuis longtemps. AccĂ©der Ă  un service, ne signifie par pour autant savoir l’utiliser, le comprendre, ni mĂȘme le maĂźtriser suffisamment pour ĂȘtre capable d’innover, de crĂ©er avec. Les outils numĂ©riques sont familiers de ces cloisonnements. On peut-ĂȘtre nĂ© avec le numĂ©rique et ne pas en maĂźtriser les usages, on peut utiliser Facebook au quotidien sans comprendre l’étendue de son action. D’ailleurs, la plupart du temps, on n’en a pas besoin. Pas seulement, les dangers de son utilisation comme aiment Ă  nous le rĂ©pĂ©ter les grands mĂ©dias de maniĂšre souvent simpliste ou certains experts avec plus de finesse je vous renvoie au livre de notre collĂšgue Jean-Marc Manach La vie privĂ©e un problĂšme de vieux cons pour mieux comprendre la problĂ©matique de la vie privĂ©e Ă  l’heure des rĂ©seaux sociaux, qui ne sera pas le sujet de cette sĂ©rie, mais plus encore le potentiel crĂ©atif que l’outil libĂšre, son fonctionnement intrinsĂšque. Comprendre les mĂ©dias sociaux et leur fonctionnement social et psychologique comme technique, tel est l’enjeu de ce dossier. Apparemment, Facebook est un babillage chronophage et dĂ©cĂ©rĂ©brant Il y a quelques mois, dans le Monde magazine sur abonnement, FrĂ©dĂ©ric Filloux, pourtant grand observateur d’internet, dressait le portrait de Facebook, avec le dĂ©dain habituel avec lequel on considĂšre toutes les innovations en provenance du web. Ce qu’on Ă©change sur Facebook mais Ă©galement sur Twitter ou la plupart des mĂ©dias sociaux se rĂ©sume Ă  un babillage » chronophage et dĂ©cĂ©rĂ©brant, estime le journaliste et consultant. Une des pires expressions de l’infobĂ©sitĂ© contemporaine. Image 5 des 10 raisons pour lesquelles le dessinateur Obion n’aime pas Facebook. Soit. On peut le voir ainsi. C’est pourtant ne pas voir grand-chose du fonctionnement de Facebook. C’est n’en voir que le mur, que ce fil d’actualitĂ© qui disparait Ă  mesure qu’il s’affiche. C’est n’en voir que ces Ă©changes subjectifs et incomplets, ce bavardage, cette conversation permanente pour ne rien dire, et oublier qu’ils sont depuis toujours le ciment des relations sociales. Certes, l’usage des sites sociaux peut-ĂȘtre chronophage mais pas pour tout le monde et pas pour tous de la mĂȘme maniĂšre. Quant Ă  l’action dĂ©cĂ©rĂ©brante d’internet qu’agitent comme une menace quelques Cassandres, tel Nicholas Carr, on sait que ce n’est pas si simple notre capacitĂ© Ă  ĂȘtre attentif, n’est pas nĂ©cessairement un idĂ©al. Si nous n’étions qu’attentifs, en fait, nous ne pourrions pas l’ĂȘtre c’est notre inattention qui nous permet de construire notre attention. Mais surtout ce bavardage et ces Ă©changes ne sont pas aussi vains qu’ils y paraissent, pour autant qu’on veuille bien observer le rĂŽle social et psychologique du bavardage. La fonction phatique de l’internet Que l’internet permette de publier un message qui ne dit rien d’intĂ©ressant, c’est ça qui est intĂ©ressant », nous explique le psychologue Yann Leroux. De plus en plus, la technologie prend en charge ce que Roman Jakobson appelait la fonction phatique du langage ». Et dans ce cadre, nos Ă©changes sur l’internet sont bien l’exact reflet de nos Ă©changes rĂ©els. L’essentiel de nos Ă©changes ne vise pas Ă  l’efficacitĂ©, loin de lĂ . Et ce d’autant plus que les espaces d’écritures du web sont limitĂ©s comme c’est le cas sur Facebook ou Twitter Ă  la diffĂ©rence des blogs oĂč l’on trouve plus souvent une narration de qualitĂ© ». Le dispositif joue une part importante en fonction de ce qu’il impose ainsi, on ne dit plus qu’on est Ă  tel endroit, mais on se gĂ©olocalise sur Foursquare », estime le psychologue. Une part de la fonction phatique de nos Ă©changes est prise en charge par nos machines et via les machines. Nos outils socio-techniques dĂ©multiplient Ă  l’envie les messages pour s’assurer de leur fonctionnement ou de leur bonne rĂ©ception
 Internet est un espace intermĂ©diaire entre moi et les autres, un espace de porositĂ© entre nos mondes internes et nos phases sociales. Quand je dis quelque chose de trĂšs banal pour les autres, ça peut-ĂȘtre important pour moi. » Bien sĂ»r cela peut-ĂȘtre utilisĂ© de façon transformative ça peut-ĂȘtre utilisĂ© pour se transformer, pour agir sur soi ou pour favoriser des enfermements on dĂ©pose des choses intimes dans un espace pour ne pas y repenser, prĂ©cise le psychologue. Mais tous nos Ă©changes ne sont pas informatifs. Jouer, plaisanter, rire de soi ou des autres, parler pour ne rien dire
 sont aussi des formes d’échange social importantes. Et ce sont bien celles-ci que beaucoup dĂ©noncent sur Facebook. Pourtant, les formes courtes, lapidaires, favorisent les jeux de styles, l’humour. MĂȘme si dans le champ des personnes qu’il rencontre, il peut ne pas toucher tout le monde. Bien souvent, et depuis longtemps, le style et la maniĂšre d’intervenir sur les rĂ©seaux comptent plus que l’objet mĂȘme de l’échange, estime la psychanalyste GeneviĂšve Lombard. Une des possibilitĂ©s de Twitter est ainsi de faire signe ». Lorsque » le signe » n’a pas de consistance , ou quand sa consistance n’est pas reconnue, il fonctionne quand mĂȘme comme signal, car il se rattache la plupart du temps Ă  des arborescences des liens, des blogs, des sites
 grĂące auxquelles il se trouve contextualisĂ©, explicitĂ©, dĂ©veloppĂ© de mille maniĂšres. Ce signe » est juste la pointe la plus actuelle d’une activitĂ© web plus gĂ©nĂ©rale, qui a souvent une histoire et une surface plus large. Il en assure l’apparaitre au prĂ©sent. » C’est ainsi qu’il faut entendre l’essentiel de nos Ă©changes sur les sites sociaux comme un ensemble de signes qui nous permettent de faire sociĂ©tĂ© dans une sociĂ©tĂ© mĂ©diatĂ©e. Pour Yann Leroux, le rĂ©seau social est notre nouveau doudou, celui qu’on consulte le soir, avant de s’endormir. Selon un sondage britannique, plus de 70% de personnes interrogĂ©es consultent leurs rĂ©seaux sociaux avant d’aller au lit et 18% twittent en pleine nuit. Il faut se souvenir que s’endormir n’est pas une opĂ©ration simple », rappelle le psychologue. Nous avons tous des techniques personnelles pour y parvenir. Ces techniques et ces objets sont des maniĂšres de pallier l’angoisse de la sĂ©paration, d’aller vers un Ă©tat que l’on ne connaĂźt pas le sommeil. Pour cela, il faut dĂ©sinvestir les pensĂ©es qui nous ont accompagnĂ©es toute la journĂ©e, et une des choses qui peut aider passe parfois par des rituels de vĂ©rification ». Ainsi, vĂ©rifier le calme qui se rĂ©pand sur les rĂ©seaux sociaux au fur et Ă  mesure que la nuit s’avance nous rassure et nous calme Ă  notre tour. Le rĂ©seau social peut aussi ĂȘtre utilisĂ© comme un consolateur ou un briseur de soucis. Les lolcats et autres motivational posters ou demotivational jouent Ă©galement ce rĂŽle. Des chaines de mails qui Ă©changent Ă  l’infini ces mĂšmes qui composent le rĂ©seau, aux assertions idiotes ou inutiles que l’on publie en commentaire sur le Facebook de nos relations
 tout cela participe de modalitĂ©s d’échanges qui ne sont pas aussi futiles qu’elles paraissent. Image extrait d’un des sketchs Facebook imaginĂ© par CĂ©cile Dehesdin et GrĂ©goire Fleurot journalistes Ă  lors de l’affaire Woerth-Bettancourt, montrant combien le fil d’actualitĂ© et sa complexitĂ© sont devenus un mode de narration Ă  part entiĂšre, que tentent d’ailleurs de rĂ©cupĂ©rer des startups comme Storify. De l’importance sociale du bavardage Le bavardage confirme le rĂŽle prĂ©dominant de la communication sociale non, nos Ă©changes ne visent pas uniquement Ă  l’efficacitĂ©, loin de lĂ . Le bavardage est certes un bruit de fond, disait dĂ©jĂ  Paolo Virno insignifiant en soi, il offre nĂ©anmoins la trame d’oĂč extraire des variantes significatives, des modulations insolites, des articulations imprĂ©vues. Le bavardage ne reprĂ©sente pas quelque chose, mais c’est prĂ©cisĂ©ment en cela qu’il peut tout produire. » Pour autant, il est par beaucoup dĂ©noncĂ© comme une injonction Ă  parler, Ă  dĂ©battre, le fruit vĂ©nĂ©neux d’une hypnose sociale » au profit de l’autonomie de la pensĂ©e, mĂȘme si cette injonction du dialogue pour le dialogue conduit Ă  tout confondre et Ă  ne plus rien classer. Tout devient prĂ©texte Ă  bavardage et tout est bavardage. Et Facebook, permettant de bavarder sur tout en est certainement le symbole le plus Ă©vident. Mais Facebook n’est pas condamnĂ© parce qu’il nous permet de bavarder sur tout, mais parce que nos bavardages sont dĂ©sormais Ă©crits, affichĂ©s, indexĂ©s, cherchables, monĂ©tisables
 La futilitĂ© des propos inscrits n’a pas la mĂȘme valeur que ceux que la parole prononce et oublie aussitĂŽt. D’un coup, ils s’affichent, s’archivent et deviennent reproductibles mĂȘme avec leurs tics de langage puisque Facebook est le roman que nous Ă©crivons tous ». L’incident peut devenir un accident comme le disait Frank Beau lorsqu’il analysait la viralitĂ© des mĂšmes qui circulent sur l’internet et en structurent l’imaginaire. François Perea, maĂźtre de confĂ©rences Ă  l’universitĂ© Paul ValĂ©ry, dans un article sur les reprĂ©sentations de soi dans l’espace numĂ©rique parle de comportement tribal » du web L’anthropologue Robin Dunbar parle de toilettage verbal » pour caractĂ©riser la fonction du bavardage, qu’il rapproche du toilettage social que pratiquent les primates. C’est ce que nous explique Ă©galement Judith Donath, la directrice du Sociable Media Group Ce que l’on fait sur ces sites consiste plutĂŽt Ă  passer un peu de temps, Ă  montrer qu’on fait attention Ă  l’autre, que l’on pense Ă  lui ». Pour cela, bien sĂ»r, il faut passer par un activisme nĂ©cessaire », contraint par l’objet sociotechnique qu’on utilise. C’est pourquoi nous modifions nos statuts, commentons, jouons aux jeux et aux quizz que d’autres nous transmettent
 Nous sommes contraints de rĂ©pondre aux signaux que nous adressent les autres. Le mur de Facebook joue prĂ©cisĂ©ment ce rĂŽle accepter une mise en relation le plus souvent avec un inconnu avec quelqu’un qui vous a identifiĂ©, mais que vous ne connaissez pas nĂ©cessairement pour Ă©changer des signaux qui feront sens ou qu’on ne dĂ©codera pas forcĂ©ment l’un l’autre. Facebook et les outils du web dĂ©multiplient les signaux et rituels qu’on s’envoie commentaires, images, liens, photos, vidĂ©os, jeux, like
 pour permettre de s’apprĂ©hender les uns les autres. Mais surtout, insiste Donath Cela montre que les choses que vous dites n’existent que dans le contexte d’autres communications et qu’on ne peut pas les regarder de maniĂšres isolĂ©es, comme si elles Ă©taient des publications uniques, singuliĂšres. Nos discussions ne se comprennent que dans le rĂ©seau de relations et de signes dans lesquelles elles s’inscrivent. » C’est-Ă -dire qu’il est difficile d’interprĂ©ter nos Ă©changes sur Facebook Ă  l’aune de ces seuls Ă©changes. Publier sur le mur de Facebook une petite vidĂ©o prise avec son mobile montrant un ami en train d’hurler on ne sait pas quoi lors d’une soirĂ©e chahutĂ©e peut n’avoir aucun sens pour bien des relations qui en prendront connaissance. Cette vidĂ©o qui semble isolĂ©e s’inscrit en fait dans un maillage relationnel et communicationnel qui nous est en grande partie inconnu, qui passe par un bien plus vaste maillage de relations et d’outils de communications. Sur Facebook on ne voit poindre qu’une partie du bavardage constant qui nous façonne. Mais nĂ©anmoins, mĂȘme imparfaitement, il apparaĂźt, il devient visible, lisible
 Il dĂ©multiplie les relations particuliĂšres que nous avons avec chacun pour les mettre Ă  la vue de tous, permettant Ă  d’autres de s’en saisir, d’y trouver sens ou amusement – ou pas. L’optimisation des Ă©changes et la rĂ©duction relationnelle Ces Ă©changes inconstants que l’on a sur les rĂ©seaux s’avĂšrent une formidable matiĂšre pour comprendre les Ă©volutions de notre sociĂ©tĂ©. L’analyse des donnĂ©es issues de Facebook ou d’autres rĂ©seaux sociaux comme le site relationnel OK Cupid par exemple, qui sur son blog observe trĂšs rĂ©guliĂšrement ce que publie ses membres pour en comprendre les normes sociales permet de porter un regard neuf sur le rĂŽle de ces Ă©changes, sur leur importance et surtout sur leurs significations. Facebook essayait ainsi rĂ©cemment de comprendre les relations de cause Ă  effet entre la composition des messages des statuts et l’entregent d’une personne c’est-Ă -dire sa capacitĂ© Ă  entretenir un rĂ©seau de relations influentes, montrant que les messages qui ont le plus d’audience sont ceux qui se conforment le plus aux canons de la prise de parole classique dans l’espace public des messages plus structurĂ©s, dĂ©sinvestis et moins personnels, se projetant vers l’avenir fĂ»t-il proche », rappelle Vincent Truffy. Rien que de normal. La technologie relationnelle Ă  l’oeuvre porte ses propres effets d’optimisation. Le plus souvent ses techniques favorisent certaines formes d’activitĂ©s par rapport Ă  d’autres les rĂ©seaux sociaux favorisent globalement ceux qui partagent des liens entre eux plus que ceux qui discutent, ceux qui dĂ©multiplient les relations que ceux qui ont des relations intensives avec un groupe rĂ©duit. Ces mesures ne discriminent pas pour autant la portĂ©e des autres messages, mĂȘme si elles ne savent pas les valoriser les messages moins structurĂ©s, plus personnels, qui servent Ă  donner de la vacuitĂ© ou de l’épaisseur Ă  nos relations demeurent nĂ©anmoins les plus nombreux. Echanger des banalitĂ©s a certes moins d’impact sur notre entregent, mais n’est pour autant dĂ©nuĂ© de sens ou de plaisir, pour autant que nous nous sentions proches de cette personne. Facebook favorise ce sentiment de proximitĂ©, en nous montrant le flux de ceux avec qui nos Ă©changes sont les plus nourris. Sur Facebook, chacun derriĂšre nos Ă©crans, nous Ă©changeons nos quotidiens. Nos messages personnels se perdent dans le flux des relations que l’outil, dans sa logique d’optimisation, nous pousse Ă  dĂ©multiplier. Nos amis, nos relations, nos collĂšgues, les inconnus qui croient nous connaĂźtre sont tous indiffĂ©remment mĂȘlĂ©s. Dans ce flux constant, notre bavardage prend sens, ou pas. Il est le ciment des relations. Mais en traitant toutes les relations sur le mĂȘme pied d’égalitĂ©, Facebook en dĂ©tourne le jeu. En ne permettant d’avoir qu’un niveau de relation l’amitiĂ© Facebook rĂ©duit la complexitĂ© relationnelle de sa base Ă  son expression la plus simple. Il faudrait pouvoir avoir plusieurs niveaux relationnels pour caractĂ©riser nos relations inconnus, relations, collĂšgues, amis
. Or Facebook a tendance Ă  tout lisser, mettant sur le mĂȘme plan le signe social et l’information structurĂ©e, le privĂ© et le public, le personnel et le professionnel. Quand le bavardage permet de comprendre notre sociĂ©tĂ© RĂ©cemment, un professeur d’universitĂ© britannique faisait Ă©tat d’une recherche qui n’aurait pas Ă©tĂ© possible de mesurer sans Facebook son Ă©tude portait sur le phĂ©nomĂšne consistant Ă  se rouler une pelle entre amis par jeu, pour afficher son amitiĂ© et de publier la vidĂ©o ou les photos de ce baiser sur les sites sociaux. Le professeur Eric Anderson, maĂźtre de confĂ©rences au dĂ©partement de l’Education de l’universitĂ© de Bath veut y voir un signe du dĂ©clin de l’homophobie chez les nouvelles gĂ©nĂ©rations
 Les avocats voient mĂȘme dĂ©sormais dans les Ă©changes sur Facebook l’une des principales raisons des divorces et surtout de preuves apportĂ©es aux divorces, sans voir qu’en fait Facebook ne fait que mettre en Ă©vidence des choses qui se sont dĂ©jĂ  dĂ©litĂ©es par ailleurs. Facebook n’est que le lieu documentĂ© de notre sociĂ©tĂ© moderne. Pratique bouc-Ă©missaire ou document ultime – parce qu’écrit et visible – de la vie des gens. Il faut raison garder, nous rappelle le sociologue Dominique Cardon. Sur Facebook, on peut toujours trouver quelque chose pour confirmer qu’on a raison. » Le risque est de passer de la sociologie Ă  la tendançologie », de faire des sites sociaux les boucs-Ă©missaires de nos relations tourmentĂ©es et difficiles, parce que les incidents y prennent une inscription qui leur donne une importance qu’ils n’avaient pas nĂ©cessairement. Reste que les rĂ©seaux sociaux constituent un corpus d’archives en temps rĂ©el assez passionnant pour comprendre les mentalitĂ©s et les pratiques, explique le chercheur. Les sites sociaux permettent d’observer beaucoup de choses, pour autant qu’on se donne les outils et mĂ©thodes nĂ©cessaires. Est-ce qu’internet Ă  travers les blogs de cuisine peut nous donner une idĂ©e des transformations des pratiques culinaires de français ? » Pour autant, relativise le chercheur, si on trouve plein d’exemples de ce qu’internet apporte aux sciences sociales, rien de ce qu’y s’y trouve n’est inconnu des sciences sociales. Il n’y a pas de rĂ©volution par les donnĂ©es. L’utilisation des bases de donnĂ©es confirme des intuitions, des analyses, permet d’affiner les chiffres, mais ne rĂ©volutionne pas la connaissance. C’est le coeur des sciences sociales elles sont tout le temps dĂ©cevantes ! ». Certes, avant on connaissait la vie privĂ©e par les documents archivĂ©s par la police et les tribunaux, aujourd’hui, le corps de l’information n’est plus dans les archives administratives, mais dans les tĂ©moignages directs des gens. On peut chercher Ă  anoblir les bavardages sur Facebook pour qu’ils deviennent objets de sciences. Ils sont certes une matiĂšre riche pour la comprĂ©hension des fonctionnements et des transformations sociales. Mais il ne faut pas pour autant que cela leur enlĂšve leur sens premier celui d’ĂȘtre essentiel aux Ă©changes sociaux ». Qu’importe alors si nos Ă©changes sur Facebook ne sont pas l’expression la plus haute de la pensĂ©e humaine, ce n’est certainement pas leur but
 Un si petit monde Dans son analyse sur les relations de cause Ă  effet entre la composition des messages des statuts et l’entregent d’une personne, la Data Team de Facebook a aussi soulignĂ© l’importance de l’homogĂ©nĂ©itĂ© des groupes c’est-Ă -dire la tendance Ă  avoir le mĂȘme type de comportement que ses relations si le groupe auquel on appartient Ă©crit des messages longs ou commente beaucoup, on a tendance Ă  avoir le mĂȘme comportement pour se conformer aux usages du groupe. Les sociologues ont depuis longtemps mis cela en Ă©vidence, notamment dans les pratiques adolescentes, comme l’a montrĂ© Dominique Pasquier. Mais ce n’est pas le cas seulement des plus jeunes nous faisons groupe Ă©galement parce que nous avons des pratiques similaires. C’est l' »homophilie » qu’évoque danah boyd, c’est-Ă -dire cette capacitĂ© dans un monde en rĂ©seau Ă  ce que les gens se connectent Ă  des gens qui leur ressemblent a un corolaire il est dĂ©sormais facile de ne pas accĂ©der au point de vue de gens qui ne pensent pas comme vous. Nous vivons tous dans nos propres mondes, avec des gens qui partagent nos valeurs, et avec les mĂ©dias en rĂ©seau, il est souvent difficile de voir au-delĂ . 
 La technologie ne bouleverse pas les clivages sociaux. Au contraire, elle les renforce.” En 2009, des chercheurs en sciences sociales employĂ©s par Facebook pour en Ă©tudier les effets sur la sociabilitĂ© ont publiĂ© un rapport analysant de quelle maniĂšre s’organise la communication entre les membres du rĂ©seau », explique l’anthropologue Stefana Broadbent dans son rĂ©cent livre, L’intimitĂ© au travail. Il en est ressorti qu’en moyenne les utilisateurs comptaient cent vingt amis, mais qu’ils communiquaient activement avec moins de 10 % d’entre eux. Les chercheurs ont dĂ©fini ainsi 4 types de rĂ©seaux diffĂ©rents les amis, c’est-Ă -dire l’ensemble des relations d’une personne ; ceux avec lesquels il y avait une communication rĂ©ciproque ; ceux avec lesquels il y avait une communication Ă  sens unique et ceux avec lesquels il y avait des relations maintenues quand les gens cliquent sur le fil d’actualitĂ© d’une relation ou visite plusieurs fois le profil. Ils ont montrĂ© que les personnes ayant 120 amis un chiffre qui correspond Ă  la majoritĂ© des utilisateurs, sont activement engagĂ©es avec moins de 10 personnes. L’utilisateur moyen laisse des commentaires sur les photos, le mur ou les statuts de 7 relations, et envoie des messages ou chatte avec 6 amis. » Les utilisateurs sont engagĂ©s de façon passive avec une vingtaine d’amis seulement. Or, c’est cet engagement passif qui donne aux utilisateurs du site que grĂące Ă  Facebook ils communiquent plus et restent en contact avec davantage de gens. » Olivier Ertzscheid, maĂźtre de confĂ©rences en Sciences de l’information et de la communication au dĂ©partement Infocom de l’IUT de La Roche-sur-Yon, explique dans un billet sur la taille du web que nous frĂ©quentons que l’une des consĂ©quences de cette homogĂ©nĂ©itĂ© et de cette homophilie signifie qu’une fois sur quatre, je vais naviguer lĂ  oĂč mes amis » ou les amis de mes amis » m’envoient naviguer ». Sur Facebook, plus encore que sur le web, le diamĂštre de ce que nous visitons ne semble cesser de se restreindre. Notre univers est bornĂ© par nos amis », comme il l’était il y a 100 par notre voisinage et notre niveau social – et nos amis sont bien Ă©videmment le plus souvent aussi le reflet de cela. Difficile de mesurer si l’enfermement consenti » ou la logique documentaire concentrationnaire » ou uniformisante » Ă  l’oeuvre sur les sites sociaux est moindre qu’elle a pu l’ĂȘtre, dans le rĂ©el, oĂč Ă  l’époque oĂč nous ne consultions que les trois premiers rĂ©sultats de Google. Comme le dit encore Olivier Ertzscheid, c’est peut-ĂȘtre dans nos reprĂ©sentations que le web, vu via Facebook, est porteur d’une rupture radicale. Avec Facebook, le web n’est plus synonyme d’altĂ©ritĂ©, de dĂ©calage. Il n’est plus un lieu d’exploration inĂ©puisable, comme nous avons bien souvent tendance Ă  le croire. Au contraire. Il borne le web que nous frĂ©quentons, qui est toujours plus Ă©troit que nous ne le pensons – nous revenons pourtant le plus souvent toujours sur les mĂȘmes sites. Cela participe certainement de son mĂ»rissement et de son installation comme mĂ©dia » Ă  part entiĂšre. L’internet – et l’internet vu depuis Facebook – Ă©chappe de moins en moins Ă  la logique de mĂ©dia social qui le caractĂ©rise. Hubert Guillaud Le dossier Comprendre Facebook » 1e partie Le rĂŽle social du bavardage 2e partie Facebook, technologie relationnelle 3e partie L’internet des API, le web des applications AprĂšs avoir Ă©tĂ© deux ans durant partenaires de la section Technologie du InternetActu et Place de la Toile ouvrent un blog invitĂ© sur la plateforme du Monde Un espace pour aller plus avant dans la comprĂ©hension des nouvelles technologies. Chaque semaine, nous essayerons de traiter une thĂ©matique en y apportant diffĂ©rents Ă©clairages provenant du fonds d’articles d’ et d’émissions de Place de la Toile. Hubert Guillaud, Xavier de la Porte, RĂ©mi Sussan Sortir Concerts World/Reggae SoirĂ©es Concerts Expos Spectacles Salons Bonnes Adresses Gratuit Rock Pop Français Electro Classique Jazz/Soul/Funk Hip-Hop/Rap World/Reggae Rechercher Quand ? Concert World/Reggae DATE Samedi 16 novembre 2019 LIEU LE FUZZ'YON La Roche Sur Yon 85000 HORAIRE 2015 TARIF 17,8 euros ATTENTION Ă©vĂ©nement terminĂ© ! EvĂ©nement proposĂ© via notre partenariat avec Carrefour Spectacles Quand ? Horaires ZENZILE + 1ERE PARTIE Samedi 16 novembre 2019 Horaires 2015 Quoi ? ZENZILE + 1ERE PARTIE c'est quel genre d'Ă©vĂ©nement ?Concerts - World/Reggae Concerts FUZZ'YON / World/Reggae FUZZ'YON / Concerts La Roche Sur Yon 85000 / World/Reggae La Roche Sur Yon 85000 Prix ? Tarif 17,8 euros Billetterie en ligne RĂ©servez maintenant vos places Billets imprimables Ă  domicile Adresse OĂč ? 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LA BARAKASON - Reze 44400 Concerts World/Reggae - Plus d'Ă©vĂ©nements Devenez Fan du Parisien Etudiant sur Facebook Sur Twitter P_etudiant parisiensortie Le Parisien Etudiant sur InstagramMaviedetudiant Saison 14/15 TU-NantesPublished on Aug 25, 2014Programme de saison 14/15 du TU-Nantes, scĂšne de recherche et de crĂ©ation contemporaine Ă  Nantes. Saison Happy 20 spectacles, théùtre, danse et hap... TU_Nantes ï»żVente Studios à La Roche-sur-Yon 85 162 annonces ? Les résultats sont classés en fonction de leur pertinence. 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